vendredi, avril 19

L’Australie, entre la Chine et les Etats-Unis

Séduite par la Chine et sa croissance exponentielle, les autorités ont cependant décidé de renforcer leur présence militaire dans la région, afin de contenir un voisin chinois « trop pressé« . En dépit de la hausse des échanges bilatéraux, les autorités australiennes ont tenu à réaffirmer leur position aux côtés des États-Unis, dans leur dernier Livre blanc, tout en conservant des rapports avec la Chine, qui est devenue son 2nd partenaire économique et commercial, derrière Washington.

Une coopération économique et commerciale étroite

Canberra reste un allié infaillible pour Washington, qui maintient sa stratégie de rééquilibrage dans le Pacifique. Mais, face à la crise économique et financière internationale, le gouvernement australien n’a pas rechigné sur une coopération approfondie avec la Chine, qui est désormais l’un des principaux partenaires commercial de l’Australie, avec un volume des échanges de marchandises et de services de près de 135 milliards de dollars (118,8 milliards d’euros), en 2014, représentant près d’un quart du commerce international total de l’Australie.

Toutefois, les investissements directs étrangers (IDE) de la Chine ne représente que 3% du total des IDE entrants en Australie, en 2015, ont indiqué les universitaires Joëlle-Audrey Bilé, Alexandre Robitaille-Lachance, Vincent Devrand, Etienne Pelsy et Olivier Lafond, dans un document publié par l’Université de Laval. Ces derniers expliquent qu’a contrario, 13,2% des IDE sortants de la Chine vont en Australie.

D’ailleurs, les investissements chinois en Australie ont augmenté de 33% en 2015, en raison de la dévaluation du dollar australien, d’après le rapport du groupe d’expertise KPMG, intitulé « Démystifier l’investissement chinois en Australie« . Le rapport note que le montant des investissements chinois s’est élevé à plus de 11,1 milliards de dollars américains (9,7 milliards d’euros) en 2015, soit une hausse de 32,9% par rapport à 2014, en termes de dollars américains (ou une hausse de 59,5% en termes de dollars australiens).

Le Premier ministre chinois Li Keqiang rencontre le Premier ministre australien Malcolm Turnbull - Avril 2016
Le Premier ministre chinois Li Keqiang rencontre le Premier ministre australien Malcolm Turnbull – Avril 2016

Pour renforcer la coopération économique, les deux pays ont signé l’an dernier un accord de libre échange sur les secteurs clé des ressources minières, de l’agriculture et des investissements. L’accord prévoit que plus de 85% des biens exportés d’Australie vers la Chine seront exemptés de droit de douane.

Cela inclut la plupart des produits de l’industrie énergétique, le vin, la viande, le poisson et les produits laitiers dont la Chine est le premier importateur mondial. De son côté, l’Australie a supprimé ses droits d’entrée de 5% sur l’électronique et l’électroménager et les investissements chinois seront facilités.

L’Australie renforce son arsenal 

En dépit des avancées économiques entre les deux pays et de l’instauration d’un partenariat commercial conséquent, le gouvernement australien a décidé d’augmenter son budget consacré à l’armée, passant de 32,4 milliards de dollars australiens (21,2 milliards d’euros) pour l’année financière 2016-2017 à 58,7 milliards en 2025-2026, et ainsi dépasser le seuil de 2% du PIB dès 2020.

Dans son Livre blanc sur la défense, présenté le 25 février, Canberra détaille les investissements à venir et sa vision future de la géopolitique régionale et mondiale : l’Australie fait ainsi face à « l’environnement stratégique le plus changeant et difficile« , a souligné Le Monde. Le document assure que d’ici 20 ans, la région indo-pacifique fera face à une importante militarisation, avec « la moitié des sous-marins et des avions de combat du monde » situé dans la zone.

Raisons pour lesquelles, 3 priorités ont été préconisé en matière de stratégie de défense : la sécurité du pays et celle de la région proche, comprenant l’Asie du sud-est maritime et le Pacifique sud ; la stabilité de la région indo-pacifique ; et un « ordre mondial fondé sur des règles« , occidentales de préférence, sous-entend le gouvernement.

La tension en mer de Chine méridionale s’accentue depuis plusieurs mois, incitant d’un côté Beijing à hausser le ton face à ses rivaux, et de l’autre, à pousser Washington à accentuer sa présence dans la zone et appeler ses alliés à prendre position.

Pour l’universitaire australien Benjamin Schreer, « le document reflète la fin d’une illusion à Canberra selon laquelle la Chine continuerait à accepter un ordre maritime fondé sur des règles occidentales ».  Raison pour lesquelles, face aux « menaces contre l’ordre mondial fondé sur des règles« , l’Australie a décidé de renforcer ses capacités à conduire des opérations militaires et à participer à des opérations en coalition avec les États-Unis et d’autres partenaires internationaux.

La Chine monte le ton contre Canberra

Présentation en septembre 2015 ses Dongfeng-21D, missiles balistiques anti-navire
Présentation en septembre 2015 ses Dongfeng-21D, missiles balistiques anti-navire

Dans sa volonté de perfectionner son arsenal, l’Australie a lancé un appel d’offre pour la construction de sous-marins. Ce contrat de 34 milliards d’euros a été remporté par le groupe français DCNS, leader mondial du naval de défense et innovateur dans l’énergie, pour la construction de 12 sous-marins.

Suite à cette nouvelle, les autorités chinoises ont annoncé qu’elles allaient renforcer « ses capacités de contre-offensive« , si l’Australie utilise ses futurs sous-marins pour « menacer ses intérêts en mer de Chine méridionale« . The Global Time a indiqué dans un édito que « Canberra doit savoir que son programme de sous-marins (…) fait partie du jeu géopolitique en Asie-Pacifique et qu’il sera utilisé comme monnaie d’échange dans la lutte stratégique régionale« .

Le quotidien nationaliste, proche du PCC, a mit en avant le lien économique et commercial croissant entre les deux pays, assurant que si les sous-marins australiens contribuent à « renforcer la pression militaire sur la Chine, elle sera contrainte de développer de plus fortes capacités de contre-offensive, ce qui au final irait à l’encontre des intérêts nationaux de l’Australie« , a également avertit le Global Times.

De leurs côtés, les autorités chinoises ont dénoncé à plusieurs reprises la stratégie de pivot en Asie-Pacifique des États-Unis, qui ont décidé de « déployer une majorité de leurs forces maritimes dans cette région. Ils ont également renforcé leur présence militaire dans la région Asie-Pacifique avec leurs alliés ». Pour la porte-parole de l’Assemblée populaire nationale, Fu Ying, en mars 2016, il apparait évident qu’il s’agit d’une militarisation de la région par les américains.

En réponse, le département de la défense américaine vient de publier un rapport sur la liberté de navigation en 2015, dans lequel il pointe du doigt la présence chinoise en mer de Chine méridionale et dans le Pacifique. Mais pour le ministère chinois des affaires étrangères, il est évident que « le programme de liberté de navigation du département de la Défense vise en substance à promouvoir la proposition unilatérale des États-Unis par la force et la contrainte, en brandissant les puissantes forces navales et aériennes de ce pays ».

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