jeudi, avril 25

Entre «jeu à somme nulle» et esprit de coopération gagnant-gagnant : la rivalité sino-américaine en Asie du Sud-Est

De notre stagiaire Florian Roddier – La tenue d’une série de réunions regroupant les ministres des affaires étrangères de la région Asie du Sud-Est cette semaine, a été l’occasion pour de nombreux observateurs chinois, d’éclairer et d’appuyer les propos tenus par le conseiller d’État et ministre des affaires étrangères chinois, Wang Yi, concernant la position des États-Unis dans la région.

Partisan d’un esprit de coopération gagnant-gagnant, et promouvant à l’échelle internationale un plus fort multilatéralisme, la Chine s’oppose et condamne fermement la position des États-Unis dans la région, la qualifiant de «jeu à somme nulle».

En effet, pour les observateurs chinois, au premier chef duquel se trouve le Ministre des affaires étrangères, les États-Unis cherchent à déstabiliser cette aire d’influence, en fournissant de récents efforts pour dresser l’Asie du Sud-Est contre la Chine et créer des divisions dans la région.

Pour le professeur à l’Institut des relations internationales de l’Université des affaires étrangères de Chine, Li Haidong, il existe un contraste énorme entre la sincérité de la Chine à approfondir sa coopération avec les pays de l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud-Est), et l’attitude «hypocrite» des États-Unis qui se sert de cette organisation pour contenir et encercler la Chine, comme le rapporte le Global Times.

Cette-dernière, qui cherche à mettre en place un partenariat Asie-Pacifique basé sur la confiance réciproque, la tolérance, la coopération et l’esprit gagnant-gagnant, afin de contribuer à la paix et la prospérité, pointe du doigt les intérêts calculateurs des États-Unis dans la région.

Afin d’étayer ces propos, de nombreuses comparaisons ont été faites vis-à-vis de l’aide fournie par la Chine et les États-Unis aux pays de l’Asie du Sud-Est, en termes de lutte contre l’épidémie de la COVID-19 et en termes de relance économique.

Les États-Unis auraient par le passé sous-estimé voir délaissé leurs relations avec les pays de la région, notamment par l’intermédiaire de l’ASEAN. Afin de redorer son image, l’administration Biden a initié une tournée diplomatique, avec le déplacement de la secrétaire d’État adjointe américaine Wendy Sherman en Indonésie, au Cambodge et en Thaïlande en mai et juin 2021, avec le déplacement du secrétaire à la défense Lloyd Austin au Vietnam et aux Philippines cette semaine, et avec le futur déplacement de Kamala Harris à Singapour et au Vietnam.

Cependant, même si le secrétaire d’État Anthony Blinken est lui aussi présent virtuellement avec les responsables de l’ASEAN cette semaine, et même si les États-Unis affirment avoir fait don de 23 millions de doses de vaccins aux pays de la région, la rupture semble consommée entre les deux pays, comme le sous-entendent les observateurs chinois.

En effet, selon l’ambassadeur chinois auprès de l’ASEAN, Deng Xijun, la Chine a quant à elle envoyé, au 20 juillet 2021, plus de 100 millions de doses de vaccins de la COVID-19 aux membres de l’organisation, ce qui représente 70% de l’aide mondiale apportée en termes de vaccination dans la région.

De plus, de nombreux observateurs s’inquiètent de la politisation excessive de la région par les États-Unis, les échanges commerciaux ne faisant que confirmer cette tendance.

Le commerce entre la Chine et les pays membres de l’ASEAN a été multiplié par 85 au cours des trente dernières années, l’ASEAN devenant le premier partenaire commercial de la Chine en 2020, alors que les échanges entre les États-Unis et les pays membres de l’ASEAN eux «tâtonnent».

En 2020, les investissements directs étrangers (IDE) de la Chine dans les pays de l’ASEAN ont bondi de 52,1% en glissement annuel, contrecarrant une tendance mondiale à la baisse. Pendant ce temps, les investisseurs de l’ASEAN continuent de voir une perspective rose en Chine pour sa solide reprise post-pandémique et le nouveau modèle de développement de la « double circulation », avec l’investissement du bloc en Chine continentale bondissant de 50,7% au premier semestre de 2021, selon ministère chinois du Commerce.

De plus, en 2020, les échanges commerciaux de la Chine avec 14 des 15 pays membres du RCEP ont augmenté de 3,5%, avec une hausse de 5% pour les exportations et de 2,2% pour les importations, pour représenter 31,7% du commerce extérieur du pays.

Enfin, le dossier birman est lui aussi au cœur des préoccupations, notamment en termes de rivalité sino-américaine. Les États-Unis se sont déjà opposés à l’envoi de vaccins au Myanmar au vu de la dégradation de la situation politique et sociale dans le pays, alors que les ministres des affaires étrangères de l’ASEAN devaient discuter cette semaine de l’envoi d’un envoyé spécial chargé de promouvoir le dialogue entre dirigeants militaires et opposants sur place.

Pour le directeur adjoint du Centre d’études américaines de l’université Fudan de Shanghai, Xin Qiang, cette situation au Myanmar pourrait être un point de friction entre Beijing et Washington, notamment si les États-Unis cherchent à faire de cette situation un lieu de conflit avec la Chine en s’insérant dans les affaires internes du Myanmar au nom de la promotion et de la défense des droits de l’homme.

Alors que cette année 2021 marque le trentième anniversaire de l’établissement des relations de dialogue Chine-ASEAN, la Chine appelle le 3 août 2021, par l’intermédiaire de son ministre des affaires étrangères, à créer une nouvelle ère de coopération, en s’appuyant sur quatre leviers principaux : l’approfondissement de la coopération dans la lutte contre la COVID-19, la poursuite de la reprise économique, la consolidation de la structure de coopération existante et la sauvegarde de la paix et de la stabilité dans la région de la Mer de Chine méridionale.

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