vendredi, avril 19

« Bientôt un nouvel ordre mondial avec la Chine de Xi jinping? »

Bientôt un nouvel ordre mondial avec la Chine de Xi jinping ? Pourquoi Trump crée-il des situations menant à cette hypothèse?, par Amadou Keita – À la fin de la Seconde Guerre Mondiale, les États-Unis se présentaient comme la puissance absolue au monde, ils possédaient des réserves alimentaires et des capitaux suffisants, ainsi qu’une puissance militaire sans précédent dans l’histoire de l’humanité.

Dans ce contexte, leur intérêt national s’est mondialisé, et le pays s’est mis a utilisé son leadership hégémonique pour façonner un nouvel ordre mondial, qui pourrait répondre à ses intérêts nationaux.

Après la Première Guerre Mondiale, des blocs économiques fermés ont été mis en place et ont provoqué la montée de l’extrémisme nationaliste, alors après la Seconde Guerre mondiale, en 1945, les élites de la politique étrangère américaine ont cherché à utiliser la nouvelle hégémonie américaine pour créer un ordre international fondé sur l’interdépendance économique, un multilatéralisme conditionnel et institutionnellement lié, mais aussi des réseaux d’alliances stratégiques sous leur direction. Ces réseaux leur permettaient d’empêcher militairement l’expansionnisme soviétique, mais aussi de ralentir la concurrence géopolitique d’autres puissances comme le Japon ou l’Europe occidentale. La promotion de l’ordre international libéral (OIL) a donc permit aux États-Unis de prospérer tout en restant incontestés dans les opérations militaires de maintien de la paix.

Mais faut-il mentionner que cet ordre, bien qu’il permette aux États-Unis de s’épanouir, leur coûte cher en terme de dépenses (subvention). Malgré tout, les élites internationalistes américaines ont décidé de maintenir le statut-quo en vertu de la théorie des Relations Internationales (RI), notamment la théorie de la stabilité hégémonique (TSH), en gros, cette théorie soutient que le système international est plus susceptible d’être stable lorsqu’un seul État est la puissance dominante au sein de ce système.

Que pense alors le peuple américain de cet ordre international et que pensent d’autres internationalistes américains et occidentaux ?

Opinion publique américaine et celle de certain internationaliste

Pour être très clair, ces systèmes (politique, économique et sécuritaire) qu’imposent les États-Unis d’Amérique au reste du monde grâce à leur position d’unipolaire, au sortir de la guerre froide, n’est pas totalement du goût de l’opinion publique américaine. Elle suppose que le pays s’engage dans des institutions, finance des programmes sur la scène internationale qui, en retour n’ont pas d’importance ou d’impacts directs et positifs sur leurs conditions de vie. En plus, ils estiment que ces pays du sud souvent assistés sont non reconnaissants envers les États-Unis.

Par contre, au sein des internationalistes occidentaux (américains et alliés européens) les idées sont diverses, il existe une école qui pense qu’au vu de la théorie de la stabilité hégémonique, les États-Unis se doivent de s’engager et de maintenir ce statu-quo. Puis que, pensent-ils, cette politique leur permet d’avoir la position d’une hégémonie structurellement avantagée.

Par exemple, selon l’anglais Doug Stokes, professeur de sécurité et de stratégies internationales au département de politique de l’Université d’Exeter, “cette politique de leadership donne aux États-Unis la capacité de façonner l’ordre mondial de manière à lui conférer des avantages qui lui permettront non seulement de récupérer ses dépenses effectuées, mais aussi d’accumuler d’autres avantages de position. En d’autres termes, l’unipole (USA) acquiert les avantages de la coopération sans avoir à recourir à la coercition, tout en renforçant sa position en extrayant des ressources du reste de la communauté internationale et en les réinvestissant de manière à prolonger son hégémonie”.

Il continue en soutenant qu’’’en ce sens, les États-Unis sont à la fois un faiseur de système et un preneur de privilèges, et ils en tirent des avantages en structurant l’ordre mondial de manière à servir leurs intérêts tout en offrant suffisamment d’avantages aux autres États pour les dissuader de chercher à réviser l’ordre qu’ils (USA) dirigent”. Contrairement à Doug Stokes, l’économiste américain Adam Simon Posen, ancien consultant du FMI, disait que : « Les États-Unis sont devenus incapables de modérer leurs ambitions », choisissant de poursuivre une grande stratégie d’expansion mondiale « qui est inutile, contre-productive, coûteuse et gaspilleuse ».

Pour lui l’Amérique devrait, au contraire, renoncer à toute ambition qui n’est pas directement liée à des intérêts nationaux immédiats. En expliquant pourquoi les États-Unis sont devenus le garant de régimes mondiaux, Posen fait remonter les ambitions américaines à une idéologie nationale de mondialisme internationaliste libéral qui cherche à façonner un ordre mondial à l’image de l’Amérique et à répandre la démocratie de libre marché dans le monde entier en utilisant son écrasante primauté militaire.

