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Les « femmes de réconfort » ne sont pas oubliées ce 8 mars

En cette Journée Internationale de la Femme,  les « femmes de réconfort » sont des esclaves sexuelles enfermées dans des « maisons de réconfort », euphémisme utilisé pour parler des bordels militaires de campagne (BMC) de l’armée impériale du Japon.

Statut devant le Mémorial des « Femmes de réconfort »

Comme l’ont expliqué la cinéaste Byun Young-Joo et la chercheuse Hélène Cixous, les premiers BMC apparaissent au début des années 1930 lorsque l’armée japonaise conquiert le Nord-est de la Chine, après les évènements de Manchourie en septembre 1931.

Shanghai a abrité l’une des premières « maisons de réconfort » japonaises en 1932. par la suite, des établissements de ce type ouvrent leurs portes dans toute la Chine, lors du déclenchement de la guerre sino-japonaise en 1937.

« Bien qu’on ignore toujours le nombre exact d’établissements dans l’ensemble des zones occupées par le Japon, un bulletin de l’armée, retrouvé par l’historien, Yoshiaki Yoshimi, mentionne que les autorités ordonnent, en 1942, la mise en place en Chine d’au moins de 400 BMC« , ont expliqué les deux chercheurs dans un article intitulé,

Plus de 70 années plus tard, la Chine compte encore des « maisons de réconfort », dont une trentaine à Shanghai. Témoins de l’esclavage sexuel, ces bâtiments sont aujourd’hui en ruine.

Reconnaissance des archives mais pas les lieux 

Le gouvernement soutient l’inscription des documents sur les « femmes de réconfort » au Registre de la mémoire du monde. Il s’agit du Programme de la mémoire du monde, établi en 1992 par l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), afin de préserver les documents les plus importants du monde.

Mémorial des « Femmes de réconfort » de Nanjing

« L’esclavage des femmes était un crime perpétré par les militaristes japonais pendant la Seconde Guerre mondiale », avait indiqué le ministère des affaires étrangères pour qui cette inscription « aidera les peuples à réaliser la cruauté de la guerre, à chérir la paix et à protéger la dignité humaine ».

« L’État chinois s’est jeté sur ce sujet comme moyen d’atteindre le Japon », a souligné à l’AFP, Edward Vickers, chercheur à l’Université de Kyushu au Japon. « Pour le parti communiste chinois, l’objectif est de présenter le Japon comme une sorte de paria de la communauté internationale, aujourd’hui comme par le passé« .

En effet, le soutien politique à ces archives n’a pas poussé les autorités à en faire plus, comme construire des lieux de mémoire avec certains bâtiments. « Tous ces lieux historiques sont doucement démolis. Il y en a de moins en moins », a expliqué à l’Agence France Presse, Bao Xiaqin, expert des relations Chine-Japon à l’Université Fudan de Shanghaï.

Depuis plusieurs années, associations et organisations non gouvernementales ont appelé les autorités à « préserver ces lieux et se souvenir de la souffrance de ces femmes ». En vain, car Beijing tenait surtout à « désamorcer l’un des dossiers les plus explosifs dans la relation houleuse avec le Japon ». 

Une avancée réalisée à Shanghai 

Or récemment, l’immeuble de Gongping Road a été sauvé d’une destruction l’an dernier après l’intervention de l’historien Su Zhiliang. Ce dernier a fait appel aux médias et retracé l’historique de ce immeuble décrépi.

Su Zhiliang, de l’Université Normale de Shanghaï, tente de ne pas faire oublier les « femmes de réconfort », malgré la volonté des autorités de taire le sujet. « Le gouvernement chinois n’en a vraiment pas fait assez. C’est une question relevant des droits de l’Homme en temps de guerre, mais afin de maintenir de bonnes relations avec le Japon, le gouvernement ne nous aide vraiment pas« , a-t-il expliqué à l’AFP.

Seul lieux de mémoire autorisé est le Mémorial des « Femmes de réconfort » ouvert à Nanjing, capitale du Jiangsu, depuis le 1er décembre. Ce mémorial est destiné à rendre hommage aux « femmes de réconfort » et est le premier monument chinois qui leur est dédié.

Su Zhiliang est d’ailleurs parvenu à transformer sa salle d’archives en « musée » en octobre 2016, sur le campus de l’université. Une statue représentant deux de ces femmes, une Chinoise et une Coréenne, a été inaugurée à l’extérieure de la salle.

Dans un communiqué à l’AFP, le consulat du Japon à Shanghai a jugé « extrêmement regrettable » l’ouverture du musée de l’historien et l’installation de la statue sur le campus. « Nous ne considérons pas que ces actions aident à améliorer les relations entre le Japon et la Chine« , a justifié le consulat.

Hommage à la dernière « femme de réconfort » de Chine 

Portrait de « Femmes de réconfort » de Chine

Su Zhiliang a indiqué que « le tout premier ‘centre de réconfort’ au monde n’ait pas encore été sanctuarisé, c’est vraiment regrettable ». En novembre 2015, la dernière des « femmes de réconfort » chinoises, qui avaient poursuivi en justice le gouvernement japonais, est décédée dans la province du Shanxi, à l’âge de 89 ans.

Zhang Xiantu s’en est allée, après des années de lutte contre la maladie, a annoncé Zhang Shuangbin, un militant travaillant à sa demande de compensation auprès du gouvernement japonais.

« Durant ses derniers jours, Mme Zhang a toujours espéré que les volontaires pourraient l’aider à continuer les poursuites contre le gouvernement japonais« , a indiqué ce dernier à la presse.

Dernière survivante du groupe chinois des « femmes de réconfort » qui a poursuivi le Japon en justice pour demander des excuses et des compensations au Japon en 1995, elle a pu voir en 2009, la Cour suprême du Japon reconnaître ces crimes, refusant toutefois leurs demandes de compensation.

Zhang Xiantu n’avait que 16 ans et était mariée depuis quelques mois, quand elle a été enlevée par des soldats japonais pour être enfermée dans une « maison de réconfort », où elle a été violé durant une vingtaine de jours.

Depuis, elle a souffert de maladies gynécologiques chroniques et de traumatismes psychologiques. « Le titre de ‘femme de réconfort’ a entraîné une grande honte, mais ces femmes se sont efforcées de vivre afin de témoigner de cette partie de l’histoire et de demander des excuses et des compensations », a expliquait-elle à l’Agence de presse, Xinhua.

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