lundi, avril 22

Croissance et sinisation obligée au Xinjiang

Dans un article intitulé « Le Xinjiang et la question ouïghoure », Rémi Castets, maître de conférences à l’Université Bordeaux Montaigne (TELEM) et chercheur associé à l’université Georges Washington (CAP), explique  » la dégradation actuelle du contexte au Xinjiang », d’autant que « l’État chinois, fort de sa longue histoire et de sa vision politique sur le long terme, mise sur une croissance forte et une lente sinisation du territoire afin de solutionner le problème ouïghour ».

Le chercheur affirme que « la région est dans l’imaginaire politique chinois un territoire instable et sensible« , raison pour laquelle, le gouvernement central a décidé dès les années 1950 de promouvoir « la colonisation de la région en favorisant l’installation de populations Han ».

Pour cela, une vaste politique et campagne promotionnelle a été mise en place pour inciter les Han à migrer vers le Xinjiang, par exemple, en décembre 2014, les autorités ont inauguré la première ligne de chemin de fer à grande vitesse pour relier le reste du pays au Xinjiang, appelé son « Far west« . Longue de quelque 1800 kilomètres, la nouvelle ligne baptisée « Lanxin » relie en moins de 12 heures Lanzhou, la capitale provinciale du Gansu voisin, à Urumqi, la capitale du Xinjiang, réduisant de moitié le temps du trajet.

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*Cf. note en bas d’article

Le gouvernement mise sur le développement économique avec une nouvelle « route de la soie » devant intégrer les pays d’Asie centrale. L’an prochain,  une autre ligne de TGV reliera ainsi Pékin à Lanzhou, réduisant à 16 heures le temps de parcours entre la capitale chinoise et Urumqi, contre 41 heures actuellement.

Cette nouvelle ligne de TGV perpétue l’afflux massif de Han, « canalisé en partie par une structure dépendant du Gouvernement central, les Corps de Production et de Construction du Xinjiang (CCPX)« . Cette organisation a été dissoute « dans les autres provinces où ils avaient été mis en place, ils ont été remis en place au sortir de la Révolution culturelle » dans le Xinjiang.

« Le poids économique de ce conglomérat présent dans de nombreux secteurs d’activités permet de fixer de nombreux immigrants mais aussi via ses forces de sécurité de contribuer au maintien de cette dernière« , explique Rémi Castets.

Ce dernier précise que « les Ouïghours qui constituaient les trois quarts de la population de la province en 1949 constituent à ce jour moins de 45 % de cette dernière. Quant à la population han, elle est passée durant le même laps de temps de 6 à plus de 40 % des 22 millions d’habitants peuplant aujourd’hui la région ».

La venue de milouins de Hans ces dernières décennies de millions de Han est à l’origine des tensions ethniques et religieuses, qui ont entraîné des actes de violences dans la province et en dehors.

D’ailleurs, le développement économique engagé à porter ses fruits, « le Xinjiang était en 1949 parmi les provinces les plus pauvres de Chine. Désormais, son PIB/habitant le classe au 19e rang parmi les 31 entités provinciales chinoises ».

Cette croissance n’apporte rien aux population ouïghours, car « la position dominante des Chinois ethniques dans les cercles de pouvoir et les cercles économiques et les investissements dirigés en priorité vers les zones de colonisation favorisent les colons han. Cela rend par ailleurs plus difficile l’ascension sociale des franges de la société ouïghoure éloignées de ces mêmes cercles ».

Remi Castets
Remi Castets

Cette position dominante des Han est l’une des causes du ressentiment de la population ouïghour, dont une frange s’est radicalisée, allant jusqu’à mener des opérations suicides meurtrières. « Quand les frustrations deviennent insupportables, les Ouïghours descendent parfois en masse dans la rue comme à Khotan en 1995, à Yining en 1997 ou à Urumchi en 2009 », souligne l’universitaire.

Ce dernier note que « la surdité des autorités face aux récriminations des populations locales et les consignes données aux forces de sécurité afin d’étouffer dans l’œuf tout mouvement de contestation conduisent souvent ces manifestations à être durement réprimées ».

*Document 4 : Évolution de la population han dans les provinces du Grand Ouest chinois, 1953-2000. © FNSP. Sciences Po – Atelier de cartographie, 2009. Source : Rémi Castets, « Migrations intérieures et colonisation dans le Grand Ouest de la Chine », dans Christophe Jaffrelot et Christian Lequesne (dir.), L’enjeu mondial : les migrations, Paris, Presses de Sciences Po, 2009, p. 73.

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