jeudi, avril 18

2005, année charnière pour la Chine et le Sénégal

Quinze ans auparavant, Dakar a décidé de changer de stratégie vis-à-vis de l’Empire du milieu. Allié à la République de Chine, Taïwan, le gouvernement sénégalais a décidé de tourner le dos à son partenaire historique, pour devenir la porte d’entrée de la Chine en Afrique.

Très présent sur la scène internationale, le Sénégal tente depuis une quinzaine d’année de consolider ses relations avec les chinois, après avoir rompu d’une façon peu diplomatique – et critiquable dans la forme – tous liens avec Taïwan. Ainsi, le président de l’époque Abdoulaye Wade a préféré profiter de la croissance économique pour développer son pays.

Devenir la porte d’entrée de la Chine en Afrique

A l’occasion du lancement des programmes de Radio Chine International (RCI), le Premier ministre sénégalais a exprimé son souhait de voir le Sénégal devenir la plaque tournante de la Chine en Afrique : « Je réitère le souhait de voir cette coopération entre nos deux pays s’intensifier et le Sénégal devenir la porte d’entrée de la Chine en Afrique ».  

Pour devenir une passerelle, le Sénégal a misé que le développement des nouvelles technologie d’information et de communication, et notamment la retransmission d’informations venues de l’Empire du Milieu, via RCI.

Raison pour laquelle, l’ouverture d’une antenne chinoise dans le pays a été célébré en grande pompe : journalistes, personnalités sénégalaises et chinoises, ministres sénégalais.

Le Premier ministre a affirmé devant la vice-présidente de RCI, Wang Dongmei : « Je souhaiterais voir le secteur de l’information et de la communication constituer un axe majeur dans le cadre de la coopération sino-sénégalaise afin de contribuer de manière efficace à la mise en application des points d’entente entre les présidents Hu Jintao et Abdoulaye Wade ».

« Les Etats n’ont pas d’amis ».

Le président Chen Shui-bian au Sénégal au côté d'Abdoulaye Wade en 2002
Le président Chen Shui-bian au Sénégal au côté d’Abdoulaye Wade en 2002

Dans une lettre adressée à Chen Shui-bian, le 25 octobre 2005, le président sénégalais cite le général de Gaulle pour justifier sa décision: « Les États n’ont pas d’amis. Ils n’ont que des intérêts ».

Le magazine Taïwan Aujourd’hui explique qu’il s’agit d’une « citation qui fait mal, lorsqu’on sait combien Chen Shui-bian avait justement insisté sur ce qui le rapprochait d’Abdoulaye Wade. Tous deux avocats de formation, anciens dissidents, ils ont remporté l’élection présidentielle à 24h d’intervalle, en mars 2000 ».

Cette même année, le gouvernement sénégalais d’Abdoulaye Wade rompt promptement ses liens avec Taïwan pour s’allier à la Chine et profiter de sa croissance à deux chiffres. Mais il s’agit également pour le Sénégal d’accéder au Conseil de sécurité des Nations Unies, dans lequel la Chine a une place prédominante. Ce dernier peut peser sur les décisions et aider son allié sénégalais.

La relation taïwano-sénégalaise aura durer 10 ans (1995-2005), durant lesquels Taipei aura financé des écoles maternelles modernes, des programmes d’assistance technique et matérielle dans l’agriculture, des programmes médicaux, le secteur de l’enseignement, des chantiers d’infrastructures, mais aussi des aides pour l’amélioration de la condition féminine.

En 2005, la presse sénégalaise a rappelé les aides ponctuelles de Taïwan lors des inondations et des invasions de criquets pèlerins, ainsi que l’assistance du Fonds international de coopération et de développement financé par Taipei.

Une situation « grave » pour Taïwan

Interrogée le 26 octobre 2005 par la radio Rfm, une diplomate taïwanaise en poste à Dakar, a qualifié cette rupture diplomatique de « grave« , alors que les échanges ont débuté en 1995, lors de la reconnaissance de Taïwan par Abdou Diouf, président du Sénégal de 1981 à 2000.

Suite à la réception de la lettre d’Abdoulaye Wade, les autorités taïwanaises ont émis des protestations, reprochant au président sénégalais d’avoir renoncé « à l’amitié et à la justice« . Michel Lu, porte-parole du ministère taïwanais des affaires étrangères, a accusé la Chine « de s’efforcer une fois de plus de réduire l’espace d’expression de l’île sur la scène internationale ».

Ce dernier a indiqué que son pays continuerait néanmoins de mettre en œuvre une diplomatie « pragmatique, ajoutant que « pour maintenir la dignité nationale, la souveraineté et le bien-être de notre population, nous avons décidé de rompre sur le plan diplomatique avec le Sénégal et de mettre fin à tous nos projets d’assistance dans ce pays ». 

Cette annonce arrive alors que l’ambassadeur de Taiwan au Sénégal, Hun-cheh Huang venait de remettre (avril 2005) au ministre de la santé et de la prévention médicale, Issa Mbaye Samb, un chèque de 25 millions de francs CFA destiné à soutenir « l’effort de guerre contre l’épidémie de choléra qui frappe le Sénégal depuis quelques mois ».

Et au début du mois d’octobre 2005, le ministre de l’Information du Sénégal, Bakar Dia, a signé avec son homologue taïwanais, Pasuya Yao, un accord inaugurant une coopération étroite dans les échanges de nouvelles entre Taiwan et le Sénégal.

Plus proche de Beijing

Les présidents Abdoulaye Wade et Hu Jintao, le 13 février 2009
Les présidents Abdoulaye Wade et Hu Jintao, le 13 février 2009

Désormais, « le gouvernement de la République du Sénégal reconnaît qu’il n’y a qu’une Chine dans le monde, que le  gouvernement de la République populaire de Chine est l’unique gouvernement légal représentant toute la Chine et que Taiwan fait partie intégrante du territoire chinois« , selon l’article 3 de l’accord signé entre Beijing et Dakar.

Dès la signature de cet accord, les institutions chinoises ont de nouveau ouvert leurs portes. En effet, la Chine est présente au Sénégal depuis décembre 1971, année d’installation des relations bilatérales. De la création d’entreprise conjointe, l’envoie de crédits sans intérêt pour la construction d’infrastructure dont le stade de l’Amitié à Dakar, l’envoi d’équipes médicales, à la promotion de la riziculture et l’installation de centres culturels,.

Entre 1995 et 2005, les deux pays conservent des rapports diplomatiques et économiques, vis les entreprises privées et publics. le retour des relations sino-sénégalaises sont plus politiques qu’économiques. Dakar possède une forte position diplomatique à l’ONU, à l’Union Africaine, à la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), et au NEPAD (Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique).

Le poids diplomatique d’Abdoulaye Wade est primordiale pour Beijing qui attend compter sur le vote d’Abdoulaye Wade pour pouvoir peser auprès de la communauté internationale. De son côté, le Sénégal tente de se détacher de l’Occident. La Chine lui permet une certaine marge de manœuvre, notamment en faisant jouer la concurrence entre les entreprises chinoises et occidentales.

D’autant plus que la Chine rénove et construit de nombreuses infrastructures. Récemment les deux pays ont signé des accord pour la construction de l’autoroute reliant l’Aéroport international Blaise-Diagne (AIBD) aux villes de Mbour et de Thiès et la réhabilitation de la ligne ferroviaire Dakar-Kidira. Les échanges entre Taipei et Dakar sont bien loin.

 

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