jeudi, avril 25

Chine – Canada : la confrontation s’intensifie

L’ambassadeur du Canada en Chine, John McCallum, a créé la polémique en attestant que la directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou, possédait un bon dossier pour se défendre contre la demande d’extradition des États-Unis.

Arrêtée par le Canada, Meng Wanzhou pourrait utiliser plusieurs «solides arguments» pour éviter son extradition vers les États-Unis, a estimé l’ambassadeur du Canada en Chine, John McCallum.

Ces déclarations ont surpris la classe politique canadienne. D’ailleurs, le premier ministre Justin Trudeau a refusé d’abonder dans le sens de son ambassadeur et de présumer de la solidité du dossier de Meng Wanzhou.

«Nous avons toujours souligné que le Canada est un pays où la règle de droit s’applique et nous allons nous assurer que la règle de droit est appliquée et respectée intégralement. Cela inclut évidemment [de lui offrir] la possibilité de bâtir une défense robuste. Cela fait partie de notre système de justice», a indiqué l’ambassadeur canadien, lors d’un point presse.

Meng Wanzhou pourrait ne pas être extradée

S’adressant à des journalistes chinois près de Toronto, John McCallum a partagé ce que l’équipe de Meng Wanzhou pourrait à son avis utiliser comme « solides arguments à faire valoir devant un juge» :

  • l’ingérence politique dans le pouvoir judiciaire, suite aux commentaires du président américain Donald Trump, soutenant qu’il pourrait se mêler de l’affaire si cela pouvait contribuer à obtenir une meilleure entente commerciale avec la Chine.
  • le caractère extraterritorial du dossier et les allégations américaines liées à des sanctions commerciales contre l’Iran que le Canada n’a pas imposées.
  • l’arrestation à l’aéroport de Vancouver le 1er décembre en vertu d’un mandat américain.
    L’arrestation de la directrice financière de Huawei a placé le Canada entre la Chine et les Etats-Unis. Le gouvernement chinois a prévenu Ottawa qu’il pourrait y avoir de « graves conséquences » si Meng Wanzhou n’est pas relâchée. Dix jours, plus tard, deux canadiens sont arrêtés, perçues comme des mesures de représailles par Pékin.

Les réactions indignée s’enchaîne au Canada

Le critique conservateur pour les affaires étrangères, Erin O’Toole, s’est dit «soufflé» par l’intervention de John McCallum, estimant qu’«il a fait pire que le commentaire désinvolte du président Trump». «C’était presque une conférence de presse avec l’intention stratégique de soutenir sa cause et de discréditer le processus d’extradition», a ajouté Erin O’Toole.

«Les propos du porte-parole du gouvernement du Canada, l’ambassadeur McCallum, soulèvent de graves préoccupations sur la politisation de cette affaire et de sérieuses questions à savoir s’ils ont été tenus sous les ordres du cabinet du premier ministre», a déploré le chef conservateur, Andrew Scheer.

Pour la néodémocrate, Hélène Laverdière, «les commentaires de l’ambassadeur McCallum sont troublants. Je ne crois pas qu’il devrait donner des conseils ou intervenir publiquement dans cette affaire. En fait, l’ingérence politique ne devrait pas être tolérée. […] Cette affaire devrait se poursuivre conformément à une procédure régulière et basée sur des faits».

David Mulroney, ancien ambassadeur du Canada en Chine, a écrit sur Twitter que «c’est pratiquement impossible à comprendre». Alors que l’ex-ambassadeur Fred Bil, qui a été en poste à Beijing, n’était pour sa part «aucunement étonné» de l’intervention de John McCallum. Au contraire, il a été plutôt « agréablement surpris » par la teneur de ceux-ci.

«L’intention n’était pas de donner des conseils, mais d’attirer l’attention des médias sur le fait qu’elle a des chances de s’en sortir, et que c’est Donald Trump qui a politisé une affaire juridique. Il est vrai qu’un ambassadeur reste généralement sur sa réserve, mais il est aussi en droit de souligner les éléments importants d’un dossier comme celui-là», a précisé ce dernier.