vendredi, mars 29

Le Chinafricanisme occidental : discours et limites d’une appréciation parfois biaisée

Depuis peu, la présence chinoise en Afrique semble avoir suscité des vocations d’écrivain et celles de commentateur de l’arène internationale. Le sujet a été banalisé et tout le monde en parle : on radote et on ânonne à loisir.

Les enjeux de cette relation n’ont pourtant jamais été aussi grands pour les nombreuses forces en présence aussi bien directement qu’indirectement[1]. Il apparaît de plus en plus que cette coopération ne fait pas l’unanimité et sa conception varie en fonction des espaces et des intérêts des acteurs.

Parce qu’il faut tout au moins bien l’indiquer, cette relation n’est pas exempte de reproches. C’est le lieu de regretter les appétits chinois pour les matières premières africaines, la question du transfert de technologies ou encore la rude concurrence imposée à de nombreuses entreprises africaines.

LeChinafricanisme dont nous parlons dans cette réflexion s’inspire des concepts d’africanisme[2], d’orientalisme[3]par exemple, pour désigner l’appréciation, les catégories d’études scientifiques portant sur la relation entre l’Afrique et la Chine. En d’autres termes et par extension, le concept veut désigner la façon dont les scientifiques, les politiques et les peuples voient et apprécient la relation Chine-Afrique.

Cette façon d’appréhender ladite relation intègre automatiquement le fait que les différents paradigmes soient influençables par les intérêts nombrilistes des uns et des autres. C’est ainsi qu’au vu des écrits scientifiques, des réactions politiques et populaires, nous estimons qu’il existe un Chinafricanisme qui prendrait alors des visages africain, chinois, asiatique, russe et occidental.

Cet autre pan de l’historiographie de la Chine-Afrique permet de se rendre compte, par exemple, que l’Afrique regarde la Chine-Afrique justement avec beaucoup d’enthousiasme et d’espoir.

Le Chinafricanisme chinois quant à lui s’appuie et se réclame d’une parenté avec l’Afrique. Cette parenté tiendrait en fait au passé commun de colonisés et à l’idéologie tiers-mondiste, et certainement aussi à l’un des axes de la morale politique de Confucius, qui rappelait en substance que nous sommes frères par la nature.

De façon simple, la Chine conçoit sa relation avec l’Afrique comme une marche entre deux frères, l’un étant aujourd’hui plus aisé que l’autre et donc, capable de lui apporter de l’aide non sans avantages réciproques bien sûr.

Le Chinafricanisme occidental qui nous intéresse dans cette réflexion porte un discours pessimiste par rapport à celui que tiennent les autres. Après avoir présenté les postulats du Chinafricanisme occidental, ce travail entreprend la remise en cause d’un point de vue subjectivement motivé.

I. Les thèses du Chinafricanisme occidental

bien avant tout autre espace du monde, l’Occident[4] a prédit la grandeur de la Chine et ne manquait pas de lui témoigner amitié et sympathie. Les dirigeants français par exemple, ont, depuis longtemps, manifesté une proximité avec l’Empire du Milieu[5].

De Napoléon Bonaparte au Général De Gaulle, la France a su détecter, avant plusieurs, le fantastique destin de l’Empire du Milieu[6] et en a même fait la promotion. Dans son livre intitulé eLeaders : ceux qui ont changé le monde« [7], Richard Nixon rapporte que ce fut grâce à De Gaulle qu’il commença à avoir une sympathie pour la Chine.

Le Président français lui confiait en substance qu’ : « il vaut mieux reconnaitre la Chine maintenant, plutôt que d’être contraint de le faire une fois qu’elle sera plus puissante »[8].

Depuis près de trois décennies pourtant, cet engouement a disparu et le regard occidental sur les relations bilatérales Chine-Afrique s’est assombri et est de plus en plus teinté d’inquiétude. Le Chinafricanisme occidental revêt aujourd’hui une bonne dose de pessimisme reposant sur cinq principales thèses.

1. Impérialisme et prédation de la Chine en Afrique

Le déploiement de la Chine en Afrique est perçu en Occident, comme l’expression de son impérialisme. Dans des tabloïdes, des revues, des médias ou dans toute autre tribune, intellectuels et Hommes politiques occidentaux ne ratent pas l’occasion d’invectiver la République Populaire de Chine (RPC) dans sa relation avec l’Afrique, en lui reconnaissant, clairement ou subtilement, toute forme d’hégémonisme.

De nombreux auteurs en sont convaincus et en ont fait mention dans leurs écrits. C’est le cas de Laurent Eric dans son article intitulé « la Chine à l’assaut de l’Afrique »[9]. Il y soutient que l’économie chinoise est à la base de l’impérialisme chinois. Son caractère boulimique nourri son offensive à travers les quatre coins du continent noir.

Laurent Eric renchérit en précisant que les Chinois ont lancé une véritable offensive sur l’Afrique en profitant à la fois de la perte de l’influence occidentale, notamment française en Afrique de l’Ouest, de la crise que traversent les institutions chargées de l’aide au développement, et du caractère corrompu des régimes africains.

Selon Jean Christophe Servant dans « La Chine à l’assaut du marché africain »[10], la stratégie impérialiste chinoise en Afrique est agressive et s’adosse sur une activité commerciale intense.

Par ailleurs, les Matières Premières sont au cœur de la politique africaine de la Chine. Avec la population la plus nombreuse de la planète à nourrir, et ayant pu mettre en place une machine industrielle qui tourne à plein régime, les communistes rouges de Pékin ont surtout de rouge leurs yeux sur les Matières Premières africaines.

Toute la stratégie de l’Empire du Milieu serait donc basée sur la prédation. Et l’on sait qu’un prédateur se nourrit des proies capturées dans sa lutte pour la survie, il se développe en nuisant à un autre. Et dans sa relation avec la RPC, l’Afrique semble se trouver entre les griffes d’un rapace appelé à la détruire d’ici peu. Ce point de vue sur la prédation de la Chine  en Afrique est surtout développé  par Valérie Niquet et François Lafargue.

Dans un article intitulé « La stratégie africaine de la Chine »[11], Valérie Niquet décrit un système prédateur qui suscite de plus en plus d’interrogations en Afrique et pose la question de l’intégration réelle de la Chine à la communauté bien-pensante des puissances mondiales. Elle fait allusion à un « modèle chinois » sur le continent. Ce système que Niquet qualifie de prédateur s’inscrit également dans le cadre plus large d’une stratégie de contournement ou d’affaiblissement des puissances occidentales ou assimilées, et principalement des Etats-Unis[12]. Elle ajoute que, comme une prestidigitatrice, la Chine s’est habilement servie du principe de non-ingérence, du soutien ouvert à des régimes particulièrement discutables et de quelques prébendes, pour endormir l’Afrique et faire main basse sur ses richesses. Au-delà de nombreux trafics dans les domaines du bois, de la pèche, de l’ivoire ou des diamants et des autres richesses que cette thèse du Chinafricanisme occidental fustige, elle rend compte d’un malaise plus profond et, en guise de péroraison, rappelle que cette stratégie chinoise la met en porte-à-faux avec l’ensemble de la Communauté Internationale « responsable[13] ». Elle entre en contradiction avec le discours officiel de Pékin sur l’émergence pacifique et le rôle de grande puissance intégrée que la Chine prétend occuper.

François Lafargue s’est également prononcé sur cette question. Dans son article dont le titre « La Chine, une puissance africaine »[14]est en lui-même un programme de démystification.  Il analyse de prime abord les motivations de la présence chinoise en Afrique, et se pose la question de savoir si la Chine est un investisseur ou un prédateur en Afrique.

Pour l’auteur, bien que le continent africain ne soit pas une terra incognito pour la Chine, on peut dire que les deux espaces célèbrent depuis peu des retrouvailles qui, à son sens, bénéficieraient plus à l’un qu’à l’autre. Pour répondre à sa question, Lafargue souligne à grands traits que la RPC ne voit en l’Afrique qu’un réservoir de matières premières énergétiques et minières.

La présence de la République Populaire de Chine en Afrique est alors dénoncée comme inquiétante. Toutefois, il nuance ce discours alarmiste en soulignant que, si les relations sino-africaines sont de nature à heurter les intérêts des Etats-Unis et de l’Europe, c’est parce que ces derniers détiennent eux aussi des enjeux importants en Afrique.

2. La Chine a une nouvelle politique africaine depuis l’année 2000

L’an 2000 est marqué dans la politique africaine de la Chine par l’institutionnalisation du Forum sur la Coopération Chine-Afrique (FOCAC)[15]. Ladite année consacrerait donc également l’avènement d’une nouvelle politique chinoise sur le continent africain, un nouvel axe du partenariat en réalité. C’est ce que Serge Michel et Michel Beuret appellent Chinafrique,[16] dans un livre éponyme publié en 2008.

