vendredi, mars 29

La Chine qui coupe le souffle de ses visiteurs

Tribune de Keita Moussa, étudiant en Master II à l’institut des Etudes Africaines de l’Université Normale de Zhejiang. – « L’empire céleste » ou « l’empire du milieu », la Chine a toujours été un pays dont le sens, renvoi toujours immédiatement à quelque chose de grandeur, qui à la fois fascine et effraie. C’est vrai que la plupart des empereurs chinois ont toujours revendiqué, leur autorité du ciel, dont ils sont les fils ; « fils du ciel »ont il été.  

Les fameuses Neufs Grandes Règles, ayant réglé la vie des millions de chinois, et servant d’inspiration aux philosophes (Lao-Tseu, Confucius Mengzi ou Confucius) entre VII et IVème siècle avant notre ère chrétienne, aussi viendraient du ciel. Serge Berthier offre une belle lecture sur cette épisode dans « Le Choc-la Chine en marche » lorsqu’il rapporte de la Grande Règle, [1]rédigée  vers 1050 av. JC :

«J’ai appris que jadis Kounn, ayant opposé des barrages à la grande inondation, gêna le libre cours des cinq agents naturels. Le Souverain d’en Haut se mit en colère et ne donna pas les neuf règles (articles) qui règlent les relations et les lois. U ayant remplacé son père Koun et rétabli l’ordre en rendant aux eaux leur libre cours par ses canaux, le Ciel satisfait lui donna les neuf articles de la Grande Règle par lesquels sont réglées les relations et les lois. »[2]

Sinon, lorsqu’il évoque Pan-Keng, empereur en 1301 av JC qui, en menaçant ses sujets, disaient : « Hommes du peuple, si vous me faites opposition, mes prédécesseurs feront descendre sur vous de grands maux. D’en haut ils vous puniront. » [3] Cela traduit en quoi l’autorité dans la Chine antique, provenait d’un en-haut, un ciel, ou tout simplement un Dieu.

Cet empire céleste, aurait belle et bien bénéficié des grâces du ciel, pour bâtir ce qui échappe dans sa réalisation, à l’entendement des autres communs mortels. En évitant les méandres obstruant la lumière sur l’objectif, il s’agit de s’intéresser au caractère toujours grand des réalisations effectuées dans ce pays.

La Chine des grandes murailles, l’une des merveilles ayant traversé toute l’histoire pour venir épater notre humanité actuelle, témoignant ainsi labeur de ces ancêtres chinois. Longues de 2800 km, elles furent autrefois initiées pour mettre à l’abri l’empire et ses habitants,en même temps empêcher ceux-ci d’émigrer.

De nos jours, tout un symbole national, comme à l’image des pyramides pour les peuples africains. La Chine du barrage des Trois gorges sur le Yangzi, est la plus grande centrale hydroélectrique au monde, réalisée durant environ dix ans. Le monde entier ne cessera guère de se tirer de la stupéfaction devant un tel sacrifice, dont la réalisation a contraint au déplacement de 1,8 millions[4]d’individus.

Enfin, il faut noter le pont de nankin, pour lequel Alain Peyrefitte n’hésite pas à faire d’éloges du chef-d’oeuvre, tout en taquinant les ingénieurs russes, qui se résumaient à l’évidence de l’impossibilité du projet. L’auteur écrit : «Nankin, où la construction du grand pont sur le Yang-tzu Chiang a pris la dimension épique d’un défi lancé àla Russie, étrangers etau destin,.. »[5]La Chine défie-t-il le monde par ses constructions ?

Les chinois n’ont pas besoin d’être loquaces pour montrer à la face du monde la grandeur de leurs réalisations. Ils saisissent des événements ou des voyages qui n’ont l’air de rien pour se faire comprendre. C’est un exercice auquel ils aiment bien jouer, et le maîtrisent savamment. Les jeux olympiques de 2008 de Pékin, bien naturellement n’était pas qu’une simple rencontre pour acclamer ci et là les athlètes. Bien au contraire, ce fut une occasion pour la Chine de montrer, à la face du monde la réussite de ses réformes engagées depuis 1978.

En 2008, ces jeux olympiques pour la Chine, se définissent par la fête du trentième anniversaire des reformes. Le palais national omnisports de Pékin ou le nid d’oiseau de Pékin, fut le cadeau de surprise pour les milliers de spectateurs venus à travers le monde. Ainsi sur la couverture des  livres d’apprentissage de la langue chinoise ; developping Chinese [6],destinés aux étrangers, on peut voir l’emblématique « nid d’oiseau de Pékin », également devenu un symbole national.

