vendredi, mars 22

Meng Wanzhou devant la justice pour combattre son extradition

Arrêté il y a un an, Meng Wanzhou avait provoqué une crise sans précédent entre la Chine et le Canada. Depuis le 13 janvier, la dirigeante du géant Huawei comparaît devant un tribunal de Vancouver qui devra déterminer si elle doit être extradée vers les Etats-Unis.

Meng Wanzhou, directrie financière chez le géant chinois Huawei

Meng Wanzhou, directrice financière du géant des télécoms, avait été interpellée lors d’une escale à l’aéroport de Vancouver, le 1er décembre 2018 à la demande de la justice américaine. Cette dernière l’accuse d’avoir contourné les sanctions américaines contre l’Iran et veut la juger pour fraude.

Le gouvernement avait contesté cette arrestation, puis quelques jours plus tard, deux canadiens étaient arrêtés en Chine et accusés d’espionnage. Les autorités chinoises ont ensuite gelé des milliards de dollars d’importations de produits agricoles canadiens. Des mesures considérées comme des représailles par les occidentaux.

« La façon la plus évidente de mettre fin à tout ça, c’est de la relâcher »

La semaine d’audiences qui s’ouvre le 13 janvier doit être consacrée à la question de la « double incrimination ». Ainsi, pour pouvoir être extradée vers les Etats-Unis, Meng Wanzhou doit y être poursuivie pour une infraction existant également au Canada.

Si la justice canadienne décide que l’infraction reprochée n’a pas d’équivalent au Canada, comme le plaideront ses avocats, elle pourrait être libérée de suite. Sinon, le processus d’extradition passera à une nouvelle étape, mais les nombreuses possibilités d’appel pourrait faire durer encore plusieurs années cette affaire.

Une autre issue est possible: avec l’intervention du ministre de la Justice, David Lametti, qui peut intervenir à tout moment et ordonner sa remise en liberté. « Le ministre de la Justice a le pouvoir d’interrompre le processus d’extradition à tout moment », a expliqué Gary Botting, avocat spécialisé dans les questions d’extradition, à l’Agence France Presse. En effet, une telle décision est déjà arrivée, pour des raisons humanitaires par exemple.

« La façon la plus évidente de mettre fin à tout ça, c’est de la relâcher », ajoute-t-il. Pour lui, comme pour plusieurs responsables politiques, le Canada a été « naïf » en acceptant de sacrifier ses propres intérêts pour honorer son accord d’extradition avec les Etats-Unis. « Il était prévisible que la Chine ne serait pas contente, et le Canada aurait pu s’éviter les retombées » de cette arrestation, a souligné Gary Botting.

Washington maintient ses accusations

Les Etats-Unis accusent Meng Wanzhou d’avoir menti à la banque HSBC sur la relation entre Huawei et Sky Com, une filiale vendant des équipements de télécommunications à Téhéran. La banque HSBC s’exposait ainsi à violer à son insu les sanctions américaines contre l’Iran, selon les Etats-Unis.

« Pour dire les choses simplement, il existe des preuves montrant qu’elle a trompé HSBC pour que celle-ci continue à fournir des services bancaires à Huawei », a expliqué le procureur américain dans son argumentaire. Selon lui, les accusations de fraude existent aussi au Canada, justifiant son extradition vers les Etats-Unis.

La directrice financière a toujours nié ces allégations. Ses avocats devraient plaider que leur cliente ne peut être extradée parce que la violation des sanctions contre l’Iran n’est pas un crime au Canada, où ces sanctions n’existent pas.

Le père de Meng Wanzhou, le fondateur de Huawei Ren Zhengfei, a estimé dans une interview au Globe and Mail que sa fille était « utilisée comme un pion » par les Etats-Unis dans leur bras de fer avec Huawei, qu’ils soupçonnent d’espionnage au profit de Pékin.

Plusieurs voix appellent Justin Trudeau à la libérer

Actuel Premier ministre du Canada, Justin Trudeau

Au Canada, plusieurs voix, dont celle de l’ancien Premier ministre Jean Chrétien, se sont élevées pour demander à Justin Trudeau de relâcher Meng Wanzhou, dans le cadre d’une sorte « d’échange de prisonniers » avec la Chine.

L’actuel Premier ministre s’est toujours retranché derrière l’indépendance de la justice canadienne. D’après plusieurs experts consultés par l’AFP, une telle décision risquerait de légitimer la « diplomatie des otages » mise en place par le gouvernement chinois.

Elle pourrait aussi compliquer un peu plus les relations entre le Canada de Justin Trudeau et les Etats-Unis de Donald Trump.

« Je ne crois pas que les Etats-Unis se poseraient des questions si le Canada refusait de l’extrader« , estime toutefois M. Botting. « Le Canada s’est retrouvé mêlé à tout ça contre son gré, mais franchement les Etats-Unis s’en fichent complètement« .

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