Pour les auteurs, on assiste bien depuis l’année 2000, a une offensive Chinoise en Afrique particulièrement dans le domaine économique. Pour eux, la Chine a une stratégie claire sur le continent noir: assurer ses approvisionnements en matières premières. Pour cela, elle paye cash, officiellement ou en dessous-de-table, mais aussi en hommes, en chantiers pharaoniques, en armes, tout ce qui peut convaincre ceux qui détiennent le pouvoir sur ces richesses de la nature à ouvrir leurs portes.

Les auteurs relèvent que cette Chinafrique n’est au fond qu’un nouvel avatar d’une histoire vieille de deux siècles, voire davantage, que l’on a appelé colonialisme, puis néocolonialisme, puis pillage du tiers monde et que l’on nomme aujourd’hui développement. Michel et Beuret soulignent que les admirateurs de la Chinafrique fantasment sur cette relation comme si la soif du lucre pouvait bâtir une société cohérente, comme si l’exploitation à grande échelle de ressources non renouvelables pouvait bâtir une société durable.

Pour se servir en Afrique, la Chine n’hésite pas d’évoquer avec habileté l’esprit des non-alignés offrant le modèle chinois de développement, le « consensus de Pékin » au lieu de la pilule amère du « consensus de Washington » prôné par la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International : privatisation, décentralisation, démocratisation et transparence.

Cependant, l’ampleur des relations entre la Chine et l’Afrique à l’orée du 21ème siècle, ce que Serge Michel appelle un tremblement de terre géopolitique, est fructueuse d’où la légitimité de sa question de savoir si la Chine sera pour le continent des ténèbres, la lumière providentielle ? Il valide par conséquent le fait que l’année 2000 marquerait vraiment une rupture, pour laisser place à une autre Politique Africaine de la Chine Communiste. La Chine a donc trouvé le remède miracle pour faire de l’Afrique son Eldorado, des oligarchies dirigeantes africaines ses complices, et des peuples africains ses clients et parfois ses prolétaires: business as usual, les affaires sont les affaires.

3. La Chine-Afrique : un marché de dupes

Le continent africain fait preuve de trop de crédulité et de naïveté dans sa relation avec l’Empire du Milieu. Il est le grand perdant dans ce rapport de dominant-dominé. Pour les tenants de cet avis, les Africains se comportent face à la Chine comme avec un bandage aux yeux, incapables de voir les forfaitures chinoises.

La Chine fait en effet l’objet d’un procès sur le continent africain au regard des limites de sa politique extérieure en Afrique. La question du transfert de technologies, celle de la qualité des produits chinois commercialisés, de l’attitude même des hommes d’affaires chinois et surtout celle du déséquilibre des bénéfices des partenaires, construisent le sentiment d’une relation dominant-dominé, dans laquelle l’Afrique apparait comme perdante.

De même, ne représentant environ que près de 4% du commerce internationale, le continent africain se condamne d’être une réceptrice, une importatrice plutôt qu’une exportatrice dans le commerce internationale. Comme éberluée et médusée, l’Afrique est trompée, dépourvue de moyens de changer cet effroyable destin. Au sommet Etats-Unis-Afrique tenu en Août 2014 à Washington, le président américain Barack Obama s’autorisait de donner son conseil à l’Afrique en ce sens :

Nous ne nous intéressons pas à l’Afrique uniquement pour ses ressources naturelles…Nous nous y intéressons pour sa plus grande ressource, son peuple, le talent et le potentiel de ses habitants…Mon conseil aux leaders africains est de bien regarder ce que leur proposent les chinois, et de s’assurer que les routes qu’ils se proposent de construire mènent bien quelque part et pas seulement de la mine au port où attend un bateau chinois pour Shanghai[17].

4. La Chine est responsable de la Mal gouvernance et remet en cause l’intégration politique de l’Afrique

Cette thèse prend progressivement du terrain dans l’analyse occidentale de la Chine-Afrique. Sur la base de son principe de non-immixtion dans les affaires intérieures des États partenaires, le volet de leur politique intérieure est occulté par les autorités de Pékin. Ce désintérêt pour la question politique en Afrique et l’absence de conditionnalités de l’aide chinoise renforcent la conviction de plusieurs chinafricanistes occidentaux et affidés, que non seulement Pékin est seulement en Afrique pour spolier ses matières premières, mais aussi, il y promeut la mauvaise gouvernance. En voulant donner l’image d’un non impérialiste, la RPC encouragerait les tares politiques africaines, en continuant d’entretenir les relations avec les Etats dits paria, c’est-à-dire bannis par la Communauté Internationale.

En ce qui concerne l’intégration politique africaine, le travail de Marie Bal et Laura Valentin intitulée « La stratégie de puissance de la Chine en Afrique »[18] explique que la démarche d’intégration des États africains dans des structures sous-régionales, régionales et continentales est court-circuitée par l’approche bilatérale de la Chine. Cette approche créerait des rivalités entre États. On peut donc déduire de cette étude que la coopération bilatérale est préjudiciable et même nocive à l’intégration. Une posture qui est loin d’être admise en Relations Internationales.

5. La Chine est un danger pour l’Afrique

La thèse que la Chine est un danger pour l’Afrique apparaît à la fois comme le résumé et le point de convergence des précédentes. La Chine est dangereuse pour l’Afrique et celle-ci gagnerait à s’en débarrasser ou à réduire considérablement son influence sur son sol. Cette dangerosité se retrouverait dans les domaines économiques, culturels et dans la stabilité politique de l’Afrique. À en croire le Chinafricanisme Occidental, penser et envisager le développement de l’Afrique en compagnie de la Chine est un leurre. Le 9 Juin 2011 à Lusaka, Hillary Clinton, alors Secrétaire d’Etat américain jouait les cassandre en ces termes :

L’Afrique doit prendre garde au nouveau colonialisme incarné par la Chine. Nous ne voulons pas voir un nouveau colonialisme en Afrique. Nous ne voulons pas voir saper la bonne gouvernance en Afrique. Nous commençons à observer beaucoup de problèmes en Afrique qui ne feront que s’aggraver au cours des dix prochaines années. Il y’a plus de leçons à tirer des Etats-Unis d’Amérique et des Démocraties[19].

Comme on peut le constater, l’appréciation occidentale de la relation entre la RPC et l’Afrique est péjorative. L’Afrique apparaît une fois de plus comme le grand enfant inconscient ou écervelé. La lueur d’espoir dans ce discours noir, pour les Africains, se situe sur les limites de ses thèses.

II. La remise en cause d’un point de vue subjectivement motivé

L’approche occidentale de la Chine-Afrique laisse transparaitre des lacunes au niveau des postulats qui la sous-tendent. Les thèses développées ont des limites, qui renseignent à suffisance sur la subjectivité de ce regard.

1. L’idée de centralité[20] dans la pensée chinoise n’est pas forcément synonyme d’impérialisme

Il est certes difficile de remettre en cause l’étiquette impérialiste de la République Populaire de Chine, tant de nombreux indicateurs convainquent d’y souscrire. Entre autres, les principaux s’avèrent être la puissance économique du pays et la théorisation du « centre » dans la pensée chinoise.

On ne peut nier que la puissance économique a été à la base de l’élaboration des doctrines impérialistes à travers le monde. C’est au moment de l’apogée qu’on se sent capable de dominer les autres. C’est le cas de l’Europe occidentale, dont les théories impérialistes ont été nourries et peaufinées au lendemain des progrès scientifiques et techniques réalisés. C’est aussi le cas de l’Empire Ottoman[21]. Compte tenu de la valeur du portefeuille et du poids économique chinois dans le monde aujourd’hui, on comprend aisément qu’on lui prête des ambitions impérialistes.

En ce qui concerne la notion de « Centre » dans la diplomatie chinoise, il faut dire qu’à moins que ce ne soit l’hindou Kautilya avec son modèle des « cercles des rois » (rajmandala)[22], premier schéma à rendre compte des relations internationales, les Chinois sont les premiers à penser le positionnement terrestre de leur pays. Leur prédisposition mentale pour les emblèmes et les figures leur en donnait la capacité[23].  Ce qui conduit par conséquent Gérard Dussouy, à dire que les Chinois ont imaginé la géopolitique si justement,  on la considère comme une représentation spatiale du monde[24].

