mercredi, avril 24

Gérer les risques liés à l’investissement en Afrique

De notre partenaire Chinafrique.com – Par Qi Kai, professeur agrégé à l’Académie des sciences sociales de Beijing – Grâce à ses abondantes ressources en main-d’œuvre et un soutien politique renouvelé pour le développement économique et les investissements étrangers, l’Afrique est en train de devenir une nouvelle destination de choix pour les sociétés multinationales. Parmi celles-ci, les investissements chinois occupent une place de plus en plus importante.

Nouvelle route de la soie

Selon la société britannique Ernst & Young, de 2005 à 2016, les entreprises chinoises ont investi 66,4 milliards de dollars dans 239 projets en Afrique, créant plus de 130 000 emplois pour la population locale. Ces investissements couvrent un large éventail de secteurs, allant de l’énergie aux ressources naturelles, en passant par la construction d’infrastructures et l’agriculture.

À la fin de 2017, la Chine est devenue le troisième plus grand investisseur étranger sur le continent. Cette recrudescence des investissements chinois en Afrique s’explique entre autres par l’initiative des « Nouvelles Routes de la soie ». Dans ce nouveau contexte, les risques auxquels les investisseurs chinois doivent faire face retiennent de plus en plus l’attention.

Soucis de sécurité

Le Livre bleu de la Chine sur les risques de sécurité à l’étranger de 2018 publié conjointement par l’Institut chinois de recherche sur la sécurité à l’étranger et China National Petroleum Corp. plus tôt cette année identifie neuf pays comme étant « extrêmement dangereux pour les entreprises ».

Il s’agit de l’Afghanistan, la Libye, la Syrie, le Yémen, le Soudan du Sud, le Soudan, la Somalie, la République centrafricaine et le Venezuela. Hélas, cinq de ces neuf pays se trouvent en Afrique, reflétant l’importance des questions de sécurité pour les investissements chinois sur le continent.

Dans l’ensemble, les risques sécuritaires des investissements chinois en Afrique se reflètent sous trois aspects. Premièrement, les pays occidentaux continuent à se montrer hostiles envers les investissements chinois dans les pays africains, prônant avec malveillance la théorie de la « menace chinoise » et calomniant l’engagement constructif de la Chine en Afrique en le décrivant comme du « néocolonialisme ». En tant qu’anciens maîtres coloniaux, ils utilisent leur ascendant sur les dirigeants politiques ou les groupes d’intérêts pour saper la coopération sino-africaine.

Deuxièmement, les conflits politiques, religieux et ethniques de plus en plus complexes dans certains pays et régions d’Afrique, en particulier en Afrique du Nord et dans la région des Grands Lacs, sont des facteurs d’instabilité sociale qui découragent les éventuels investisseurs.

Au cours des dernières années, diverses forces extrémistes notamment islamistes ont continué à pénétrer et à s’étendre en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne. Par exemple, des groupes terroristes extrémistes tels que Boko Haram ont prêté allégeance à Daech. Des militants ont lancé des raids contre les forces gouvernementales dans certains pays, au cours desquels ils massacrent brutalement des civils innocents. Cela compromet gravement la stabilité et le développement locaux, et heurte aussi l’environnement des affaires.

Pour ce qui est des situations politiques intérieures, l’ingérence extérieure, les conflits religieux internes, les confrontations entre le gouvernement et les minorités ethniques locales et les tensions politiques régionales créent un terreau fertile pour les divers extrémismes. La montée de Boko Haram montre que dès qu’ils en ont l’occasion, les forces séparatistes et extrémistes se déchaînent, menaçant la sécurité des investissements et des installations chinoises, ainsi que la vie des employés des entreprises chinoises.

Troisièmement, l’environnement d’affaires du pays hôte est un facteur très important dans le processus d’investissement des entreprises multinationales. Les pertes sont souvent insupportables si l’environnement est mauvais. Selon l’Indice annuel de facilité de faire des affaires publié par la Banque mondiale, les pays africains se classent souvent tout au bas de la liste des 190 pays et régions du monde. Les systèmes juridiques et fiscaux inadéquats, la corruption au sein du gouvernement et de l’armée, et le dédoublement des départements administratifs sont des problèmes communs à de nombreux pays africains. Cela affecte également sérieusement le développement normal des entreprises chinoises et leurs intérêts d’investissement.

Mieux évaluer les risques   

À long terme, l’amitié sino-africaine reste vulnérable à une détérioration soudaine des relations entre les principales puissances du monde, ce qui pourrait entraver la coopération approfondie entre la Chine et l’Afrique à plus grande échelle. À court terme, certains projets d’investissement se sont retrouvés accidentellement impliqués dans des querelles politiques, ce qui a augmenté les incertitudes et les risques auxquels ils se heurtaient. Pour contenir efficacement les risques éventuels, la Chine devrait prendre un certain nombre de mesures.

Premièrement, la Chine doit, comme toujours, adhérer au principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays et respecter strictement le principe de neutralité dans ses investissements. Il est sage d’apprendre de l’expérience d’autrui, de rester neutre dans les activités commerciales et d’éviter consciemment de s’impliquer dans les divers conflits politiques ou militaires locaux. Historiquement parlant, la Chine n’a jamais eu de conflits avec les pays africains. Les investissements chinois en Afrique se limitent aux secteurs commerciaux et s’appuient sur les principes de neutralité, de coopération, de bénéfices mutuels et du gagnant-gagnant.

Deuxièmement, les entreprises chinoises doivent activement façonner leur image au sein de la société hôte. Avant d’investir, elles doivent pleinement comprendre les lois et coutumes locales, les procédures pour faire des affaires, rester à l’affût des problèmes liés aux moyens de subsistance des communautés locales, et honorer leurs engagements. En même temps, elles doivent activement mener des activités de relations publiques, contribuer aux projets caritatifs locaux, et inviter les médias locaux à visiter leurs installations, afin d’établir un dialogue et une interaction dynamique avec la société hôte. Elles doivent également améliorer leur manière de publiciser rapidement et efficacement leur contribution à la protection de l’environnement local et leurs activités de responsabilité sociale au sein des communautés locales.

Troisièmement, le gouvernement chinois devrait établir un mécanisme d’évaluation des risques et d’intervention d’urgence pour ses investissements étrangers. Actuellement, alors que la Chine sécurise sa position sur le marché africain, sa nouvelle priorité est de stabiliser et d’étendre les intérêts de ses investissements. Dans ce contexte, le gouvernement devrait aider les entreprises à établir un mécanisme coordonné qui évalue de manière exhaustive les risques d’investissement étranger de la Chine en termes de politique, de l’environnement d’affaires, de sécurité, de stabilité du marché et des menaces imprévisibles, puis de dresser un plan d’intervention adapté en conséquence.

La coopération économique sino-africaine est promise à un avenir brillant. Tant que les difficultés majeures seront résolues adéquatement et que les risques sont compensés par des mesures préventives, le partenariat reliant la Chine et les pays africains pourra être approfondi et étendu. À l’avenir, l’initiative des « Nouvelles Routes de la soie » constituera une autre plateforme importante de coopération. Par conséquent, toutes les parties concernées devraient apprendre de l’expérience antérieure pour tirer pleinement parti des assises existantes pour prévenir les risques potentiels et ouvrir un nouveau chapitre dans le partenariat économique mutuellement bénéfique entre la Chine et l’Afrique.

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