 Ils profitent d’organiser de séminaires invitant hommes et femmes, à l’issue desquels, font place aux visites guidées dans les grandes villes du pays. Le sommet du G20 de 2016 à Hangzhou, les sommets de FOCAC (Forum sur la Coopération Afrique Chine) 2006 et 2018 sans compter entre autres. La dernière grande rencontre en date à lieu, est le salon international de l’import et de l’export (CIIE) entre le 5 au 10 novembre passé. Un pavillon de 33 000 mètres carrés a servi d’accueil pour plus de 3600 compagnies venant de plus de 170 Etats. L’architecture imposante du pavillon réfute toute l’idée de l’œuvre humaine.

On n’hésite pas à croire que les géants n’ont pas porté mains fortes aux ingénieurs et ouvriers chinois. C’est depuis dans ces halls quel’idée d’une « mutation de l’économie mondiale » s’annonce. Avec un parterre de chefs d’Etats d’étrangers et leurs représentants ainsi que les grands entrepreneurs mondiaux, cette première édition a connu un succès symbolique. Le gigantisme du bâtiment n’échappera à nul responsable, nombreux sont ceux qui se chuchoteront du caractère gigantesque des installations.

Quant aux dirigeants communistes, ils ne peuvent que dissimuler leur joie et fierté, en voyant stupéfaits leurs collègues du monde. Mais comme toujours personne parmi ces invités, ne souhaiterait donner l’impression de sa stupéfaction car il ne faut surtout pas perdre la face.

Dans le même sillage, il devient nécessaire, de citer le plus long pont maritime au monde. Un effort décennal, qui finalement a relié les deux régions administratives spéciales : Hong –Kong et Macao.Sur une distance de 55 kilomètre, les ingénieurs et ouvriers ont défié la nature jusque dans sa dernière tanière, dans les eaux profondes de la mer  de Chine méridionale.

Ce long pont en analogie avec celui de Nankin en 1968, n’est-il pas également un défi lancé aux portugais (maîtres de Macao du XVIe siècle en 1999) et aux anglais (maîtres de Hong Kong de 1842 à 1998). Ce dernier né du génie civil chinois, montre mieux l’attachement de l’autorité centrale de Pékin à ces deux régions, définitivement rattachées à la mère patrie. Un message d’une Chine déterminée sur le sentier de son unification, se lit sans détour.

Qui sont-ils le héros de ces grandes prouesses ? C’est normal que tout le monde pense à l’intellectuel au col blanc, sinon à l’ingénieur concepteur des ouvrages, bref penser au cerveau.Cependant le cerveau a besoin des bras pour son expression. Ce sont ces bras qu’il faut renchérir : les ouvriers. L’ouvrier chinois, souvent habillé en treillis ou blousé d’orange est un soldat qui construit : ponts, routes, bâtiments, rails…. Il ne cherche pas de nom encore moins de singulière récompense quelconque. Lui demander : à quoi s’attend-il ? Sans doute ne saura répondre à cette question, car il n’est pas formé à l’école de l’individualisme forcené.  Le vaillant soldat ou forçat se contentera de former son poing en laissant voir le pouce, comme dire satisfait quoi qu’adviendra après que sa mission soit accomplie. S’il veut être plus explicite, il fera comprendre que c’est pour : le rêve chinois ; mon rêve !


[1] La Grande Règle est l’ensemble de règles ayant régi le fonctionnement de la Chine bien avant les premiers philosophes chinois mondialement connus notamment Lao Tseu (taoisme) et Confucius (confucéanisme). C’est la compilation de pensées de plusieurs philosophes chinois. Selon Serge Berthier, c’est la racine de la chine. Pour plus d’informations, à lire :

[2] Serge Berthier, Le Choc –la Chine en marche, Metis édition, 2013,

[3] Serge Berthier, Le Choc –la Chine en marche, Metis édition, 2013

[4] Pierre Barret, N’ayez pas peur de la Chine, éditions robert Laffont,Fév2018 p308.

[5] Alain Peyrefitte, Quand la Chine s’éveillera….le monde tremblera, éditions France Loisirs, 1973, PDF p36.

[6]  Livres d’apprentissage de la langue chinoise, destinés aux étrangers désirant apprendre le chinois. Le livre est réparti entre trois niveaux : élémentaire, moyen et avancé. Chaque niveau se subdivise entre I et II comprenant chacun des rubriques : écoute, écriture, oral et compréhension général.

Keita Moussa, étudiant en Master II à l’institut des Etudes Africaines de l’Université Normale de Zhejiang