Dans cette schématisation, l’idée de Centre a occupé très tôt, dans la représentation chinoise du monde, la place centrale, rapidement reconnue à la Chine. Pour les Chinois d’aujourd’hui encore, leur pays est le centre du monde[25]. En chinois d’ailleurs, la Chine se dit Zhong guo, soit l’association de deux idéogrammes, l’un Zhong qui signifie le milieu et l’autre guo signifiant le pays, la nation ou l’Etat. Laurent Maurawiec qui s’est davantage penché sur la question reprend la conviction chinoise en ces termes : « si le monde a un centre, c’est la Chine. Comme le monde a bien un centre, c’est bien la Chine qui est en son milieu. La Chine est le centre du monde, l’Empire du Milieu »[26]. Cette théorie géopolitique chinoise classique, comme l’appelle François Joyaux, prend la figure de cinq carrés emboités ; le carré étant ici l’emblème de l’étendue contrairement  au rond qui est celui de la durée, du temps.

Le carré central représente le domaine royal et donc, l’Empire chinois. Les trois carrés médians, les différents vassaux, et le cinquième illustre les marches barbares, les empires étrangers. La représentation ci-dessous, de Marcel Granet, des cinq carrés de la vision traditionnelle chinoise du monde entérine que la Chine s’est considérée, depuis des siècles comme le cœur du monde et donc, vouée à influencer sa marche.

Se considérant ainsi comme au-dessus des autres et aidés par des prouesses scientifiques et techniques bien antérieures à celles du monde occidental, les chinois ont élaboré une diplomatie conquérante qui les a conduits dans les quatre coins du monde. N’eût été la disparition de l’amiral navigateur Zheng He au XIVème siècle et l’épisode des traités inégaux du XIXème siècle, la trajectoire internationale de la Chine aurait certainement été différente de celle qu’elle a connue.

L’ethnocentrisme est donc une constance dans la tectonique mentale des communistes de Pékin. Seulement, il s’agit bien d’un ethnocentrisme pacifiste, qui se rend opératoire grâce au principe taoïste du Yin/Yang. Dans cette pensée justement, la vie résulte de la combinaison du Yin et du Yang. C’est un concept qui traduit la complémentarité que l’on peut retrouver dans tous les aspects de la vie et de l’Univers. Cette notion de complémentarité est propre à la pensée orientale, qui pense la dualité sous forme de complémentarité.

Les Chinois sont en effet partis de l’observation, du fonctionnement de notre Univers pour aboutir à l’existence de ces deux réalités opposées mais interdépendantes[29]. Dans sa politique étrangère, la RPC sait qu’elle a des intérêts, mais elle n’oublie pas qu’elle doit aussi concéder. C’est tout le sens qu’on peut donner à  son concept  de coopération gagnant-gagnant.

On ne peut terminer cette déconstruction de la thèse impérialiste sans l’analyse même des rapports Chine-Afrique. Partons du discours officiel chinois : pour les dirigeants de la RPC eux-mêmes, de Mao Tsé Toung à Xi Jinping aujourd’hui, l’opposition aux impérialistes et hégémonistes est restée un fondement indestructible de leur politique.

Dans les faits, il faut se souvenir que pendant la période de l’alliance stratégique de 1949 à 1978, la Chine populaire, sans moyens, s’est endettée, pour venir au secours de l’Afrique dans ses luttes de libération et du progrès socio-économique. Et pendant le partenariat économique depuis 1978, le respect de la souveraineté africaine est un sacro-saint principe chinois.

2. La notion d’ « intérêt » structure les relations Internationales

Le lynchage de la Chine sur le fait qu’elle détiendrait des intérêts dans sa relation avec l’Afrique relève de la mauvaise foi. Les intérêts sont en Relations Internationales ce qu’est le sang pour le corps humain. Chaque fois qu’un Etat se projette à l’international, ce n’est vraiment pas par philanthropie. L’histoire n’offre guère d’exemple d’une entité politique qui se serait projeté à l’extérieur sans rien avoir à gagner. C’est, à notre sens, une lapalissade ; les intérêts chinois en Afrique sont connus. Ils sont stratégiques ou idéologiques[30], diplomatiques[31] et économiques[32].

Du coté africain, le soutien pendant les luttes de libération, la construction des infrastructures socio-économiques, le soutien dans l’arène internationale et les multiples aides financières, constituent le morceau-choisi de ce gagne l’Afrique dans sa relation avec la RPC.  De ce point de vue, fustiger la Chine à cause de ses intérêts en Afrique est un faux débat ; le vrai serait donc ailleurs[33]. A contrario, il est nécessaire de se questionner véritablement sur ces acteurs qui évolueraient sans intérêts. C’est d’ailleurs le lieu de faire appel aux théories en Relations Internationales pour en savoir davantage sur leur perception de l’intérêt.

Commençons avec le réalisme qui apparait après la Deuxième Guerre Mondiale, sous l’impulsion des auteurs tels que Edward Hallet Carr et Hans Morgenthau ou encore Raymond Aron. Au-delà de son postulat fondamental, qui fait de l’Etat l’acteur exclusif de la vie internationale, le réalisme théorise l’intérêt national comme étant au cœur de ces rapports.

Le libéralisme pour sa part émerge après la Première Guerre Mondiale avec des auteurs tels que Woodrow Wilson, Dario Batistella et James Roseneau. Cette théorie semble ne pas trop accorder de place à l’intérêt en RI, mais, à y regarder de très près, il y transparait tout de même. Si l’on prend seulement le paradigme des trois paix, on s’en aperçoit grandement. La paix démocratique stipule que les démocraties ne se font pas la guerre et donc, la nature des Etats importe beaucoup sur la scène internationale.

La paix par les institutions précise que les institutions sont créées pour rechercher la paix et la sécurité collective. Enfin on a la paix par le commerce. Pour ce paradigme qui prend appui sur le postulat de Montesquieu selon lequel le commerce rend les mœurs douces, on retient que l’activité commerciale crée une interdépendance qui fait qu’on est moins porté à se faire la guerre.

Les marxistes quant à eux, ambitionnent fortement la restauration des prolétaires dans un système où ils ont été si souvent muselés par les bourgeois capitalistes.

Comme on peut se le convaincre soit même, l’intérêt structure toute action en Relations Internationales et même dans la vie de façon générale.

3. La non-immixtion dans les affaires internes des partenaires est d’essence occidentale

Zhou Enlai à la Conférence de Bandung

En avril 1955, se tint à Bandung une conférence afro-asiatique au cours de laquelle Zhou Enlai, l’émissaire chinois présenta les grandes lignes de la politique internationale de son pays. Elle se fonde sur cinq principes connus sous le nom de « Principes de la Coexistence Pacifique »[34] : respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, non agression mutuelle, non-ingérence mutuelle dans les affaires intérieures, égalité et avantages réciproques et coexistence pacifique. Des principes, qui sont demeurés des invariants de la politique extérieure de la RPC.

La non-ingérence est donc un pilier de cette politique internationale. C’est justement le lieu de reconnaitre que ce principe, comme les autres d’ailleurs de la coexistence pacifique, ne s’éloigne pourtant pas des principes du système westphalien, l’archétype du système international moderne, d’essence occidentale.

En effet, les traités de Westphalie, de Munster et d’Osnabrück signés en 1648 par le roi de France et la reine de Suède avec le Saint-Empire romain Germanique, en donnaient les paramètres généraux guidant les relations interétatiques. Ils ont eu plus tard, des implications dans la structuration des relations entre Etats  parmi lesquelles:

  • Reconnaissance de la souveraineté de l’Etat et le principe de non-intervention ;
  • Territorialisation des relations interétatiques ;
  • Codification des rapports internationaux par l’introduction du droit international ;
  • Reconnaissance de l’égalité formelle des acteurs du système international.

Pourtant, ce principe de non-ingérence est foncièrement remis en cause comme étant un adjuvant de la mauvaise gouvernance dans de nombreux pays africains

4. Ce que gagne l’Afrique dans la Chine-Afrique

A ce niveau de cette étude, il nous parait impérieux de ressortir ce que gagne le continent africain dans sa relation avec la RPC. La coopération entre la Chine et le continent noir a accouché de nombreuses réalisations. Au fil du temps, des avancées notoires sont répertoriées à travers le continent sur les plans économique, socioculturel et politico-diplomatique. L’appréciation positive tient non seulement de la fréquence et de l’espace couvert par lesdites réalisations, mais aussi, de la différence qui existe sur le procédé, l’idéologie et les coûts, par rapport aux autres.

