mercredi, avril 24

La consommation intérieure, vecteur de croissance de la Chine

Le développement économique de la Chine a des conséquences sur le monde, celles-ci sont discutées depuis des années aux États-Unis et plus récemment en Europe.  Cependant, pour Patrick Artus (1) et Jacques Mistral (2), le recul de la production d’électricité ou d’acier, de la consommation de pétrole, l’arrêt des migrations des campagnes vers les villes et le retour des migrants vers les campagnes pèsent sur la croissance économique du pays.

Quartier de Xidan
Quartier de Xidan

Raison pour lesquelles, le gouvernement chinois a mis en œuvre son plan de relance. Lancé en 2008, ce plan de relance économique de 4.000 milliards de yuans (510 milliards d’euros), vise à stimuler la demande intérieure, face au ralentissement de la croissance du PIB et à la stagnation des exportations, dues à la crise financière mondiale. Ces mesures, publiées sur le site internet du cabinet du Premier ministre Wen Jiabao, misent sur une augmentation des dépenses de l’État, notamment dans le domaine des infrastructures.

« La Chine a décidé d’adopter une politique budgétaire active et de relâcher modérément sa politique monétaire, afin d’encourager une croissance économique rapide mais soutenue, en renforçant la demande intérieure », indique le communiqué. Ces mesures, en faveur de la consommation des ménages et des dépenses d’infrastructures massives du gouvernement central et des collectivités locales, sont financées par le crédit bancaire, qui a augmenté d’un tiers en 2009.

Pour les deux économistes, cette stratégie est précoce, bien que « la réponse de l’activité a été foudroyante dans tous les domaines (construction et travaux publics, consommation des ménages, investissements des entreprises…). Résultat : la croissance est, au début 2010, de l’ordre de 12 % en rythme annuel ».

« Les perspectives à court terme pour l’économie chinoise sont donc rassurantes, mais au-delà ? », posent-ils. En effet, certains chinois craignent que « le désendettement des ménages et les problèmes budgétaires placent les pays de l’OCDE dans une situation économique durablement difficile ».

Dans un tel contexte, le gouvernement chinois estime selon Patrick Artus et Jacques Mistral, que « la croissance chinoise ne sera plus tirée à l’avenir par les exportations, comme elle l’a été au temps du miracle économique. Au contraire même, avec la dégradation du commerce extérieur, la contribution du commerce extérieur à la croissance chinoise est d’ores et déjà devenue négative ».

Les économistes attestent que « la seule vraie priorité, c’est la stabilité sociale, garante de la stabilité politique ». D’autant plus que la modernisation du secteur agricole a fait grimper le nombre de paysans cherchant un emploi dans les villes. Ils sont entre 10 à 15 millions par an à aller en ville.

« Il faut donc absorber cette main-d’oeuvre excédentaire, ce qui, compte tenu de gains de productivité de l’ordre de 6 % à 7 % par an, conduit à la fameuse exigence de croissance de l’ordre de 9 % par an », expliquent les deux économistes. Pour ces derniers, « la Chine devrait dans ce contexte changer de modèle de croissance et privilégier à l’avenir une dynamique fondée sur la demande intérieure plus que sur les exportations ».

L’ensemble des acteurs politique et économique chinois débattent depuis quelques années sur les moyens d’engager une restructuration de l’économie du pays. « Il s’agit de stimuler la consommation des ménages, mais pas de manière artificielle comme cela a été fait temporairement, à l’occasion du plan de relance », donc pour cela « il faut véritablement changer la donne et cela porte sur la protection sociale, sur les salaires, sur le marché du travail ».

La protection sociale est une priorité parce que « sans elle, il ne peut pas y avoir de baisse du taux d’épargne exagérément élevé des ménages (40 % fin 2009) », assurent Patrick Artus et Jacques Mistral. En mars 2010, Wen Jiabao a annoncé à l’ouverture de la réunion plénière annuelle de l’Assemblée nationale populaire, qu’il fallait « accélérer l’amélioration du système de protection sociale couvrant aussi bien les citadins que les ruraux ».

Pour cela, il a prévoit d’étendre les expériences pilotes de système d’assurance maladie et vieillesse dans les campagnes à près du quart du pays (23% des districts) et accélérer dans l’ensemble du pays la prise en charge minimum des laissés pour compte. « Nous nous appliquerons à incorporer les travailleurs migrants dans les assurances sociales », a-t-il déclaré sans plus d’indications.

Autre point important pour eux, les salaires car « la progression très rapide de la population active disponible, a jusqu’ici constamment fait pression sur les salaires, qui ne représentent que 40 % du PIB, contre 60 % à 70 % dans la plupart des pays », c’est également l’une des causes de la chute de la consommation.

Celle-ci pourrait être « enrayé que par un changement du fonctionnement du marché du travail : sujet politiquement très sensible, puisqu’il faudra donner plus de poids aux salariés, modifier le système controversé du houkou, donner plus de pouvoir aux syndicats ». Conscient de cette disparités des salaires et notamment de leurs faiblesses, certaines régions du pays ont procédé successivement au réajustement du salaire minimal en faveur des travailleurs. Suivant les mesures réalisées à Shanghai, ou dans les provinces du Zhejiang et Guangzhou, la municipalité de Beijing a annoncé une hausse du salaire minimum de 800 yuans à 960 yuans, dès le 1er juillet 2010, ce qui représente une hausse de 20%.

D’autant que la pression sur les salaires, créée par la hausse du prix du logement, des restrictions de mouvement des paysans du fait de leur faible salaire et la hausse des prix alimentaires. Face à cela, les autorités chinoises ont conscience des conséquences d’une croissance rapide, qui génère des déséquilibres important. Raison pour laquelle, elles utilisent certains de leurs outils comme le maniement des taux d’intérêt et des taux de réserves obligataires des banques, des plafonds de crédit, de la fiscalité (taxation des plus-values en capital), ou encore des taux d’apport personnel, ont expliqué Patrick Artus et Jacques Mistral.

A lire : La Chine s’éveille à la consommation, par Patrick Artus et Jacques Mistral de Patrick Artus et Jacques Mistral, Le Monde, 26 avril 2010

(1) Patrick Artus, économiste français et directeur de la Recherche et des Études de Natixis
(2) Jacques Mistral, économiste français, membre du Conseil d’analyse économique (CAE), membre du Centre des économistes, et membre du conseil scientifique et d’évaluation de la Fondation pour l’innovation politique

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