jeudi, avril 25

La contestation interne au PCC s’élève

Des voix commencent à s’élever publiquement pour dénoncer le culte de la personnalité entourant Xi Jinping. Ils pointent également du doigt le triomphalisme ambiant, ayant causé la guerre tarifaire avec les Etats-Unis.

Première cible de la contestation, Hu Angang, professeur à la prestigieuse Université Tsinghua de Pékin. Ce dernier a vanté dans une lettre ouverte que la Chine avait dépassée les Etats-Unis sur le front économique et en matière d’innovation technologique.

«Ces déclarations ont provoqué une réaction de rejet auprès de certaines élites chinoises, car elles ne reposent sur aucun fait et relèvent de la propagande», a indiqué Zhang Baohui, politologue à l’Université Lingnan de Hongkong.

Une cascade de dénonciation publique

Fin juillet 2018, le site internet de l’institut économique Unirule, think tank indépendant basé à Beijing, a publié un essai rédigé par Xu Zhangrun, professeur de droit de l’Université Tsinghua. Il y dénonce la modification de la Constitution, adoptée en mars, permettant à Xi Jinping de rester président à vie.

«Je m’interroge: assistons-nous à la fin de l’ère des réformes et de l’ouverture et à un retour vers un régime totalitaire?» écrit-il, en tirant un parallèle avec «les jours terrifiants de Mao». Mais comme l’a écrit The New York Times, Xu Zhangrun a pris un plus grand risque de la part d’un universitaire en dénonçant la politique intransigeante de Xi Jinping, vis-à-vis de la renaissance des orthodoxies communistes et de la propagande.

«Les gens dans tout le pays, y compris toute l’élite bureaucratique, se sentent une fois de plus perdus dans l’incertitude quant à la direction du pays et à leur sécurité personnelle, et l’anxiété croissante s’est répandue dans la société», a-t-il écrit sur le site de l’Unirule.

«C’est très audacieux», a déclaré Jiang Hao, chercheur à l’institut, ajoutant que «beaucoup d’intellectuels pourraient penser la même chose, mais ils n’osent pas parler». Pour Geremie R. Barmé, une chercheuse australienne de Chine qui traduit l’essai de Xu Zhangrun : «son style de contenu et son style culturellement puissant résonneront profondément dans le système des partis politiques chinois, ainsi que dans la société en général».

En juin 2018, Liu Yadong, rédacteur en chef d’une revue scientifique affiliée au gouvernement, a assuré que la Chine se trompait lourdement si elle pensait qu’elle allait bientôt dépasser les Etats-Unis sur le plan scientifique et technologique. En mai, Fan Liqin, académicien de plus de 70 ans, mettait en garde contre l’émergence d’un «culte de la personnalité» autour de Xi Jinping.

Les divisions n’auront pas d’impact conséquent

Pour Zhang Baohui, politologue à l’Université Lingnan de Hongkong, «la Chine est une boîte noire: contrairement aux démocraties occidentales, on ne peut pas y effectuer un sondage pour savoir ce que pensent ses élites». Ce dernier a assuré que la contestation monte dans les rangs de l’intelligentsia, mais la population continue de soutenir les positions nationalistes du gouvernement.

Parc d’attraction du PCC à Wuhan

«Les membres de l’élite reprochent au gouvernement d’avoir envenimé les tensions avec les Etats-Unis, ce qui a mené à l’actuelle guerre des tarifs», poursuit le professeur. En effet, plusieurs intellectuels et cadres du parti estiment que le triomphalisme du gouvernement a irrité les Etats-Unis, remettant en cause la vision de Deng Xiaoping, qui défendait une posture plus timide et tournée vers l’intérieur du pays.

Dans son essai, Xu Zhangrun décrit «l’anxiété croissante» qui s’est emparée de ses pairs. Ils craignent désormais, dit-il, «non seulement la direction prise par le pays mais aussi pour leur sécurité personnelle».

Interrogé par Atlantico, Barthélémy Courmont, directeur de recherche à l’IRIS, «les débats au sein de l’appareil politique chinois autour de cette question ne datent pas d’hier, et opposent des libéraux, favorables à une ouverture économique accrue de la Chine en arguant qu’il s’agit de la base de son développement, à des nationalistes – ou conservateurs – inquiets des risques d’occidentalisation et sensibles à un principe de contrôle accru des importations. Aux Etats-Unis, on est parfaitement informé de ces dissonances au sein de l’Etat-parti, et c’est sans doute ce qui a motivé l’administration Trump à provoquer une guerre commerciale, dans le but de négocier des accords plus profitables à Washington en misant sur les divisions chinoises. Mais il convient de rester prudent quant aux conséquences de ces dissonances, qui restent assez logiques dans un tel contexte».

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