  • Sur le plan économique

Dans une approche thématique, le satisfecit de la relation sur le plan économique englobe tour à tour :

De multiples dons bienfaisants pour le continent africain

La pratique du don par la Chine a permis à l’Afrique de bénéficier de nombreuses infrastructures et installations, et plusieurs enveloppes de liquidités[35]. Certes, l’usage du don n’est pas totalement désintéressé selon Marcel Mauss et Maurice Godelier[36] ; mais, ces dons ont offert aux dirigeants africains une possibilité de résoudre des problèmes ponctuels, de soutenir la construction de leurs Etats. En guise d’illustration, le 16 Juin 1966, la Chine accorda à la Tanzanie don de 14 millions de francs[37] et le 12 Octobre 1973 par exemple, elle fit don à l’Egypte de 10 millions de dollars et de 100000 tonnes de blé[38].

Des prêts à des taux concessionnels

Au-delà des dons, le continent a bénéficié des capitaux chinois par le biais des prêts à taux concessionnels. Ce sont des prêts non assortis des conditions traditionnellement exigées par les banques commerciales et les autres préteurs à l’égard de l’emprunteur en matière de garantie[39]. Cette aide financière importante a permis également le développement des infrastructures socio-économiques. Presque toutes les parties du berceau de l’humanité ressentent cette bouffée financière de 1960 à 1978.

  • Le 20 Mai 1964, un prêt de dix ans sans intérêt est accordé au Kenya. Par la suite, un don de 05 millions de dollars est accordé à Nairobi[40];
  • Le 16 Juin 1964, un prêt est accordé au Tanganyika, dans l’optique de parfaire son unification avec Zanzibar[41];
  • Le mois suivant, le 16 Juillet, un accord signé accorde au Ghana un prêt de 08 millions de livre sterling remboursable en dix ans à partir de 1974[42];
  • Le 15 Janvier 1965, un prêt d’un milliard de FCFA de la Chine à la République Centrafricaine est effectif. La moitié de cette somme étant destinée à l’équipement industriel[43];
  • Le 03 Mai 1965, un prêt sans intérêt de 60 millions de francs et un don à la hauteur de 15 millions sont accordé à l’Ouganda par la République Populaire de Chine[44];
  • Le 1er Juillet 1965, l’Empire du Milieu fournit 250000 tonnes de maïs à l’Egypte ;
  • Le 19 Mars 1968, c’est au tour de la Mauritanie de bénéficier d’une enveloppe venant de la Chine Populaire[45];
  • Le 27 Mai 1973, la Chine accorde à la Zambie une aide de 10 millions de dollars pour l’aider à résoudre les problèmes posés par la fermeture de la frontière entre la Zambie et la Rhodésie[46];
  • Le 13 Octobre 1975, une délégation commerciale guinéenne conduite par M. Touré, ministre du commerce, se rend en Chine. Comme principale dividende, elle signe un protocole d’accord commercial pour 1976[47];
  • Le 24 Avril 1976, le vice-président égyptien, arrivé au terme de sa visite en Chine et un protocole d’accords militaires entre les deux pays est signés[48];
  • Le 20 Juillet 1976, c’est au tour du Benin de parapher un accord économique et technique avec l’Empire du Milieu[49];
  • Le 10 Juin 1977, dans le cadre de sa coopération économique avec le Soudan, la RPC signe un autre accord englobant un volet technique important[50];

La construction des infrastructures économiques

Il s’agit certainement du domaine de prédilection de la matérialisation de la Politique Africaine de la Chine. Un florilège d’infrastructures à travers le continent africain porte l’empreinte de l’Empire du Milieu. Quand ce ne sont pas les Fonds qui sont alloués à leur construction, ce sont les techniciens chinois qui s’y investissent. Quelque fois, les deux éléments sont associés. Ainsi, les barrages, les chemins de fer, les routes et divers autres aménagements économiques, qui s’imposent fièrement dans la société africaine, découlent de la relation entre la Chine et le berceau de l’humanité[51].

Une politique agricole soulageant

L’article de Jean-Raphael Chaponnière, Jean-Jacques Gabas et Zheng Qi[52] permet de mieux appréhender la place de l’agriculture dans la Politique Africaine de la Chine. Pour la Chine en fait, l’’agriculture est l’une des deux clés du développement de l’Afrique. On y relève que l’implication chinoise dans l’agriculture dévoile trois phases[53], mais surtout on y retient que la Politique Agricole Chinoise pour l’Afrique, vise essentiellement à résoudre le problème de l’insécurité alimentaire sur le continent et à renforcer la capacité des Etats à développer leur agriculture. Lu Wenjun, directeur général de la China National Heavy Machinery Corporation et membre du Réseau des ONG pour les échanges internationaux de la Chine souligne que : « les deux clés pour changer la vie des Africains sont l’amélioration des infrastructures et l’amélioration du niveau de développement agricole en Afrique »[54]. Aujourd’hui, les priorités de la Politique Africaine de la Chine pour l’Afrique vont à la valorisation des terres[55], aux techniques d’élevage[56], à la sécurité alimentaire, à l’outillage agricole[57], à l’agro-alimentaire et au renforcement de la coopération en matière de technologie.

Une activité commerciale entre félicité et nocivité[58]

L’appréciation de l’activité commerciale entre la RPC et l’Afrique peut se faire sous les angles macro et microéconomique. Dans le cadre macroéconomique, le commerce chinois a contribué à soutenir le commerce extérieur africain. Les échanges entre les deux espaces ont permis l’entrée des devises dans le continent noir, offrant aux dirigeants des moyens supplémentaires et participant à l’ancrage, tout de même infime, du continent noir dans le commerce mondial.

Quant à l’approche microéconomique, le commerce chinois à l’intérieur du continent a comblé de nombreuses attentes des masses populaires. Avec un pouvoir d’achat faible, ces dernières ont trouvé dans la disponibilité et l’accessibilité des produits chinois, une solution à certaines de leurs difficultés quotidiennes. Par ailleurs, cette entreprise commerciale a offert des occupations aux jeunes africains, grandement exposé au mal du chômage. Ces occupations dans les étalages et boutiques chinoises ont permis à ces derniers de résoudre quelques-uns de leurs problèmes quotidiens dont le plus angoissant est sans doute l’oisiveté.

Un accompagnement dans le secteur des postes et télécommunications

Ces deux filières n’ont que récemment retenu l’attention de la Chine en Afrique. Engluées et empêtrées dans des tares managériales et logistiques, les postes et télécommunications ont connu grâce à la Chine, une véritable révolution ces dernières années. La pose de la fibre optique est, par exemple, l’illustration de cette mue.

Au total, sur le plan économique, la Politique Africaine de la Chine a grandement soutenu l’Afrique. De Mao Tsé Toung à Xi Jinping aujourd’hui, les leaders communistes ont perçu les retards et les méandres économiques de l’Afrique comme une épine à leur lutte contre l’impérialisme et l’hégémonisme, et n’ont pas hésité à l’accompagner dans la mesure de leurs possibilités.

  • Sur le plan social

Les retombées sociales de la Politique Africaine de la RPC sont toutes aussi bénéfiques. Dans une société reconnue comme la plus pauvre de la planète, l’investissement chinois a apporté suffisamment dans la résolution des problèmes quotidiens.

De nombreuses infrastructures à caractère social

L’investissement chinois sur le continent a fait sortir de terre de nombreuses installations sportives et culturelles. Elles se sont présentées comme des réponses concrètes aux manquements dans ces domaines. Les stades de football, les palais de sports, les centres culturels ont eu un effet bénéfique[59]. De même, divers autres aménagement urbains[60] et la construction de certains monuments[61] a grandement forgé l’esthétique des cités africaines.

Une politique sanitaire présente, efficiente et efficace

Le volet sanitaire a occupé une place importante dans la Politique Africaine de la Chine. Sur trois points, cette politique sanitaire a bâti sa notoriété sur le continent. La succession des équipes médicales chinoises, la construction ou la rénovation des hôpitaux et l’installation des cliniques médicales chinoises sur le continent africain, s’imposent comme des faits louables.

Les équipes médicales rotatives ont procédé au traitement des patients et à la formation du personnel local. De nombreux hôpitaux ont été construits par la Chine, pour améliorer l’infrastructure sanitaire des pays africains. En ce qui concerne les cliniques, leur importance s’est surtout située sur leur proximité des masses populaires qui en ont profité pour trouver des solutions à leurs problèmes de santé[62]. Elles ont pratiquement vulgarisé des pratiques thérapeutiques comme l’Acupuncture.

Au niveau de l’éducation

A travers des bourses d’étude offertes aux Africains dès les années 1950, la Chine a participé à la formation des jeunes africains[63]. Par ailleurs, la RPC a construit des écoles et des universités dans le même souci justement d’accompagner la formation des populations africaines.

