dimanche, mars 24

Hong Kong-Chine, « un choc entre deux cultures politiques »

Venu « inspecté » Hong Kong, le n°3 du gouvernement, Zhang Dejiang a été entouré par une armada de policiers empêchant la mobilisation de porter son message de respect des libertés et de la démocratie à Hong Kong. D’ailleurs à son arrivée, Zhang Dejiang n’a pas attendu pour réaffirmer la politique d’Une seule Chine.

Cependant, afin d’apaiser les tensions, il a dit vouloir « écouter les opinions et suggestions venant de tous les horizons et communiquer de différentes manières pour le bien d’Hong Kong ».

Zhang Dejiang
Zhang Dejiang, membre du Comité permanent du Bureau politique du Comité central du PCC, et président du Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale (APN)

Cette visite est la première d’un dirigeant chinois depuis 2012, lorsque l’ancien président Hu Jintao avait participé aux célébrations du 15ème anniversaire  du retour de Hong Kong en Chine. Après les manifestations de 2014 et les récentes tensions lors du Nouvel an, Zhang Dejiang estime que « prolonger les querelles ne bénéficient pas Hong Kong, (et) ne fera que nuire à l’économie ».

Alors qu’à Taïwan, la tension monte d’un cran du côté de Beijing, qui attend de la nouvelle président, Tsai Ing-Wen, une prise de position claire sur le Consensus de 1992 et qu’elle assure le maintient d’une seule Chine, les yeux sont braqués sur Hong Kong.

Pour la démocratie et le respect de l’identité hongkongaise

A quatre mois de la prochaine élection législative de septembre, la montée en puissance des pro-démocratie, comme Demosisto de Joshua Wong, le Parti national d’Hong Kong, les Localistes, le Parti pour l’Indépendance de Hong Kong, entre autres.

Les mouvements de lutte pour la démocratie et le respect de la culture et l’identité hongkongaise ne cessent de gonfler leurs rangs. Selon un sondage de l’Université de Hong Kong, présenté par le sinologue François Danjou sur QuestionChine.net, « 40% des résidents de la R.A.S se sentaient d’abord Hongkongais et seulement 18% Chinois. En même temps, 40,4% disaient se sentir une identité mixte. Parmi eux 27,4% se voyaient plutôt Hongkongais en Chine et 13% plutôt Chinois à Hong-Kong ».

Pour le sinologue Jean-Pierre Cabestan, interrogé par The New York Times, il existe plusieurs « forces centrifuges, et il est difficile pour Beijing de faire face à ces forces ». Raison pour laquelle, ce dernier a estimé « qu’il y a un choc entre deux cultures politiques : autoritaires en Chine et libérales à Hong Kong et à Taïwan. Hong Kong est vraiment sur le pont, résistant à la culture politique autoritaire de Chine ».

De la souplesse de la part de Zhang Dejiang

Emily Lau, leader Parti Démocrate
Emily Lau, leader Parti Démocrate

Emily Lau, leader du Parti Démocrate, a été l’une des quatre politiciens pro-démocratie a avoir été reçu par Zhang Dejiang. Cette dernière et certains de ses collègues ont « sans ménagement, mais poliment » exprimé leur colère sur les questions d’ingérence de la Chine dans les affaires de Hong Kong, sur le refus d’accorder des concessions démocratiques et sur l’enlèvement d’un libraire spécialisé dans livres critiquant l’élite du parti communiste.

A ces récriminations, Zhang Dejiang a dit « OK, nous allons entendre ce que vous avez à dire » a indiqué Emily Lau. Cette dernière a indiqué que « la façon dont il a parlé hier, il n’a pas donné l’impression qu’il était ici pour nous faire la leçon comme l’empereur des vieux jours venu parler à ses serviles petites gens ». Il apparaît que Beijing tente d’apaiser les tensions, Jean-Pierre Cabestan a admit que « le ton a changé », mais « la politique reste la même ».

Le professeur à l’Université baptiste de Hong Kong a expliqué que « la volonté de contrôler Hongkong ne change pas. Une photographie officielle de la visite le montre de manière symbolique. Zhang Dejiang et les responsables du bureau de liaison de Hongkong, l’organe qui représente Pékin ici, sont placés devant, au même niveau que les membres du gouvernement hongkongais. Cela signale bien que Pékin est aux commandes ».

D’ailleurs pour ce dernier, « le déploiement de sécurité, dont l’ampleur frise le ridicule, témoigne des côtés paranoïaques du gouvernement chinois. En cela, il constitue une mauvaise opération de relations publiques pour Pékin ».

La clé pour Beijing : le développement économique

En effet, Zhang Dejiang avait deux objectifs lors de cette visite, faire respecter le principe « un pays, deux systèmes », et promouvoir la politique économique de la « Ceinture et la Route » (Nouvelle route de la soie).

Nouvelle route de la soieDans son allocution prononcée à l’occasion du Sommet sur « la Ceinture et la Route » parrainé par le gouvernement de la Région Administrative Spéciale (RAS) de Hong Kong, Zhang Dejiang a assuré que « le gouvernement central attachait une grande importance à la prospérité et à la stabilité de Hong Kong, ainsi qu’à son rôle dans la stratégie nationale ».

En effet, il a appelé les autorités hongkongaises à « profiter pleinement des opportunités créées par l’initiative ‘la Ceinture et la Route’ et à intégrer son propre développement à cette initiative », car Hong Kong « doit jouer un rôle plus actif dans la stratégie nationale de développement ».

Membre du Comité permanent du Bureau politique du Comité central du PCC, Zhang Dejiang a fustigé les mouvements indépendantistes, les qualifiant de « sécessionnistes ». Mais il a adoucit le ton en assurant qu’il ne s’agissait que de « petits groupes ».

Maintenir la pression

Une centaine de personnes ont manifesté au milieu d’un impressionnant dispositif policier de 6’000 officiers, des barrières de sécurité, des rues bloqués, des policiers postés autour du congrès ou encore des pavés collés pour éviter qu’ils ne soient utilisés comme projectiles.

Manifestation de 2014
Manifestation de 2014

De nombreuses voix ont condamné l’imposant dispositif de sécurité entourant cette visite, comme Sham Tsz-kit, membre du Front civil des droits de l’Homme, qui s’irrite des mesures de sécurité : « éloigner les manifestants, c’est ridicule. On se croirait en Corée du Nord ». « Zhang Dejiang vient pour comprendre la situation à Hong Kong mais sa vue sera complètement obstruée », a expliqué ce dernier à l’Agence France Presse.

Malgré tout, les manifestants sont parvenus à appeler à la mise en place du suffrage universel, la libération des dissidents emprisonnés en Chine, dont le prix Nobel de la paix Liu Xiaobo et « la fin de la dictature ».

« Notre message est simple: Zhang n’est pas le bienvenu », a déclaré John Leung de la Confédération hongkongaise des syndicats au quotidien suisse Le Temps. Certains manifestants s’attendaient à un rassemblement plus massif mais l’impressionnant dispositif policier et la peur de la répression ont dissuadé les Hongkongais de descendre dans la rue.

De son côté, la police avait expliqué qu’elle avait prise des « mesures contre-terroristes. Les menaces pour la sécurité sont plus fortes que par le passé, les militants sont devenus plus violents », a indiqué une source policière à l’agence française.

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