jeudi, mars 28

La Chine de plus en plus agacée par les vénézueliens

Le dirigeant Nicolas Maduro est sous pression depuis que Juan Guaido, président de l’Assemblée nationale, s’est auto-proclamé, le 23 janvier, « président par intérim ».

L’opposant a aussitôt été adoubé par les Etats-Unis et la plupart des pays du continent. Ce 5 février, plusieurs pays européens, dont la France, ont reconnu le député de l’opposition comme « président en charge » du Venezuela.

Avant cette reconnaissance européenne, les principaux pays de l’Union européenne avaient donné « huit jours » à Nicolas Maduro pour organiser une élection présidentielle. Cet ultimatum avait été rejeté par le dirigeant vénézuelien, soutenu par la Russie, la Chine, la Turquie, ou encore Cuba, qui accusent Washington d’orchestrer un coup d’Etat.

Un tournant dans les relations sino-vénézuéliennes

« Les relations avec la Chine et la Russie datent du tournant pro-cubain du chavisme. Elles ont débuté par des achats d’armes russes et des emprunts auprès de la banque centrale chinoise », a expliqué l’historien Serge Ollivier, enseignant chercheur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Selon la banque d’investissement Torino Capital, le Venezuela doit 13,5 milliards de dollars à la Chine. « Ces dernières années, le gouvernement chinois, via les banques d’investissement publiques, a représenté la principale source de crédit du secteur public vénézuélien, cumulant plus de 62 milliards de dollars de prêts », a indiqué Elodie Brun, professeur au Colegio de Mexico.

Les entreprises chinoises sont aussi présentes dans le secteur minier, et dans de nombreux projets de coopération binationaux : téléphones portables, électroménager… Mais « à l’exception d’une promesse de prêt de 5 milliards de dollars en septembre dernier, les derniers crédits chinois remontent à 2016. Depuis lors, les autorités du géant asiatique se limitent à accorder des rééchelonnements des remboursements », a souligné Elodie Brun à l’Agence France Presse.

Beijing s’impatiente

Les prêts accordés par Moscou et Pékin devaient être remboursés en pétrole, mais « Caracas n’a fourni que 40% de ce qui avait été promis à la Russie et 60% à la Chine », a indiqué Serge Ollivier, historien et chercheur au laboratoire «Mondes Américains».

La compagnie PetroChina a renoncé à un projet de partenariat avec PDVSA, compagnie pétrolière appartenant à l’État vénézuélien, pour une raffinerie en Chine. La compagnie a précisé qu’il ne s’agissait pas d’une décision liée aux sanctions américaines.

La Chine est de plus en plus agacé envers les dirigeants vénézueliens. Au lendemain de la proclamation « présidentielle » de Juan Guaido, un porte-parole de la diplomatie chinoise a rappelé que « la Chine a toujours appliqué le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un autre pays ».

Pour Geng Shuang, porte-parole du ministère des Affaires étrangères à Beijing, le gouvernement était « prêt à travailler avec toutes les parties » et que la coopération entre les deux pays « ne devrait pas être affectée par l’évolution de la situation » au Venezuela.

Juan Guaido tend la main à la Chine

Le président autoproclamé du Venezuela, Juan Guaido, a assuré le 2 janvier au South China Morning Post qu’il honorerait les accords conclus entre la Chine et son pays. Il souhaite entamer «dès que possible» le dialogue avec la Chine.

«Le soutien de la Chine sera très important pour stimuler l’économie de notre pays et notre développement futur», a assuré Juan Guaido. «Nous sommes prêts à entamer une relation constructive et le dialogue avec la Chine dès que possible», a-t-il ajouté.

Ces commentaires semblent destinés à dissiper les interrogations sur l’avenir des relations avec Pékin si Juan Guaido accédait effectivement à la présidence. La Chine est le principal créancier du Venezuela et soutient le président Nicolas Maduro.

Nicolas Maduro s’était rendu en Chine en septembre 2018 et avait conclu des accords dans les domaines de l’énergie et de l’extraction d’or, soucieux de s’attirer le soutien de Pékin dans la crise politique que traverse son pays.

Les propos de Juan Guaido au South China Morning Post interviennent au lendemain des déclarations du ministère chinois des Affaires étrangères qui souhaite «rencontrer toutes les parties (vénézuéliennes) à mi-chemin».

La Chine et le Venezuela «coopèrent de façon pragmatique depuis longtemps», a souligné le porte-parole du ministère chinois, Geng Shuang. «Indépendamment de l’évolution de la situation, rien de tout cela ne sera affecté», a-t-il poursuivi.