mercredi, avril 24

Le dernier empereur de la dynastie Qing : l’empereur Puyi

De notre stagiaire Florian Roddier – De son nom de naissance Aisin Giroro Puyi, celui qui fut le dernier empereur chinois, s’est éteint le 17 octobre 1967 à Beijing. Douzième et dernier empereur de la dynastie Qing (1644-1912), son destin fut pour le moins inhabituel.

Puyi, lorsqu’il était Empereur du Mandchoukouo.

Né à Pékin le 7 février 1906, il fut nommé héritier du trône impérial par sa tante, l’impératrice Cixi (慈禧), le 13 novembre 1908, faisant de lui, le successeur de l’empereur Guangxu, à l’âge de seulement 2 ans et 10 mois, le 2 décembre 1908. Troisième empereur nommé par l’impératrice, détentrice de manière informelle du trône depuis 1861, il sera proclamé, pendant ses soixante et une années de vie, trois fois empereur. Cet aspect dresse déjà le destin inhabituel d’un homme, d’autant plus que celui-ci va être propulsé au plus haut sommet de l’Empire chinois, dans un contexte particulièrement troublé.

En ce début du XXème siècle, la Chine et son pouvoir impérial, installés au cœur de la Cité Interdite à Pékin, vacillent entre courant réformateur et courant conservateur. Cette dure opposition sera l’apanage des premières années de vie et de règne du dernier empereur chinois, d’autant plus que la Chine est exsangue.

La guerre sino-japonaise de 1894 a en effet entrainé une désagrégation politique, économique et sociale du monde chinois, à la suite de traités inégaux déjà particulièrement lourds à supporter pour l’empire. Les ambitions territoriales du Japon ont donné des idées aux puissances occidentales qui ont elles-mêmes procédés à des annexions du territoire chinois, se partageant ainsi cet espace en « sphère d’influence ».

Ces conquêtes eurent de graves conséquences économiques pour la Chine, l’invasion de capitaux étrangers, la gestion d’usines, de manufactures et de mines par des compagnies occidentales ou japonaises ne permettant pas le renflouement des caisses déjà vide de l’empire. S’ajoutent à cela des indemnités de guerre, imposées à la Chine en 1895 et 1901.

Ces difficultés économiques creusent le fossé entre espace urbain et espace rural, les centres industrialisés situés sur les côtes (Shanghai, Tianjin, Qingdao, Wuhan, Hong-Kong…) s’opposant à l’immense arrière-pays, où la situation ne cesse de se détériorer pour les populations.

La colère gronde au sein de la population chinoise, du fait d’une aggravation de la misère dans les campagnes chinoises, d’un chômage galopant et d’une hostilité à l’égard des étrangers de plus en plus grandissante. La révolte des Boxers, qui est née sur la base d’une société secrète, installée dans le Shandong, connue sous le nom de « Poings de la justice et de la concorde », en fut un des exemples les plus concrets. Notamment soutenus dans un premier temps par l’empire des Qing, ces insurgés furent battus, et cette défaite eut pour conséquence un nouvel assujettissement de la Chine aux puissances étrangères.

Même si l’Ancien Régime impérial était condamné par cet effondrement économique et par cette pénétration de plus en plus visible des puissances étrangères au sein du territoire chinois, l’opposition à toute vague de réformes entretenue par l’impératrice douairière Cixi, et la nomination en elle-même de Puyi (溥仪) au trône impérial en 1908, ne sont que les marques d’une nostalgie entretenue par l’impératrice vis-à-vis de la grandeur impériale chinoise d’antan.

Certes, une vague de réformes s’inspirant des « Cent jours de réformes », durement réprimés en 1898, fut initiée, mais c’est bien dans une cour partagée entre mouvement conservateur et mouvement réformateur que Puyi est propulsé au pouvoir. D’autant plus, qu’au-delà de graves dysfonctionnements socio-économiques et politiques, s’ajoute une véritable déségrégation de l’ordre établit en Chine.

Le général Yuan Shikai (袁世凯), prend par exemple de plus en plus de place dans l’ordonnancement politico-militaire en Chine du Nord, et l’on peut observer le développement de plus en plus croissant de courants antimonarchistes et anti-mandchous en Chine et ailleurs. Alors, quand le 15 novembre 1908, au surlendemain de la nomination de Puyi, en tant que nouvel empereur de Chine, (son père Zaifeng assurant la régence) l’impératrice Cixi décède, la mainmise de la cour impériale sur la Chine, déjà fragilisée, apparaît comme compromise.

Dans ce cadre, la Cité interdite va progressivement refermer ses portes sur ses occupants, alors que les vagues de révoltes se poursuivent à travers le pays (mouvements insurrectionnels du Guangdong et du Guangxi entre 1905 et 1911) et où le pouvoir impérial n’a plus réellement d’emprise sur ce qu’il se passe dans son immense territoire. Le jeune Puyi n’échappe pas à cette règle, aspect d’autant plus conforté par son jeune âge, ce qui permis au général Yuan Shikai de le pousser à abdiquer le 12 février 1912.

La république de Chine étant proclamée le 1er janvier 1912, l’empereur a néanmoins conservé son statut privilégié, notamment son titre, son droit de résider dans la Cité Interdite et sa pension annuelle de quatre millions de taels. Malgré la restauration mandchoue de 1917, faisant de Puyi une nouvelle fois l’empereur de Chine pour une durée de 12 jours, à l’initiative d’un général conservateur, le général Zhang Xun, la page de la monarchie demeurera véritablement tournée.

D’autant plus, que la présentation, le 3 mars 1919, du nouveau précepteur de l’empereur, l’écossais Reginald Johnston, aura pour conséquence d’orienter le regard de Puyi sur l’étude des civilisations occidentales. Il recevra une éducation occidentale, apprenant l’anglais à l’âge de 13 ans, ce faisant dorénavant prénommer Henry. L’année 1924 s’imposera comme la fin des années chinoises pour Puyi, du moins pour un temps, les huit «Articles veillant au traitement favorable de l’Empereur après son abdication» étant annulés poussant à son expulsion hors des murs de la Cité interdite.

Par la suite, il vivra dans la conception japonaise de Tianjin dès 1925, puis au Japon à partir de 1928, avant d’être une nouvelle et dernière fois proclamé empereur, empereur du Mandchoukouo de 1934 à 1945 au nord-est de la Chine. La Chine sera quant à elle, au lendemain du départ définitif de Puyi de Chine, plongée dans ce que l’on prénomme la « décennie de Nankin » (1927-1937).

Cette troisième proclamation en tant qu’empereur aura d’ailleurs permis à Puyi d’exercer pleinement son statut, car il est communément admis que son statut de dernier empereur de la dynastie Qing, n’était que purement symbolique. L’historiographie, qu’elle soit d’ailleurs occidentale ou chinoise, dessine une image majoritairement négative de cet individu, perçu, du moins à l’époque, dans l’imaginaire collectif chinois, comme étant à la solde des japonais.

Après avoir été successivement empereur, prisonnier des soviétiques et du Parti Communiste Chinois, puis réhabilité en tant que jardinier au Jardin botanique de Pékin, puis bibliothécaire au sein de la Conférence consultative du peuple chinois, il s’éteindra à l’âge de 61 ans, là ou sa vie a commencé, à Pékin. Ses cendres seront transportées en 1995 près de son prédécesseur, l’empereur Guangxu, dans un ensemble de tombes de la dynastie Qing, au sud-ouest de Pékin.

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