vendredi, avril 19

« Adieu à la course aux médailles, bonjour à la réforme du sport »

L’obsession pour les médailles d’or a laissé place à l’esprit sportif et aux valeurs chéries par les olympiens chinois à Rio – Ecrit par Hu Shuli, traduit par Julie Valdre

En suivant les Jeux Olympiques 2016, les fans chinois de sport auront sans doute remarqué quelque chose de différent chez la nouvelle génération d’olympiens représentant leur pays : les jeunes athlètes d’aujourd’hui ont moins tendance à fondre en larmes, lorsqu’ils ne remportent pas de médaille d’or.

C’est certainement la raison pour laquelle Fu Yuanhui, une nageuse de 22 ans a montré sa joie et s’est permis un trait d’humour lorsqu’elle est passée à la télé après avoir remporté non pas la tant espérée médaille d’or, mais la médaille de bronze au 100 mètres dos crawlé.

Cela peut également expliquer la réaction très calme du très populaire nageur Ning Zetao lorsqu’il n’a pas réussi à se qualifier pour une finale.

Contrairement à leurs prédécesseurs, lors des jeux olympiques et à ceux de Rio, les athlètes chinois – moins que parfaits – ne fondent pas en larmes et ne s’excusent pas non plus d’avoir déçu leur pays.

C’est une nouvelle balle de jeu : la Chine a relégué son obsession pour les médailles d’or au second plan, pour mieux apprécier les performances et les exploits athlétiques.

Pendant longtemps, remporter des médailles d’or a été une obsession nationale. Sous le système appuyé par l’état pour le développement d’athlètes olympiques, seule la victoire comptait.

Peu importe sa performance, un athlète qui perdait une compétition devait faire face à la condamnation sociale. La course à la victoire ne tient pas compte de l’individu derrière l’athlète, on leur demande d’obéir aux ordres du gouvernement, un point c’est tout.

Xu Haifeng, premier tireur d’élite a voir remporté une médaille d’or aux jeux olympiques nous donne sa description de cette obsession : « Remporter des médailles d’or est essentiel pour la société ».

Les temps ont changé, tout comme la perception des chinois sur les athlètes et le sport en lui-même. Désormais, les athlètes olympiques ne sont plus considérés comme des citoyens modèles investis d’une mission gouvernementale et qui doit porter sur ses épaules l’honneur d’un pays tout entier.

Désormais, chacun est considéré comme une personne à part entière apportant sa pierre à l’édifice durant les jeux. Les membres de la délégation chinoise à Rio apprécient évidemment cette nouvelle perception et identité personnelle.

Défilé de la délégation chinoise à Rio
Défilé de la délégation chinoise à Rio

L’esprit de compétition est toujours aussi fort. Cependant, lors des jeux olympiques de Rio, la Chine a su montrer non pas une vénération pour les médailles d’or mais un véritable esprit sportif.

Les législateurs gouvernementaux ont su répondre à ce changement d’atmosphère. En 2014, le conseil des affaires de l’État, le cabinet de la Chine a établi des directives pour en finir avec la paperasse dans l’industrie du sport.

Ces directives ont été élaborées dans le but de redonner un second souffle à l’industrie du sport en Chine, par le biais de réformes axées sur le marché. Sous le 13e plan quinquennal pour le développement du sport, entré en vigueur cette année, il est nécessaire de mettre en place des régulateurs gouvernementaux pour surveiller le secteur et adopter ainsi des approches de gouvernance modernes.

La route a été longue vers une réforme du sport. Des efforts ont été observés pour la première en 1998, dans le programme du Conseil des affaires d’État. Toutefois, certains qui bénéficiaient d’avantages particuliers du système traditionnel se sont opposés à la réforme. En conséquence, pendant un certain moment, très peu d’attention était accordée aux appels au changement.

La question principale était de savoir comment différencier la frontière étroite qui sépare traditionnellement le gouvernement et les intérêts commerciaux, dans le contexte du comportement interventionniste du gouvernement dans les marchés et de la monopolisation de l’état des ressources sportives par le biais du système d’entraînement des athlètes géré par l’état.

Des entités quasi gouvernementales telles que la Chinese Football Association et la Chinese Basketball Association, par exemple, ont fait l’objet de polémiques au sujet d’activités commerciales.

Les athlètes et l’agence gouvernementale qui supervise le programme d’entraînement aux jeux olympiques ont eu des différends au sujet des contrats publicitaires qui engagent les athlètes à promouvoir des produits. D’autres différends portaient sur les qualifications pour pouvoir participer aux jeux olympiques et sur d’autres problèmes.

Plus grave, l’obsession pour les médailles d’or a entraîné de nombreux cas de corruption. Une enquête menée en 2015 par la General Administration of Sport a montré que des fonctionnaires de l’administration avaient orienté le programme d’entraînement des athlètes pour les jeux olympiques vers les médailles d’or à des fins purement économiques.

Maintenant que la Chine en a terminé avec son obsession pour les médailles d’or, il est temps de faire progresser les réformes du système sportif. Toutes les réformes devront être entreprises en conformité avec les directives établies par le Conseil des affaires d’État et ses exigences quant au respect des principes élémentaires de l’esprit sportif.

Les intérêts personnels, de même que les privilèges ne doivent plus être la source de motivation pour les médailles d’or ou toutes autres victoires olympiques. Ce genre d’attitude constitue un obstacle au développement de l’industrie du sport du pays.

Les agences gouvernementales qui supervisent les entraînements sportifs et olympiques doivent désormais ajuster leurs fonctions pour correspondre au dernier programme de réforme et soutenir le développement du sport.

211px-Logo_JO_d'été_-_Rio_2016.svgElles doivent contribuer à la protection des droits des athlètes et des clubs, promouvoir les activités commerciales liées au sport et cultiver un marché de consommation lié au sport. Les autorités doivent construire un système qui soit bénéfique à la fois aux fans de sports et au sport en Chine.

La Chine peut prendre exemple sur les autres pays. Aux États Unis, par exemple, aucune agence gouvernementale ne supervise l’industrie du sport. Ce sont plus de 300 organisations non-gouvernementales qui coordonnent leurs efforts.

La Chine peut également tirer des enseignements précieux des industries sportives japonaise et sud-coréenne, dont les développements culturels et économiques sont semblables à ceux de la Chine.

À Rio, les athlètes chinois ont donné le meilleur d’eux-mêmes. Les exploits impressionnants qu’ils ont accomplis offrent de nouvelles perspectives de réformes pour le système sportif du pays.

Si les jeux olympiques 2016 représentent un véritable catalyseur pour accélérer les réformes, ce n’est pas uniquement pour leurs médailles d’or que l’on se souviendra des jeunes athlètes de la délégation chinoise actuelle.

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