  • Les bons fruits politico-diplomatiques

Terminons avec le volet politico-diplomatique, pour relever les grands succès de la Politique Africaine de la Chine. Ils englobent tour à tour:

Le soutien aux mouvements indépendantistes

L’entreprise coloniale a été un mal pour l’Afrique. De nombreux politiciens occidentaux eux-mêmes n’hésitent d’ailleurs plus à la considérer comme un crime contre l’humanité. L’ayant subi et associé à son opposition à l’hégémonisme sous toutes ses formes, la RPC se tint véritablement aux cotés des mouvements indépendantistes africains pour liquider le système colonial. L’aide matérielle, financière et idéologique a beaucoup aidé les nationalistes algériens, angolais, mozambicains ou même camerounais. Cette aide avait atteint une somme totale de 30 millions  de dollars et était ainsi la plus importante à l’actif du FLN tout au long de la guerre qu’elle mena[64].

La défense de la cause africaine aux Nations Unies

C’est en 1971 que la RPC fait son retour aux Nations Unies à la place de Taiwan. Cette illustre victoire diplomatique de Pékin se justifie en grande partie par l’apport du continent noir dont le poids des votes permis définitivement à la Chine continentale, d’amorcer le processus d’isolement de l’île rebelle. Depuis cette date, chaque fois que la RPC a pris la parole aux assemblées générales de l’ONU, elle a constamment parlé de la situation de l’Afrique[65]. Elle a posé les problèmes de développement du continent, les difficultés relatives à la dette et de plus en plus récemment, la nécessité de donner à l’Afrique un siège permanent au Conseil de Sécurité des Nations Unies.

L’apport à la résolution des conflits

Nous venons de le voir, la Chine s’investit depuis près de deux décennies, aux missions de paix onusiennes en Afrique. Près de 80% des effectifs chinois aux opérations onusiennes de maintien de la paix vont en Afrique. Cet investissement chinois dans ces missions se fait toutefois dans le respect de son sacro-saint principe de non-ingérence, et se justifie par la conviction selon laquelle, aucun développement n’est possible sans paix préalable.

Le respect de la souveraineté des Etats africain

Il est difficile de faire le bilan politique de la présence de la RPC en Afrique sans évoquer ce respect de la souveraineté des Etats. Ce principe a été toujours brandi par les autorités communistes comme étant essentiel dans les relations extérieures de la Chine. On peut coopérer avec un pays sans pour autant lui imposer ses vues quelque soit les différences sociopolitiques et économiques existantes entre les partenaires. Dans son rapport sur la visite du Ministre des relations économiques extérieures de la RPC, Fang Yi, du 25 Octobre au 02 Novembre 1972[66], le Ministre des Affaires Etrangères camerounais, Vincent Efon écrivait :

Elle (la délégation chinoise) a fait taire, pour respecter notre souveraineté et nos choix politiques, les invectives habituelles de la Chine contre les puissances qu’elle considère comme ses ennemis, mais elle a laissé à notre délégation le soin d’orienter les discussions vers le sens que nous estimions convenable. Cela confirme la réputation établie de nos interlocuteurs de vouloir apparaître dans leurs rapports avec les petits pays, comme un Etat qui ne cherche pas, sous prétexte de son passé prestigieux, de son présent plein de succès et de son avenir dont le rayonnement parait assuré, à imposer son point de vue[67].

Aujourd’hui d’ailleurs, la surdité, l’autisme et la myopie des chinois sur les affaires internes et précisément politiques africaines dérangent ses rivaux occidentaux donneurs de leçons et leur valent les critiques acerbes. Elles font savoir qu’en tant que puissance, la Chine ne peut plus se taire face aux tares de gouvernance par exemple, qu’elle ne plus pas seulement restée, comme dans une camisole de force, cloitrée dans ses intérêts économiques. Dans tous les cas, conviction politique ou tactique diplomatique, Pékin est resté constant et inflexible dans le respect du principe de la souveraineté des Etats dans son déploiement international.

La redéfinition de la place de l’Afrique dans le concert des nations

Nous nous situons là dans l’approche géopolitique et géostratégique. En ce 21ème siècle, la présence chinoise en Afrique suscite un débat plus vif qui finit par révéler un malaise global. Les Européens, Américains, Japonais et les autres partenaires, voient le déploiement de l’Empire du Milieu comme une volonté de les évincer de l’Afrique. A partir de cet instant, le principal bénéficiaire c’est le berceau de l’humanité qui voit sa côte grimper et se voit offrir la possibilité de faire des choix sur la scène internationale. La quasi omniprésence chinoise aujourd’hui dans tous les secteurs de la vie africaine pose un véritable problème aux concurrents, qui sont donc obligés de revoir leurs différentes politiques de coopération.

Contester l’apport de la Politique Africaine de la Chine au continent noir relève de la malveillance. Sur le plan économique, social et politico-diplomatique, de nombreux succès ont été engrangés, plusieurs lauriers ont été gagnés. Cet éventail de réalisations alimente l’enthousiasme et l’espoir que l’Afrique nourrit dans sa relation avec la Chine. Le Président de Olusegun Obasanjo s’en faisait l’interprète lors du Dialogue « Compréhension et Coopération » tenu en Chine en 2013 :

La présence de la Chine en Afrique est la bienvenue. Nous respectons et apprécions nos vieux amis de l’Occident, mais nous aspirons aussi à nous faire de nouveaux amis de l’Orient et nous apprécions ce que la Chine a fait en Afrique dans les domaines du développement des infrastructures et l’amélioration des prix des matières premières naturelles[68].

Cependant, nous n’ignorons pas que cette relation charrie des imperfections qui contribuent à semer le doute sur la sincérité et la qualité du partenariat Chine-Afrique.

5. La Chine est une opportunité pour l’Afrique, une alternative

Plutôt que de concevoir la Chine comme un danger, il est davantage intéressant de la prendre comme une opportunité. Nous le disons sur la base de deux postures qui sont humainement et raisonnablement acceptables. Pour une première analyse, la traite négrière et la colonisation qui décimèrent le continent noir ont été l’œuvre occidentale. Aujourd’hui encore, on continue de parler d’un néocolonialisme asservissant et infantilisant pour les Etats africains.

Le partenaire chinois se présente donc, dans cette réalité des choses, comme la possibilité de changer une voie qui a fait si mal au berceau de l’humanité. Dans la seconde analyse, et au cas où les partenaires occidentaux ne seraient même pas crédités de ce passé et du bilan négatif en Afrique, il s’agit donc de concevoir que la multitude des partenaires ne peut et ne doit être vue comme un mal. C’est d’ailleurs l’occasion de tirer la sonnette d’alarme pour dire à l’Afrique d’être capable de tirer profit du statut de courtisé qui lui colle bien depuis peu.

En ce début du 21éme siècle en effet, l’Afrique fait  figure de courtisée sur la scène internationale. Comme si, soudainement, elles la découvraient toutes, les puissances européennes, américaines et asiatiques, tentent chacune à sa manière, de pousser ses pions sur le continent noir. Mais seulement, le statut de courtisé est très souvent difficile à exploiter, tant les offres affluent et les yeux doux encensent. C’est pourtant le moment pour l’Afrique de tirer profit de cette situation qui lui est avantageuse.

Et, elle ne peut le faire que d’une seule façon : rompre avec une attitude de suivisme, de passivité, d’attentisme, pour finalement poser ses problèmes clairement et d’une voix grave à ses partenaires. Compte tenu de l’attraction dont elle fait l’objet du fait de ses potentialités justement, elle ne pourra qu’être écoutée. Tenez par exemple, on connait des sommets Chine-Afrique, Etats-Unis-Afrique, Inde-Afrique, Japon-Afrique, France-Afrique, Brésil-Afrique et bien d’autres. On a toutefois la nette impression que, qu’ils se tiennent hors d’Afrique et quelque fois sur le continent, c’est du blanc-bonnet, bonnet-blanc.

C’est-à-dire, une Afrique plurielle et désunie, sans projet de développement clair, proposé aux partenaires. Comme résultat, on se contente de quelques rares accords signés. Cette démarche met en lumière l’épineux problème de l’unité africaine. Nous estimons qu’il faudrait aller à ces rencontres en rangs serrés, avec un agenda élaboré à l’avance. Au regret d’expérimenter cette unité africaine chère à Kwamé Nkrumah[69], les rencontres de l’Afrique avec les grands du monde à l’extérieur du continent doivent être précédées de concertations profondes pour harmoniser les voix.

