vendredi, mars 22

Pas de SEM pour la Chine

Le Parlement européen vient d’annoncer sa décision de ne pas octroyer à la Chine, le Statut d’Économie de Marché (SEM), par crainte pour son industrie et l’interdiction droit antidumping, contre les produits chinois. En Chine, les médias officiels assurent qu’il est dans l’intérêt des européens de laisser leur pays obtenir ce statut, car la Chine est le 2nd partenaire commercial de l’UE et l’un de ses principaux marchés.

Un traitement « non standard » des exportations vers l’UE

Dans un communiqué, le Parlement européen a expliqué que « jusqu’à ce que la Chine satisfasse les cinq critères de l’UE pour le statut d’économie de marché, ses exportations vers l’UE doivent être traitées de manière non standard ». Ces critères vont de la répartition des ressources économiques par le marché, la suppression du commerce de troc, la gouvernance d’entreprise, aux droits de propriété et ouverture du secteur financier.

La résolution non législative adoptée jeudi 12 mai, par 546 voix pour, 28 voix contre et 77 abstentions, précise que « cette méthodologie ‘non standard’, pour les enquêtes en matière de dumping et de subventions, devrait évaluer si les coûts et prix de la Chine se basent sur le marché, afin de garantir des conditions de concurrence équitables pour l’industrie et défendre les emplois dans l’UE ».

Pour parvenir à mettre en place « cette méthodologie non standard », le Parlement européen va devoir « trouver une façon de faire cela en conformité avec ses obligations internationales envers l’Organisation mondiale du commerce (OMC), et en particulier le protocole d’adhésion de la Chine à l’OMC ». En effet, ce protocole, bien qu’ambigüe, doit permettre à la Chine d’obtenir le statut d’économie de marché après le 11 décembre 2016, soit 15 ans après son adhésion à l’OMC.

Le droit antidumping, au centre des débats

Le 10 mai, la Commission européenne avait défendu qu’octroyer le SEM à la Chine serait un choix « intenable » dans la situation actuelle, car cela « impliquerait un coût énorme en termes de pertes d’emplois dans l’Union européenne ». Face aux « distorsions » dans la conjoncture actuelle en Chine, l’UE « ne serait plus capable d’accorder la protection nécessaire face aux pratiques commerciales déloyales », avait alors jugé le commissaire européen, Vytenis Andriukaitis.

« Même hors du contexte actuel de surcapacité (de production, ndlr), un tel choix serait intenable », a-t-il ajouté. Ce dernier préfèrerait la méthode américaine, consistant à mettre en place des exceptions pour les secteurs menacés par les produits chinois, ainsi « cette approche permettrait de faire en sorte que les calculs des marges de dumping reflètent les distorsions actuelles de l’économie chinoise de façon plus précise » a-t-il assuré.

acier économieD’ailleurs, le débat s’est transformé en réquisitoire quasi unanime des députés contre le « dumping » de Beijing dans le secteur de l’acier. Pour David Caspary, porte-parole du PPE (droite), le parti majoritaire au Parlement, « la question la plus importante n’est pas de savoir si oui ou non il faut accorder à la Chine le statut d’économie de marché, mais les emplois ».

Selon la Commission européenne, quelque 250 000 emplois seraient directement concernés par la levée des mesures antidumping liées à la question de l’économie de marché de la Chine.

Unanimité des eurodéputés

David Caspary a assuré qu’« il faut absolument que nous disposions de mécanismes de défense face à la Chine ». De leurs côtés, les groupes Conservateurs et réformistes européens, Alliance des libéraux et des démocrates pour l’Europe et Les Verts ont également insisté sur la nécessité de conserver des mesures anti-dumping pour faire face à la Chine.

Le co-président des Verts, Philippe Lamberts, a d’ailleurs déclaré en séance que « Pékin décide de réduire ses capacités, ils réduisent leurs capacités. Ce n’est pas une économie de marché, ce n’est pas le marché qui dirige l‘économie chinoise ». 

Les socialistes et démocrates européens (S&D) ont assuré que l’octroi du SEM à la Chine serait une décision « hasardeuse » et « contribuerait au suicide de l’industrie européenne ». Le président du S&D Gianni Pittella a indiqué que « dans le secteur de l’acier notamment, on assiste depuis des années à du dumping chinois. Vu ce risque et au nom du principe de précaution, nous devons nous opposer à l’octroi du SEM à la Chine ».

