jeudi, avril 25

Critiques européennes des initiatives chinoises

Des responsables européens ne cachent plus leur irritation face à la Chine accusée d’avancer ses pions géopolitiques sous couvert de générosité et de diplomatie sanitaire dans la crise de la COVID-19.

Le 24 mars, Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne, s’est agacé de la « bataille mondiale des narratifs » et « des luttes d’influence » en cours via la « distorsion » des faits et la « politique de générosité ».

Il rappelait que s’il y a aujourd’hui « des tentatives pour discréditer » l’Europe, en janvier, la crise n’était que chinoise, localisée dans le Hubei, « aggravée par la dissimulation d’informations cruciales par les responsables du parti (communiste) chinois », et que l’Europe était venue à son aide, comme la Chine le fait aujourd’hui en retour.

La Chine fait aussi « agressivement passer le message qu’à la différence des États-Unis, elle est un partenaire responsable et fiable », observait-t-il. Les propos de ce dernier ont été suivi par ceux de la secrétaire d’État française aux Affaires européennes, Amélie de Montchalin.

Cette dernière a déclaré que « c’est parfois plus simple de faire de la propagande, des belles images et parfois d’instrumentaliser ce qui se passe », évoquant que « la Chine, de la Russie qui mettent en scène des choses ».

La Chine a dénoncé des propos «cyniques». «J’ai entendu plusieurs fois des Occidentaux mentionner le mot de propagande par rapport à la Chine. J’aimerais leur demander ceci : à quoi font-ils exactement référence?», a répliqué Hua Chunying, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.

«Que souhaitent-ils ? Que la Chine reste les bras croisés face à cette grave épidémie?», s’est-elle interrogée. Or l’Empire du milieu est parvenu à juguler l’épidémie sur son territoire, et est désormais accusée d’exploiter la «diplomatie du masque» pour mettre en avant son modèle politique et ses réussites sanitaires.

L’Europe, notamment la France, avait aidé la Chine quand celle-ci était au pic de l’épidémie de coronavirus,. « A un moment donné la Chine a eu besoin de nous (…) on a envoyé 56 tonnes de matériel à la Chine », a-t-elle dit.

Alors que l’aide européenne avait été discrète, le gouvernement chinois a lui décidé de mettre en exergue ses actions dans une «campagne de communication sans précédent», a jugé Antoine Bondaz, de la Fondation pour la recherche stratégique, dans une note consacrée à «la Route de la soie de la santé».

En effet, la Chine n’a pas lésiné sur son aide à l’Italie, la Serbie, l’Iran, … mais aussi aux 54 pays africains, ainsi que le « don de 20 millions de dollars à l’OMS, envoi d’experts médicaux en Iran et en Italie, construction d’un laboratoire en Irak, acheminement de tests diagnostiques aux Philippines et d’équipements de protection au Pakistan et en France», a indiqué le chercheur.

Face à la vague de critique venue des Occidentaux, l’ambassade de Chine en France mène une campagne de promotion du système politique chinois et de sa «réussite» dans la bataille contre le coronavirus.

L’ambassade de chine en France

«Certaines personnes, dans le fond, sont très admiratives des succès de la gouvernance chinoise. Ils envient l’efficacité de notre système politique et haïssent l’incapacité de leur propre pays à faire aussi bien!», a écrit la représentation diplomatique chinoise à Paris, sur son site Internet.

D’après certains analystes français, une bataille idéologique a lieu autour du nouveau coronavirus, COVID-19. Cette lutte s’ajouterait à celles pour le contrôle des voies maritimes en mers de Chine ou pour l’accès à la technologie 5G, nouvel enjeu stratégique des télécommunications et conflit entre la Chine et les Etats-Unis.

Ainsi Alice Ekman, analyste responsable de l’Asie à l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne, a estimé que «depuis sept ans, la Chine s’est engagée dans une rude compétition entre systèmes politiques et saisit chaque occasion nationale ou internationale pour afficher la ‘supériorité’ présumée de son système».

De son côté, François Heisbourg, expert français en géopolitique, pense que le gouvernement chinois veut aussi «se débarrasser, en interne comme en externe, du péché originel», celui de l’émergence du virus sur son territoire. Mais d’après une sources diplomatique européenne, interrogée par l’Agence France Presse, « reste à savoir si leur récit de la crise va convaincre. Mais s’ils sortent de cette crise rapidement, en particulier sur le plan économique, ce sera avec une puissance et une confiance décuplées ».

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