samedi, avril 20

Le soft-power de la Chine en Europe en pleine tourmente

Le rapport d’avril 2021 du European Think-tank Network on China, intitulé «China’s Soft Power in Europe: Falling on Hard Times» montre que «le soft power chinois en Europe – défini comme la capacité d’influencer les préférences par l’attraction ou la persuasion – est en déclin».

Ce rapport, qui rassemble des experts de 17 pays, «est le fruit d’une collaboration entre les 20 instituts de recherche qui composent l’ETNC (European Think-tank Network on China), dont l’Ifri* est membre fondateur».

«Le développement du soft power est un pilier de la politique étrangère chinoise depuis 2007 et reste un objectif affirmé de la stratégie politique de la Chine à l’horizon 2035», ont expliqué les experts.

Raison pour laquelle, le rapport identifie trois approches majeures que la Chine a adoptées pour développer son soft-power en Europe :

  • Promouvoir la langue et la culture chinoises, via notamment les Instituts Confucius
  • Façonner l’image de la Chine à travers les médias
  • Mettre en avant les prouesses économiques de la Chine

Au cours de l’année 2020, «la Chine s’est montrée plus affirmée dans ses tentatives de façonner son image, diversifiant ses modes d’action notamment dans sa communication politique, y compris au travers de l’utilisation systématique des réseaux sociaux».

Concernant l’économie chinoise, «il est parfois difficile de faire la distinction entre l’attrait de la coopération économique et la pression de la coercition économique. Si refuser l’accès au marché chinois aux entreprises et produits européens constitue depuis longtemps une pratique courante de la diplomatie chinoise, le développement et la formalisation de mécanismes de sanction, avec par exemple les « listes d’entités non fiables » et la loi sur le contrôle des exportations, sont la source de préoccupations croissantes. En d’autres termes, l’accès au marché, les opportunités de commerce et d’investissement pèsent certes lourd dans l’attrait que la Chine exerce en Europe, mais ils sont aussi des agents majeurs de son pouvoir coercitif», précise le texte de présentation du rapport sur le site de l’IFRI.

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Les experts ont démontré différents modes de projection du soft-power de la Chine à travers le continent européen, via quatre groupes parmi les pays analysés dans le rapport :

  • En Autriche, Hongrie, Pologne, Portugal et Slovaquie, la Chine ne semble pas être encline à promouvoir activement son soft-power, en raison notamment du peu d’intérêt démontré par le public de ces pays vis-à-vis de celle-ci.
  • En Italie et en Grèce, l’approche de la Chine vise à limiter la tendance à la détérioration de son image et à contenir les dommages.
  • En Allemagne, en Lettonie, aux Pays-Bas, en Roumanie, en Espagne et au Royaume-Uni, la perception de la Chine est clairement en train de se détériorer, et la Chine fait face à une méfiance croissante.
  • En République tchèque, au Danemark, en France et en Suède, le soft-power de la Chine est manifestement en chute libre.

Les institutions européennes tendent vers une «vigilance accrue vis-à-vis des risques posés par les ambitions géopolitiques croissantes de la Chine».

Les experts ont montré qu’il existe plusieurs facteurs à l’origine de ces tendances : allant des conséquences du Covid-19 aux récents développements de la situation politique au Xinjiang et à Hong Kong, en passant par l’impact de la rivalité croissante entre la Chine et les Etats-Unis.

«Ces éléments semblent aujourd’hui influencer plus fortement les perceptions et les attitudes européennes envers la Chine que les sources traditionnelles de son soft-power», selon les analystes.

Face à la dégradation de son image, la communication publique officielle de la Chine en Europe «est devenue plus proactive, voire agressive, s’accompagnant notamment de l’imposition de sanctions».

Le rapport explique que «ces nouvelles méthodes, bien que déployées différemment selon les pays, et destinées en partie à l’opinion publique chinoise, témoignent de l’objectif de Pékin d’accroître son influence en Europe. Ces méthodes visent vraisemblablement à prévenir et contrer les critiques plutôt qu’à susciter la sympathie. Il convient alors de s’interroger : la Chine est-elle désormais moins intéressée par le renforcement de son pouvoir d’attraction que par l’exercice de la coercition?»

Concernant la France, John Seaman et Marc Julienne de l’Ifri se concentrent sur le cas de la France expliquent que «la Chine a cherché à renforcer son attractivité et son soft-power dans le pays au fil des années, par le biais d’un certain nombre de canaux : l’approfondissement des liens linguistiques et culturels, le développement de sa présence dans les médias français et de son réseau de relations auprès des élites, la mise en avant des facteurs d’attraction de son économie et, plus récemment, l’élaboration d’un discours politique faisant écho au mécontentement croissant à l’égard des États-Unis».

«Malgré ces efforts, le soft-power de la Chine en France est en net déclin, notamment dans un contexte où l’agressivité de sa diplomatie publique durant la crise du COVID-19 a suscité une attention plus large sur des sujets tels que les droits de l’Homme, le Xinjiang, ou encore Hong Kong. Ce phénomène a été mis en lumière par de nouvelles données sur l’opinion publique», analysées par ailleurs pour l’IFRI par Marc Julienne.

En dépit des critiques, «la Chine ne semble plus miser sur le soft-power dans son approche spécifique à la France. Et bien que l’élite politique française ait été lente à réagir à la détérioration de l’opinion publique vis-à-vis de Pékin, des changements se profilent».

*Institut français des relations internationales (IFRI)

Télécharger le rapport, uniquement en anglais 

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