Il serait par ailleurs bénéfique que les sommets avec les grandes puissances soient davantage organisés en Afrique, car un sommet dans lequel on est l’initiateur, n’est jamais comme celui dans lequel on est invité. C’est en réalité ce que soutient Vincent Ntuda Ebodé, lorsqu’il déclare, parlant du dernier sommet Etats-Unis-Afrique tenu à Washington :

Lorsque les américains vous invitent, ils vous invitent par rapport à leur agenda. Vous ne pouvez répondre que par rapport à ce qu’ils ont déjà hiérarchisé. Alors que si c’est l’Afrique qui invite, dans ce cas là, vos partenaires viennent pour répondre à votre propre agenda. Donc, tant que c’est nous qui allons, je ne crois pas que grand-chose va changer. Ceci veut dire que lorsqu’on veut parler en tant que continent, on peut inviter et discuter sur notre propre agenda, en établissant une sorte de priorisation des priorités qu’on a à un moment donné et dont on pense qu’on peut débattre avec les autres. En clair, le sommet, lorsqu’il est convoqué par la France, les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, c’est pour répondre aux préoccupations de celui qui l’a convoqué. Cela ne signifie pas qu’il n’est pas important, mais moins important pour les Africains que pour celui qui l’a convoqué. Dites vous quand même que celui qui convoque le sommet est celui qui finance le sommet. Ce sont des fonds dont il faut généralement justifier la sortie devant l’Assemblée. Cela veut dire que chaque fois qu’on convoque un sommet, il y’a un agenda caché qui peut devenir public, mais il faut comprendre qu’il y’a des enjeux pour celui qui convoque. Ces enjeux ne sont pas nécessairement dans l’ordre des intérêts de tous les pays conviés. Il est donc important que l’Afrique apprenne davantage à inviter par rapport à un chronogramme, par rapport à un document préalablement élaboré. Au Cameroun par exemple depuis quelques années, on a le DSCE. Donc on sait absolument ce qu’on veut. Quand vous invitez un pays, vous parlez de ce document, il vous dit ce qu’il est prêt à faire pour vous accompagner dans ce document. Mais quand on va à l’invitation de quelqu’un d’autre, ce n’est jamais de ce document qu’on va discuter[70].

Par ailleurs toujours dans ses relations avec l’extérieur, l’Afrique gagnerait à tirer profit des opportunités qui s’offrent à elle. Si nous prenons seulement le cas de la relation avec la Chine, il apparait que le continent n’exploite pas vraiment les potentialités du vaste marché chinois et même l’assouplissement ou l’exonération des tarifs  douaniers par le gouvernement chinois.

  • Un discours occidental dénué de fair-play

Le fair-play voudrait que lorsqu’on est devancé dans une concurrence, que l’on reste posé et digne dans ses revers. Les faits sont clairs, depuis la montée en puissance de la Chine en Afrique, l’influence occidentale s’est considérablement effritée. Le scepticisme occidental résultant se justifierait logiquement par l’érosion de ses intérêts économiques et stratégiques sur le continent noir et la dimension qu’a déjà prise la Chine ici. Ce tableau des accords signés par la France et la RPC avec le Cameroun entre 2004 et 2010, démontre cet avantage pris par l’Empire du Milieu ici en termes de parts de marché gagnés.

Tableau 2 : Accords de financement des projets au Cameroun par la France et la République Populaire de Chine entre 2004 et 2010.

Source : Institut National de la Statistique, Annuaire Statistique du Cameroun, 2012, pp. 431-434.

III. Quand la Chinafritude dément[71] davantage le Chinafricanisme occidental

Les relations diplomatiques entre la République Populaire de Chine et l’Afrique, débutent le 30 Mai 1956 par la signature d’un traité avec l’Egypte. Plus de soixante ans après, le bilan fait état de nombreuses réussites, de l’existence des points perfectibles, et surtout d’une identité : c’est la Chinafritude.

1. Définition d’un concept nouveau

La formulation du concept de Chinafritude apparaît comme l’un des résultats de nos travaux. Partant du fait qu’il existe bien des données, qui sont restées constantes et qui caractérisent la relation entre la RPC et l’Afrique, nous avons voulu parler de Chinafritude, comme le reflet de l’identité des rapports sino-africains. Sur le plan sémantique, la caution peut être donnée à la suite de l’étude préalable du suffixe itude en langue française. Elle nous apprend que ce suffixe sert à former des mots, féminins qui impliquent une attitude, ou encore qui mettent en exergue un état psychologique[72]. Nous pensons que la Politique Africaine de la Chine est restée constante dans ses pratiques, principes et objectifs. De même, les habitudes africaines dans le cadre de cette relation n’ont pas évolué. La Chinafritude que nous formulons stipule donc une permanence thématique des objectifs, du discours et des faits dans la Politique Africaine de la Chine.

2. Ses différents axes

Comme nous venons de le souligner, la Chinafritude se justifie dans des objectifs, un discours et des faits qui sont restés inchangés.

Les objectifs d’abord

Dans sa relation avec l’Afrique, nous savons que les objectifs de Pékin sont restés constants depuis 1949 : exister sur la scène internationale, assurer son progrès économique, faire face aux hégémonismes et être une puissance. De même, l’Afrique, depuis cette date est restée ambigüe en termes d’objectifs dans sa relation avec la RPC. Que veut-elle ? Qu’attend-elle vraiment de la relation ?  On a l’impression qu’elle menace de rester toujours cette éternelle assistée, prête à copier et subir tout ce qui vient d’ailleurs. Tout le monde aujourd’hui semble avoir une Politique pour l’Afrique[73] mais, l’Afrique n’en a vraiment pas, y compris pour elle même.

Le discours ensuite

Il y a bien un discours sino-africain dont la quintessence n’a pas vraiment dérogé à la ligne fixée depuis 1949 : celle d’une relation fraternelle. C’est ainsi que les thèmes de fraternité, d’amitié, de passé colonial commun, de respect mutuel, de gains réciproques ou encore de non immixtion à la vie politique de l’autre partenaire, sont restés utilisés de part et d’autre.

Dans les faits

La Chinafritude est enfin fondée sur des faits de la relation Chine-Afrique, lesquels ont dès le début, englobé les domaines politique, économique et social. Les faits de l’Empire du Milieu sur le berceau de l’humanité n’ont pas pris de rides et ont constamment tourné autour des points suivants :

  • sur le plan politique, il a Toujours 2T2 question pour les autorités de Pékin d’essayer d’exister sur la scène internationale avec un point d’honneur sur «la Politique de la Chine Unique». Par ailleurs, l’opposition à l’impérialisme et à l’hégémonisme occidentaux les a encouragés à établir et à maintenir des contacts permanents avec l’Afrique pour en faire un allié. La Chine se sert alors du rappel de l’appartenance au même groupe et du partage du passé semblable des deux espaces. Ce qui justifie le discours fraternel et amical constamment employé par les communistes rouges ;
  • sur le plan économique, la construction de l’Afrique post coloniale et le développement des échanges économiques et commerciaux sont demeurés l’élément essentiel dans le souci de rendre le continent le moins dépendant possible de l’Occident impérialiste. Ses diplomaties du portefeuille et du béton sont ainsi restées une constante pour les responsables de Zhongnanhai.
  • sur le plan socioculturel, de la Chine de Mao à celle de Xi aujourd’hui, il s’est agit d’ouvrir la Chine aux Africains, de participer à la formation de l’élite africaine, d’apporter un appui médical substantiel et également, de plus en plus, de trouver  un espace vital pour la nombreuse population chinoise.

Ainsi, le concept de Chinafritude que nous voulons rendre opérationnel tient de ce qu’il existe un esprit, une attitude dans la relation entre la République Populaire de Chine et l’Afrique. Un discours, des faits et des objectifs qui sont grandement restés inchangés.

CONCLUSION

En regardant l’arène internationale comme une jungle, il devient aisé de comprendre l’hostilité des puissances occidentales à l’égard du partenariat Chine-Afrique. Hostilité que traduit le discours occidental sur la Chine-Afrique et confortée par les limites de cette relation. L’érosion des intérêts occidentaux expliquerait la quintessence de ce discours réducteur, caricatural. L’Occident traine un lourd bilan négatif en Afrique qui renseigne à suffisance sur la duperie et la cruauté dont il a été l’auteur sur le continent. Il faut se tourner prudemment vers l’Asie où la Chine s’est imposée et de qui les Africains ont beaucoup à apprendre quant à son expérience sur la question du progrès économique et social. Nous pensons finalement que la Chine  vient aux Africains, sous la forme d’une très jeune et belle fille. Nous l’accueillons les bras ouverts, comme un jeune en manque. Nous savons que c’est une sirène, mais entre tous les autres monstres, c’est le meilleur choix de l’Afrique tant qu’elle l’aide à résoudre réellement ses problèmes, en la respectant.

