samedi, avril 20

Exposition, « Peindre hors du monde, moines et lettrés des dynasties Ming et Qing»

L’exposition « Peindre hors du monde présente« , du 5 novembre 2021 au 6 mars 2022, un ensemble de plus de cent chefs-d’œuvre de la peinture chinoise ancienne. Ces peintures et calligraphies exceptionnelles, exposées en Europe pour la première fois, sont nées du pinceau des plus grands maîtres des dynasties Ming (1368-1644) et Qing (1644-1912).

Avant d’être offertes au musée d’art de Hong Kong en 2018, ces œuvres ont été patiemment rassemblées par le collectionneur Ho Iu-kwong (1907-2006) qui, selon la tradition chinoise, leur a donné le nom de Chih Lo Lou, « le pavillon de la félicité parfaite ».

Au cours des dernières décennies, le musée Cernuschi a régulièrement ouvert ses portes aux collectionneurs de peintures chinoises. Ainsi, les expositions dédiées aux collections de John M. Crawford Jr., Zheng Dekun ou Roy et Marilyn Papp, dont les oeuvres ont depuis rejoint des collections muséales, ont fait date : elles s’inscrivent aujourd’hui pleinement dans l’histoire de la connaissance de la peinture chinoise en France.

Parallèlement, les conservateurs du musée, investis aux côtés des peintres contemporains chinois depuis les années 1940, ont souvent mis en lumière leurs activités de collectionneur.

Ainsi, les peintures et calligraphies anciennes collectionnées par Zhang Daqian, Ling Shuhua ou Jiang Ershi ont fait l’objet d’expositions, révélant comment l’artiste, quand il fait siennes les oeuvres du passé, nourrit une forme de prédilection pour tel ou tel maître qui souvent irrigue ses créations.

Ho Iu-kwong n’était pas un artiste, néanmoins la collection « Chih Lo Lou®» est une oeuvre à sa manière, porteuse d’une certaine vision de l’histoire de la Chine et de son art. Grâce aux notes qu’il a rédigées sur chacune des centaines d’oeuvres de sa collection, et qui ont été largement publiées par nos collègues du musée d’Art de Hong Kong, il est possible de comprendre les choix de Ho Iu-kwong, choix qui reposent non seulement sur des critères esthétiques, mais aussi sur des valeurs humanistes héritées de la tradition lettrée.

Le monde de l’art s’accorde pour considérer que le coeur de la collection « Chih Lo Lou » est constitué par les peintures et calligraphies datées de la période de transition dynastique entre les Ming et les Qing, une époque troublée au cours de laquelle de nombreux intellectuels ont fait le choix se retirer « hors du monde ».

Ainsi les peintures de paysages de la collection « Chih Lo Lou » sont le re±et des sentiments d’intégrité et de loyauté qui animaient les artistes, sentiments qui suscitaient l’admiration de Ho Iu-kwong, au même titre que la beauté de leurs oeuvres.

En 2018, la collection « Chih Lo Lou » a été donnée au musée d’Art de Hong Kong, qui a pu la présenter en 2020 à l’occasion de sa réouverture après rénovation. Forts des liens tissés au cours de précédentes collaborations, et malgré les difficultés liées à la pandémie, le musée d’Art de Hong Kong et le musée Cernuschi ont aujourd’hui le bonheur de pouvoir donner à voir au public, pour la première fois en Europe, les chefs-d’oeuvre réunis par Ho Iu-kwong.

Je souhaiterais par conséquent remercier particulièrement la directrice du musée de Hong Kong, Maria Mok, et les conservateurs de la collection « Chih Lo Lou », Yuen-kit Szeto, Sunny H.S Tang et Cherry N.K. Wong, pour leur engagement sans faille dans ce projet, a écrit Eric Lefebvre, directeur du musée Cernuschi, musée des arts de l’Asie de la Ville de Paris.

TROIS SIÈCLES DE PEINTURE CHINOISE

Les œuvres de cette exposition ont été créées à un moment clé de l’histoire de la Chine, entre le milieu du XVe siècle et le début du XVIIIe siècle, une période marquée par une profonde rupture historique qui se traduit par une alternance dynastique. Au cours de ces trois siècles faits de grandeurs et de misères, les aspirations millénaires des sages et des poètes à se retirer du monde pour vivre parmi les forêts et les montagnes prennent un sens nouveau sous le pinceau des peintres.

JARDINS, PAYSAGES ET QUÊTE DE SAGESSE

Le genre du paysage exerce un rôle majeur dans l’histoire de la peinture chinoise depuis la dynastie des Song (960-1279). Sous les Ming, paysages et jardins sont investis de nombreuses significations, reflets des pratiques collectives, mais aussi des aspirations les plus personnelles.

Ainsi, les jardins du Sud de la Chine évoqués par les célèbres peintres de la dynastie Ming, comme Shen Zhou (1427-1509) ou Wen Zhengming (1470-1559), présentent l’image poétique d’un idéal partagé par de nombreux lettrés de leur temps.

Au sein d’une vie principalement dédiée aux devoirs de leurs charges administratives, certains entrevoient dans ces coins de nature, des lieux où la quête de sagesse devient possible grâce à l’étude et la méditation. D’autres décrivent, sous la forme de vastes paysages qui se déploient sur de longs rouleaux, les étapes de voyages accomplis en rêve.

LA MONTAGNE, REFUGE ET SOURCE D’INSPIRATION

Pour ces lettrés, l’effondrement de la dynastie Ming et la conquête de l’empire par les Mandchous sont des événements profondément traumatisants. La prise de Pékin en 1644 et la fondation d’une nouvelle dynastie sont suivis de quarante ans de résistance armée.

Dans ce contexte, nombreux sont ceux qui refusent de servir la nouvelle dynastie Qing et s’isolent dans les montagnes. Renonçant à la carrière de fonctionnaire et masquant leur identité, certains deviennent moines. Ce sera le destin des peintres Shitao (1642-1707) et Badashanren (1626-1705), membres de la famille impériale déchue, qui, en revêtant l’habit monastique, ont fait des temples leur refuge et de la montagne leur source d’inspiration.

Cette exposition est organisée conjointement par le musée Cernuschi, musée des arts de l’Asie de la Ville de Paris et le musée d’art de Hong-Kong.

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