Cependant, pour Huang Han et Wang Huanying, « les exportations chinoises d’acier ne sont pas la véritable cause de la crise actuelle de la sidérurgie européenne« . Les deux journalistes de l’agence de presse Xinhua assurent que « la véritable cause de la crise de la sidérurgie européenne réside dans son coût de production, qui est très élevé et qui la rend moins compétitive à l’échelle mondiale ».

S’appuyant sur les récentes données de la Douane chinoise, ils expliquent qu’en 2015, la Chine a exporté 7,8 millions de tonnes d’acier vers l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, l’Italie, le Portugal, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, soit 7% seulement de ses exportations totales d’acier, contre 24% pour le Brésil et 29% pour la Russie.

La question de la surcapacité

Concernant la surcapacité de production des aciéries chinoises, les ministres européens, indien, américain, mexicain et chinois ainsi que des représentants de la Commission européenne et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) s’étaient réunis, sous l’égide de l’OCDE, en avril pour tenter de trouver des solutions.

De nombreuses manifestations de sidérurgistes européens ont eu lieu durant les débats
De nombreuses manifestations de sidérurgistes européens ont eu lieu durant les débats

Pour l’ensemble des participants, la Chine est la source numéro un de la surcapacité. Prenant l’exemple de la sidérurgie, celle-ci bénéficie de subventions gouvernementales, lui permettant découler ses marchandises sur les marchés d’acier à bas prix. La surcapacité chinoise plombe le marché mondial de l’acier qui voit le nombre de fermeture d’usine augmenter, les licenciements accroître et les plaintes anti-dumping contre la Chine s’accumuler.

Pour les autorités chinoises, le problème se situe au niveau de la « faible demande causée par la morosité de l’économie mondiale, la surcapacité dans l’industrie sidérurgique est devenue un problème international ». Lu Kang, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a d’ailleurs indiqué lors d’une conférence de presse, le 11 mai,  qu’« au lieu d’offrir des subventions, la Chine est le seul pays à imposer des restrictions sur les exportations d’acier ».  

Selon lui, « la Chine a réduit la capacité de production d’acier de 90 millions de tonnes au cours des cinq dernières années, presque le double de l’objectif d’origine qui était de 48 millions de tonnes ».

La Chine, un partenaire important

Les députés européens ont souligné « l’importance du partenariat de l’UE avec la Chine« , d’autant que le pays est le 2nd partenaire commercial de l’Union, avec des flux commerciaux quotidiens de plus d’1 milliard d’euros. De plus, le marché chinois « est la principale source de profit pour de nombreuses entreprises et marques européennes« , ont-ils souligné.

En effet, en 2015, la Chine est le principal importateur de bien en UE : 20% des biens vont vers l’Union, contre 14% pour les États-Unis. Selon la note d’analyse du « Commerce international de biens en 2015 » d’Eurostat, le commerce entre la Chine et l’Union européenne s’est élevé à 521 milliards d’euros, soit 15% du total du commerce de biens de l’UE. Ainsi, la part de la Chine a doublé depuis 2002, passant de 7% à 15%.

De plus, 10% des exportations de l’UE vont vers la Chine, contre 21% pour les États-Unis, faisant de l’Empire du milieu un allié économique et commercial important. D’autant plus que la Chine investit massivement dans l’Union, soit près de 20,5 milliards d’euros en 2015.

Malgré le volume des échanges, les députés s’opposent fermement « à toute décision unilatérale d’octroi du statut d’économie de marché à la Chine« . Ils veulent un consensus pour « une interprétation commune des règles de l’OMC » et demandent à la Commission de « se servir des prochains sommets du G7 et du G20 ainsi que du sommet UE-Chine pour trouver une réponse compatible avec l’OMC ».

Désormais, le dossier est entre les mains du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qui s’il reconnaît la Chine en tant qu’économie de marché dans le droit communautaire, le Parlement fera appel à son « droit de codécision avec le Conseil« , souligne le communiqué du Parlement.

A suivre, les réactions de la Chine

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