NOTES

[1] Lesdites forces sont la Chine populaire elle-même, les Etats africains, les autres Etats partenaires du Sud et du Nord, les diverses entreprises et les individus.

[2] Qui qualifie les études scientifiques portant sur le continent africain et ses habitants.

[3] Mouvement littéraire et artistique né en Europe occidentale au XVIIIème siècle qui s’intéresse aux pays du Moyen-Orient et du Maghreb.

[4] L’Occident est un concept géopolitique qui s’appuie généralement sur l’idée d’une civilisation commune, héritière de la civilisation gréco-romaine. Son emploi sous-entend aussi une distance soit avec le reste du monde, soit avec une ou plusieurs autres zones d’influences du monde comme le monde arabe, le monde chinois ou même la sphère d’influence russe. Du point de vue spatial, l’Occident englobe l’Europe de l’Ouest, l’Amérique du Nord, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

[5] La Chine au Présent, «50 ans de relations sino-françaises. Coopération pragmatique et bénéfices mutuels », 52 ème année, no1, Janvier 2014, p.4.

[6] Le premier disait par exemple que, « quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera », et le second ajoutait que, «  le fait chinois est là. C’est un pays énorme. Son avenir est à la dimension de ses moyens. Le temps qu’il mettra à les développer, nous ne le connaissons pas. Ce qui est sûr, c’est qu’un jour ou l’autre, la Chine sera une grande réalité politique, économique et même militaire ».

[7] Richard Nixon, Leaders : ceux qui ont changé le monde, Paris, Plon, 1983.

[8] La Chine au Présent, «  50 ans de relations sino-françaises. Coopération pragmatique et bénéfices mutuels », 52 ème année, no1, Janvier 2014, p.10.

[9] Eric Laurent, « La Chine à l’assaut de l’Afrique », 2008.

[10] Jean-Christophe Servant, « La Chine à l’assaut du marché africain », Le Monde diplomatique, 2005.

[11] Valérie Niquet, « la stratégie africaine de la Chine », Politique étrangère, 2é trimestre 2006.

[12] Ibid., p.1.

[13] Les modalités de cette responsabilités sont à clarifier et bien sûr soumises à discussion.

[14] François Lafargue, « La Chine, une puissance africaine », Perspectives chinoises [En ligne], 2005, mis en ligne le 09 octobre 2006, consulté le 28 avril 2014, URL : http://perspectiveschinoises.revues.org/900.

[15] Le Forum Of China-Africa Cooperation (FOCAC) est l’institution qui consacre le multilatéralisme dans la Politique Africaine de la Chine. C’est une plate-forme de consultations et de dialogues collectifs entre la Chine et les pays africains instituée en l’an 2000. Statutairement, le FOCAC se tient tout les trois ans.

[16] Serge Michel, Michel Beuret, Paolo Woods, la Chinafrique, Pékin à la conquête du continent noir, Paris, éd. Grasset et Fasquelle, 2008.

[17] Jeune Afrique Economie, « Sommet Etats-Unis-Afrique », Hors série, no 22, 2014, p.28.

[18] Marie Bal et Laura Valentin, « La stratégie de puissance de la Chine en Afrique », Mémoire de Master spécialisé en Marketing Management, ESSEC, 2008.

[19] David Houstin, « La Chine et le néocolonialisme en Afrique »,  Juin 2001, document trouvé dans http://chine.in/actualité/afrique-chine-une-longue-histoire 5464 html, consulté le 21 Juin 2013 à 22h15.

[20] L’idée de centralité dans la pensée chinoise pourrait contribuer au constat occidental de l’existence d’un impérialisme chinois.

[21] Dans un travail chronologique, Vincent Gourdon, chercheur au CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), débute par indiquer la prise de Constantinople en 1453 par les troupes de Mehmed II. La ville devenait la capitale de l’Empire ottoman sous le nom d’Istanbul. Ils s’en suivent alors des victoires hégémoniques de référence : la soumission du califat abbasside du Caire en 1517, la victoire ottomane à Mohács contre les hongrois en 1526, la prise d’Alger en 1533 ou encore celle de Bagdad en 1534

[22] Kautilya, ministre brahmane du roi Chandragupta (321-297 av. J.C.) est le théoricien de l’ethnocentrisme indien dont le grand texte est l’Arthashastra. Il y paraît, dans son chapitre VI, la conception géopolitique du « cercle des rois ». Ce théorème de Kautilya est en fait une théorie du système international mondial, d’origine indienne, selon laquelle les Etats sont divisés en cercles concentriques et leurs relations mutuelles dépendent à la fois, de leur proximité géographique et de leurs forces.

[23] Marcel Granet, La pensée chinoise, Paris, Albin Michel, 1968, pp. 23-26.

[24] Gérard Dussouy, Les Théories géopolitiques, traité de Relations Internationales, Tome I, Paris, Pouvoirs Comparés, l’Harmattan, 2006, p.272.

[25]  Entretien réalisé auprès des étudiants et enseignants du département des affaires publiques au Zhejiang University, Pékin, Novembre 2016.

[26] Laurent Maurawiec, L’Esprit des Nations. Cultures et géopolitique, Paris, Odile Jacob, 2002, p.35.

[27] Il s’agit des deux principes fondamentaux de la philosophie chinoise. Ils illustrent la dualité de tout ce qui existe, reflétant un mouvement constant suivant lequel chacune des forces se transforme progressivement en l’autre. La couleur noir (Yin) représente par exemple le féminin, l’obscurité, la faiblesse et l’immobilité ; tandis que la couleur blanche (Yang) représente le masculin, la lumière, la création, la logique ou encore le mouvement. Les deux points dans le Yin et le Yang nous rappellent que dans l’Univers comme dans la vie, rien n’est absolu. Rien n’est tout blanc, rien n’est tout noir.

[28]  Consulté le 15 mai 2015.

[29] – Les chinois ont fait le constat que l’être humain se situe entre 2 pôles que sont la Terre sous nos pieds et le Ciel au-dessus de nos têtes et que ces 2 pôles possèdent des caractéristiques profondément et radicalement différentes. La Terre est lourde, pondérable, mesurable, quantifiable par exemple. Le Ciel lui, est non mesurable, non quantifiable, non pondérable, léger, subtil, aérien. Ils ont alors décidé de nommer Yang tout ce qui était en rapport avec les caractéristiques du ciel, et Yin tout ce qui est en rapport avec les caractéristiques de la Terre.

– Ils ont également observé que l’être humain était en résonnance avec cela et qu’il comportait également ces 2 dimensions, à savoir la dimension Yin pondérable et quantifiable associée au corps et la dimension Yang non pondérable, non quantifiable a été associée à l’esprit.

– Les chinois ont également constaté que lorsque la Terre était en harmonie, cela donnait le beau temps. Lorsque le ciel et la terre était en disharmonie cela donnait le mauvais temps. A l’identique, on allait pouvoir en déduire que lorsque le yin et le yang étaient en équilibre cela donnait l’état d’harmonie, l’état d’équilibre, ce que l’on va appeler chez l’être humain l’état de santé et que lorsque le yin et le yang étaient en disharmonie, en déséquilibre, cela donnait cet état de déséquilibre qui dans le corps humain ou dans l’esprit humain va donner la maladie.

[30] L’intérêt ici est surtout la lutte contre l’impérialisme et l’hégémonisme ; et la volonté de s’enraciner dans le tiers-monde.

[31] Il s’agit principalement de la promotion de la politique de la Chine Unique.

[32] La construction ou l’entretien de la puissance chinoise a besoin des débouchés et des matières premières.

[33] Le vrai débat, à notre sens, est celui qui interpellerait l’Afrique sur ses intérêts à elle dans cette relation et la façon dont elle manage le partenariat avec la Chine pour ne pas justement, se faire avoir dans ce rapport de forces. On pourrait ainsi se questionner sur la qualité des accords de coopération signés et sur le respect des clauses sur le terrain dans le but d’éviter des transgressions possibles. Voilà ce qui semble plus utile à notre avis, au lieu d’épiloguer sur le fait que la RPC ait des intérêts ou pas. C’est en soi une évidence.

[34] Ces principes sont énoncés pour la première fois sous cette forme dans l’accord sino-indien sur le Tibet conclu le 29 avril 1954. Ils ont été repris ensuite dans le communiqué publié le 28 Juin 1954, à l’issue de la visite en Inde du Premier Ministre et Ministre des Affaires étrangères Chou Enlai. Les deux signataires de ce communiqué, Nehru et Enlai, répandront cette manière de concevoir les relations internationales à l’occasion de la rencontre de Bandung. Il faut aussi remarquer, en ce qui concerne le principe de la coexistence pacifique, qu’elle tirerait son origine dans la Nouvelle politique économique de Lénine formulée en 1921. Dans ce programme, le leader soviétique avait en fait exprimé le désir de nouer des relations pacifiques avec les Etats non socialistes.