De ce point de vue, pour Adam S. Posen l’engagement économique et les interventions militaires des États-Unis partout dans le monde, est un choix motivé non pas par des besoins de sécurité économiques et militaires nationale, mais par une idéologie mondialiste, qui lui a fait, aujourd’hui, la cible de la colère mondiale.

Dans sa volonté de conquérir les électeurs, Trump affaiblit les États-Unis et l’Occident

Ayant pour slogan de compagne politique en 2016 ‘’Make America Great Again’’ ou encore ‘’America first’’, Donald Trump n’a cessé d’alimenter les débats, en s’attaquant ouvertement aux institutions internationales et en menaçant de retirer son pays au sein de ces organisations internationale. Après son élection, le président américain a réitéré ses menaces. Des déclarations qui ont amené les internationalistes à voir une volonté de réorganisation des systèmes politiques, économiques et sécuritaires internationales par l’administration Trump.

Quelques jours seulement après sa prise de fonction le 20 janvier 2017, Donald Trump commence à mettre ses menaces en exécution, il retire son pays des négociations sur le Partenariat transpacifique (TPP), qu’il qualifiera d’ailleurs un « désastre causé et poussé par des intérêts particuliers ». Par la suite il menace de déchirer l’accord de libre-échange nord-américain (ALENA) s’il n’est pas renégocié. Un accord qu’il qualifiera d’ailleurs, aussi comme le « pire accord commercial de l’histoire du monde ».

Mais par la suite il finit par obtenir gain de cause à ce niveau. Accord États-Unis-Mexique-Canada (USMCA) a remplacé Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Le lundi 1 juin 2019, Donald Trump a retiré son pays des accords de Paris sur le climat. En marge de 2018 son administration a refusé de nommer un juge à la cour d’appel qui règle les conflits commerciaux à l’organisation mondiale du commerce (OMC). La dernière décision en date est la suspension de la contribution financière américaine de 400 millions de dollar au niveau de l’organisation mondiale de la santé (OMS).

Dans cette répudiation d’un multilatéralisme mondialisé, Trump incarne plutôt ce que l’on pourrait appeler un bilatéralisme ‘’dépenses-bénéfices’’. Ce bilatéralisme rejette une politique étrangère transformationnelle axée sur des idéaux tels que les droits de l’homme ou la démocratie en faveur de relations transactionnelles, et se montre profondément sceptique à l’égard des régimes perçus comme entravant ou limitant la liberté d’action des Américains.

Il préfère plutôt traiter avec d’autres puissances individuellement sur la base de calculs dépenses-bénéfices quant à la manière dont chaque relation fonctionne dans le cadre des intérêts économiques ou politiques perçus par les États-Unis. Pour confirmer cette approche du président Trump sur l’ordre international politique, économique et sécuritaire, le général d’armée H.R. McMaster, conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, et Gary Cohn, conseiller économique principal de Trump, soutiendront que « le monde n’est pas une « communauté mondiale » mais une arène où les nations, les acteurs non gouvernementaux et les entreprises s’engagent et se font concurrence pour obtenir des avantages ».

Avec ses alliés stratégique, bien que Trump n’a pas mis en exécution ses attaques de retrait au sein de l’organisation du traité de l’atlantique nord (OTAN), mais il a néanmoins remis en question l’utilité des alliances de sécurité de longue date des États-Unis. Dans son discours inaugural, par exemple, il a soutenu que ces alliances ont été une équation aux résultats nuls pour son pays: ‘’Pendant de nombreuses décennies, nous avons enrichi l’industrie étrangère au détriment de l’industrie américaine ; nous avons subventionné les armées d’autres pays, tout en permettant le très triste épuisement de nos forces armées.

Nous avons défendu les frontières des autres nations tout en refusant de défendre les nôtres. Et nous avons dépensé des billions et des billions de dollars à l’étranger alors que l’infrastructure américaine est tombée en ruine et en décrépitude. Nous avons rendu d’autres pays riches, alors que la richesse, la force et la confiance de notre pays se sont dissipées à l’horizon’’. Il continue en disant «il est possible que nous devions laisser l’OTAN partir», lorsque « nous payons et que personne d’autre ne paie vraiment… on se sent comme un con ».

En rejetant tous ces accords et organisations internationaux, les États-Unis se demandent juste pourquoi ils devraient rester le stabilisateur hégémonique du monde si les coûts du maintien de cet ordre dépassent de loin les avantages qu’ils en retirent.

S’il est indéniable que l’engagement des États Unis en défenseur de l’ordre international est coûteux, la méthode de résolution de Trump est-elle bonne ? La question mérite d’être posée, parce qu’elle est au cœur de l’analyse des politiques et relations internationales. Car cette décision de l’administration Trump aura des conséquences profondes et durables sur la politique mondiale.

Les décisions de Trump rendent de plus en plus puissante la Chine

Dans sa grande volonté de rendre encore puissant son pays sur le plan national et international, comme son slogan de campagne le disait, Trump rend plutôt la Chine puissante.

En effet, face à l’abandon apparent de la mondialisation par Trump, le président chinois Xi Jinping a déclaré que si certains ’’accusent la mondialisation économique du chaos dans notre monde’’, nous ’’ne devrions pas nous replier dans le port chaque fois que nous rencontrons une tempête, sinon nous n’atteindrons jamais l’autre rive’’.

