jeudi, avril 18

« La Chine s’ouvre progressivement depuis plus de trente ans »

Zhen Huang, associée partenaire de UGGC Avocats, cabinet de référence en droit des affaires, à la tête du bureau de Shanghai depuis 2012, a répondu au partenaire de Chine-Magazine.Com, l’agence de communication, Enderby.

Pourquoi la Chine fait-elle le choix d’ouvrir son marché aux investissements étrangers tout en renforçant ses règles de contrôle ?

La politique de la Chine en matière d’ouverture de son économie et de ses marchés n’est pas nouvelle. La Chine s’ouvre progressivement depuis plus de trente ans mais a toujours eu pour stratégie le contrôle de cette ouverture pour pouvoir préserver les secteurs stratégiques, les entreprises et fleurons nationaux ainsi qu’orienter l’investissement étranger dans des secteurs dont la Chine a besoin. Le nouveau protocole de contrôle des investissements étrangers publié le 19 décembre 2020 par la Commission nationale pour le développement et la réforme (NDRC), fait échos aux pratiques internationales actuelles.

Quelles sont les nouvelles mesures apportées aux mécanismes d’autorisation des investissements étrangers chinois existants depuis 2011 pour garantir la sécurité nationale ?

Le 3 février 2011 la Chine mettait déjà en place un mécanisme de contrôle des investissements et notamment des fusions et acquisitions (M&A) (en vigueur depuis le 3 mars 2011). Les nouvelles mesures consistent principalement en une simplification de la procédure de contrôle puisque celle-ci est désormais effectuée par un seul bureau et non plus un bureau ministériel conjoint. Par ailleurs, la mention aux M&A a été retirée ce qui participe potentiellement à élargir le contrôle à d’autres formes d’investissements répondant aux critères listés par le nouveau protocole. Le scope reste sensiblement le même et vise toujours les secteurs militaires et les prises de participations majoritaires dans des secteurs clés comme l’énergie, les ressources naturelles, l’agriculture, les infrastructures, internet ou encore les services financiers.

A quel nouveau cadre juridique relatif aux fusions et acquisitions et aux investissements internationaux les entreprises étrangères souhaitant investir en Chine devront-elles se soumettre ?

Depuis le 1er janvier 2020, un nouveau droit des investissements est en vigueur en Chine et constitue le cadre juridique principal auquel devront se soumettre les entreprises étrangères. Outre ce nouveau régime et les règlements d’applications, le catalogue des secteurs ouverts aux investissements étrangers mis à jour en 2020 et entré en vigueur le 27 janvier 2021 (le « Catalogue des industries encouragées ») ainsi que le catalogue de la liste négative sur les investissements étrangers (également connues sous le nom de « Liste négative ») viennent compléter ce cadre juridique. Ces catalogues sont mis à jour régulièrement par la NDRC et la Commission du Commerce depuis 2018.

Quel sera le rôle de l’agence chinoise chargée de veiller aux intérêts nationaux placée sous l’autorité de la NDRC et du ministère du Commerce de Chine ?

Créée dans la foulée de la publication du protocole, l’agence compétente (« Office of the Working Mechanism ») sera chargée de recevoir et de traiter les demandes de contrôle des investissements étrangers déposées par les investisseurs dans les secteurs concernés par le protocole. Il faut noter que le protocole donne par ailleurs la possibilité à tout tiers (organisme, entreprise, groupe social ou particuliers, entre autres) de signaler un investissement susceptible d’affecter la sécurité nationale.

Pourquoi l’application et les implications pratiques de ce régime de règles de contrôle des investissements étrangers manquent-elles de transparence ?

La procédure de contrôle des investissements mise en place n’est pas contradictoire. Une fois la demande déposée auprès de l’autorité compétente, l’investisseur se contente d’attendre la décision de l’autorité qui peut valider l’investissement, ou soumettre l’investissement à des conditions, ou refuser l’investissement. Par ailleurs aucune procédure d’appel ou de recours auprès de l’autorité n’est instituée par le protocole.

Peut-on qualifier ces nouvelles mesures de protectionnistes ? Sont-elles déjà appliquées dans d’autres pays occidentaux et dans le monde ?

La NDRC défend cette qualification, on ne peut toutefois se permettre d’ignorer que ce protocole a été publié dans un climat international particulièrement tendu. A l’époque l’ancien président des États-Unis, Donald Trump, alimentait, dans les dernières semaines de son mandat les tensions avec la Chine, en faisant par exemple ajouter des dizaines d’entreprises chinoises à la liste noire du département américain de la Défense. Des pays comme les États-Unis, l’Australie, l’Allemagne, le Japon ou même l’Union européenne ont eux aussi mis en place ou révisé leurs mécanismes d’autorisation des investissements étrangers dans les dernières années.

Dans quelle mesure ce nouvel accord et la promulgation de ce nouveau protocole relèvent-t-ils une dimension géopolitique et triangulaire entre la Chine, l’UE et les États-Unis ?

Le contexte général entourant la publication du protocole est un contexte de tension et de guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, l’Union européenne étant par définition un acteur intermédiaire entre ces parties. L’accord global UE-Chine sur les investissements (AGI) participe toutefois d’une volonté toute autre qui est celle de favoriser d’avantage l’accès au marché chinois malgré un climat de méfiance et de protectionnisme.

A quelles dates sont fixées les prochaines échéances de négociation de l’accord ?

Les négociations ont pris fin. Toutefois la procédure de conclusion est loin d’être achevée. L’AGI devra être approuvé par le Parlement européen, en vertu de l’article 218, paragraphe 6 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE).

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