[35] Les documents d’archives de l’annuaire français du droit international nous ont fournis assez de documents pour soutenir ce point de vue.

[36] Mauss, Essai sur le don, Paris, PUF, 1925.

Maurice Godelier, L’Enigme du don, Paris, Flammarion, Champs, 2002.  Le premier est le devancier du second. Des deux travaux, nous retenons que les dons ne sont pas vraiment désintéressés. Les choses données ont un esprit qui les pousse à revenir entre les mains du donateur originaire.

[37] Moussu, « Chronologie des faits internationaux », volume 12, p.950.

[38] Ibid.

[39] Parmi ces garanties, on peut citer: le respect des Droits de l’Homme, de la démocratie, un cadre macroéconomique assez sain.

[40] Moussu, ‘’Chronologie des faits internationaux’’, volume 10, p.987.

[41] Ibid, p.994.

[42] Ibid.

[43] Moussu, ‘’Chronologie des faits internationaux ‘’,  volume 11, p.1050.

[44] Ibid., p.1073.

[45] Moussu, ‘’Chronologie des faits internationaux ‘’, volume 14, p.930.

[46] Françoise Moussu, ‘’Chronologie des faits internationaux d’ordre juridique’’, Annuaire français du droit international, volume 19, 1973, p.1093.

[47] Laurent Klein et Brigitte Klein, ‘’Chronologie des faits internationaux d’ordre juridique’’, Annuaire français du droit international, volume 21, 1975, p.1024.

[48] Laurent Klein et Brigitte Klein, ‘’Chronologie des faits internationaux d’ordre juridique’’, Annuaire français du droit international, volume 22, 1976, p.1028.

[49] Ibid. p.1034.

[50] Laurent Klein, ‘’Chronologie des faits internationaux d’ordre juridique’’, Annuaire français du droit international, volume 23, 1977, p.1103.

[51] Pour plus de détails, nous vous conseillons notre thèse de doctorat PhD en voie de soutenance. Elle s’intitule « La Politique Africaine de la Chine de 1957 à 2012 ou la permanence d’un projet anti-impérialiste ».

[52] Chaponnière, Gabas et Qi, ‘’Les investissements agricoles de la Chine’’, 2011.

[53]  –  pendant les décennies 1960 et 1970, la Chine aide à la construction d’un grand nombre de fermes pour la culture du riz et des plantations de cannes à sucre en Afrique. C’est le cas des fermes de Mbarali et de Tuvu en Tanzanie, de Fano en Somalie ou encore de Bean Mpoli en Mauritanie. Ces aides étaient gérées par les experts chinois.

–   au courant de la décennie 1980, les projets agricoles évoluent en joint-ventures dans le contexte d’une stratégie d’internationalisation. L’approche chinoise évoluait ainsi d’un modèle étatique à un modèle d’entreprises soutenues par le gouvernement. Plusieurs fermes sont construites selon ce paradigme. En Zambie par exemple, nous pouvons citer les fermes de Sino-Zambia Friendship ou encore celle de Xiyangyang.

–  la troisième période commence en 2000 avec la création du FOCAC. Multipliant les programmes de coopération Sud-Sud, la Chine s’est engagée dans des mécanismes multilatéraux. Les projets d’aide agricole sont dès lors établis sous forme de construction de fermes, de stations expérimentales, de centres de démonstration technologique et d’envoi d’experts agricoles.

[54]  Li Yuan, « Les ONG au service des relations sino-africaines », La Chine au présent, 51éme année, no12, Décembre 2013, pp.40-43.

[55] La mise en valeur, l’exploitation des espaces, aussi bien par l’Etat chinois que par les individus jusque dans les campagnes africaines

[56] C’est le cas de l’élevage d’autruche au Cameroun, prévu par l’accord du 13 Janvier 2006, entre le gouvernement de la République du Cameroun et la société Integrate-Industry-Commerce Corporation of Shaanxi Land Reclamation and States Farms.

[57] Le machinisme agricole est un élément sensible de la Politique Agricole de la Chine en Afrique. Le pays a ainsi établi des relations bilatérales avec certaines institutions en charge de ces questions sur le continent. C’est le cas du CENEEMA (Centre National d’Etude et d’Expérimentation du Machinisme Agricole).

[58] Le caractère nocif de cette activité commerciale chinoise en Afrique se situe sur les traits d’illégalité dans laquelle elle baigne souvent, la qualité de ses produits, la concurrence imposée aux installations locales et le mauvais traitement des aides-vendeurs camerounais dans les épiceries chinoises.

[59] Ils ont accueilli d’autres cérémonies. En ce qui concerne les stades de football et les palais de sport par exemple, les cérémonies religieuses, politiques et sociales en termes de divertissement s’y tiennent également allégrement au delà des compétitions sportives.

[60] Il s’agit particulièrement des canaux pour les conduites d’eau, des espaces verts de repos.

[61]  C’est le cas du monument Amilcar Cabral en Guinée Bissau.

[62] François Wassouni, « La présence Chinoise au Cameroun et son influence sur les pratiques de santé », Revue Sociologie, Anthropologie, Psychologie, Presses Universitaires de Dakar, n° 02, 2010, p. 95-116.

[63] Amady Aly Dieng, Mémoire d’un Etudiant africain, de l’Université de Paris à mon retour au Sénégal (1960-1967), volume II, Dakar, CODESRIA 2011.

[64] Jean Kingué Mbang Bang, « L’Algérie et le Cameroun dans les guerres de libération nationale de 1954 à 1971 : circulation des hommes, des idées et soutiens logistiques », thèse de doctorat/Ph.D en Histoire des Relations internationales, UYI, août 2014, p.347.

[65] Nous l’affirmons, au regard des discours chinois dont nous avons eu copies.

[66] C’est la première visite ministérielle de la République Populaire de Chine au Cameroun après des relations diplomatiques entre les deux pays.

[67] A/MINREX/C/, rapport no097/DIPL/1 sur la visite de Monsieur Fang Yi, Ministre des Relations Economiques Extérieures de la République Populaire de Chine, signé Vincent Efon, Yaoundé, le 04 Novembre 1972.

[68] Olusegun Obasanjo, « Le rêve chinois : que signifie-t-il pour l’Afrique », extrait de son allocution prononcée lors du Dialogue 2013 « Compréhension et coopération », La Chine au présent, 51éme année, no10, Octobre 2013, p.36.

[69] On se souvient de cette phrase prophétique de Kwamé Nkrumah en Mai 1963 à Addis-Abeba : l’Afrique doit s’unir si elle ne veut pas périr.

[70] Vincent Ntuda Ebodé, Enseignant, Université de Yaoundé II, « Amphithéâtre », émission radiodiffusée sur la CRTV, le 02 février 2014, 09h20.

[71] Ce démenti repose sur le fait que la Chinafritude veut ressortir une identité de la relation Chine-Afrique, laquelle ne peut, par exemple, pas valider la conception de l’impérialisme chinois en Afrique ou encore l’idée d’une nouvelle politique africaine de la Chine en l’an 2000. Car en réalité, le maoïsme qui continue d’éclairer les autorités de la RPC, est anti-impérialisme. Par ailleurs, les objectifs et pratiques de cette coopération sont restés inchangés d’où la difficulté de concevoir la naissance en l’an 2000, d’une autre politique africaine de la Chine.

[72] Ce suffixe itude permet aussi de designer l’appartenance à un groupe social. Ceci n’est pas également sans importance dans notre projet conceptuel.

[73] L’actualité et l’observation de la scène internationale nous renseignent assez sur les Politiques africaines du Japon, de la Turquie, de la Russie, de l’Arabie Saoudite et même du Brésil.

 

Dr. Fabrice ONANA NTSA  – Historien, spécialiste des questions Chine-Afrique

Fabrice ONANA NTSA s’intéresse aux questions Chine-Afrique depuis ses travaux de master en  2012.  Il  a soutenu sa thèse de doctorat phD en histoire le 26 juin 2020 à l’Université de Yaoundé I, sur la constance de la politique africaine de la Chine. Pour lui, la chine n’est véritablement pas ce monstre que veut présenter l’occident et ses relais à travers le monde. Lauréat de la 55éme promotion de l’Ecole normale supérieure de Yaoundé, cet enseignant d’histoire, originaire du centre Cameroun, est auteur d’un livre et de nombreux articles. Email:    [email protected].

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