Personne ne sortira gagnant d’une guerre commerciale’’. En substance, Xi revendique là le leadership potentiel de la Chine dans la mondialisation. L’abandon de l’accord du partenariat transpacifique (TPP) par Trump a renforcé à la fois la confiance en soi croissante de la Chine et sa capacité à mettre en place des institutions sino-centriques telles que l’initiative ’’des routes de la soi’’ autrement appelée ‘’une ceinture, une route’’.

Ses aspirations s’étendent également au-delà de ses voisins proches d’Asie de l’Est, avec l’adhésion d’importants alliés américains non asiatiques à sa Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (AIIB). Depuis cette action de mise en exécution de ses promesses de campagne, les chinois ont mis en place leur machine offensive à l’endroit des institutions multilatérales, et ont commencé à se montrer bons élèves du système multilatérale (mondialisation) contre l’unilatéralisme américain.

Le cas de la lutte contre le Covid-19 en est un exemple palpable, pendant que l’unipole (USA) se concentre sur lui seul, la Chine, elle, fait le jeu du grand sauveur de l’humanité, quand les États-Unis ont décidé de suspendre leur contribution de 400 millions de dollar au niveau de l’OMS, la Chine a décidé de rajouter 30 millions à sa contribution d’avant. Le signal est clair, c’est les États-Unis les méchants et narcissiques et c’est la Chine qui est la plus gentille.

À chaque fois que l’administration Trump crée un vide au sein des institutions Onusiennes, la Chine saisit l’occasion et récupère la place ; les chinois sont aujourd’hui à la tête de l’organisation des nations unies pour le développement industriel, de l’organisation aérienne civile internationale, de l’organisation pour les télécommunication, de l’organisation pour l’alimentation FAO, et fait partie des cinq (5) pays du groupe consultatif pour le droit de l’homme.

Avec l’administration Trump les américains se sont retirés ou presque de toutes les institutions internationales. Par exemple : l’UNESCO, l’OMC, l’Accord de Paris sur le climat et l’Accord sur le nucléaire iranien.

Par conséquent, l’opinion internationale voit plutôt maintenant une Chine qui joue le jeu du multilatéralisme, d’un ordre mondial libre et global et une Amérique qui fuit toutes ses responsabilités dans la gestion du monde global. Et là, effectivement c’est une victoire pour la Chine.

Au lieu de rendre les États-Unis grands, la politique de Trump renforce le poids de la Chine sur la scène internationale. Mais elle aura aussi des conséquences néfastes sur les alliés stratégiques des États-Unis.

Nous pouvons conclure cette analyse en convenant que les agissements du président Trump peuvent être mis en relation avec sa volonté de briguer un deuxième mandat au sortir des prochaines élections présidentielles, prévues pour le 03 novembre prochain. Car il est convaincu que la masse populaire américaine n’apprécie guère la politique interventionniste américaine au sein des institutions internationales dans le monde.

Les résultats des dernières présidentielles nous le prouvent, grâce à ses discours de conservateur opposé à la position américaine de défenseur et protecteur de l’ordre international, parmi la classe ouvrière blanche non diplômée, Trump a remporté 67% des voix contre 28% pour Hillary Clinton, et un quart des partisans blancs de la classe ouvrière du président Obama en 2012 est passé des démocrates en 2016 au soutien de Trump ou au vote pour un candidat d’un parti tiers.

Donald Trump a également reçu le soutien des États manufacturiers les plus menacés par l’externalisation et la concurrence mondiale accrue dans le secteur manufacturier. Ses discours en 2016 ont explicitement exploité le sentiment d’insécurité économique de ces électeurs et leur désir de renverser la mondialisation.

La mise en exécution de ses promesses de campagne au courant de cette première mandature pourrait lui permettre de bénéficier un second mandat.

Nous pouvons alors constater facilement que Xi Jinping et Trump ne jouent pas le match, le premier cherche à offrir une place de choix à son pays sur la scène internationale en vue de faire valoir ses modèles politique et économiques, le second quant à lui cherche une nouvelle confiance de ses électeurs.

À ce jour, la question est de savoir comment les élites américaines pourront arranger ce défi après Trump, le défi de satisfaire la masse populaire et de faire leur ‘’come back’’ en se réaffirmant en récupérant leurs places sur la scène internationale que la Chine est entrain de prendre ? Et comment les alliés stratégiques des États-Unis géreront cette transition qu’ils observent dans l’ordre internationale ?

Car l’inquiétude de ces partisans de l’actuel ordre international libéral (OIL) est que d’autres États cherchent à réviser ce système. En tout cas, pour ce qui est du cas de la Chine, même si elle ne procédera pas à une révision systémique de l’ordre dans le monde, mais elle ne manquera pas à le faire dans ses régionales en Asie.

 

Amadou KEITA, diplômé en Relations Internationales, actuellement en fin de Master en Politiques Internationales à l’Université Shandong des Sciences Politiques et de l’Administration Publique de Qingdao

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