jeudi, mars 28

L’économie chinoise inquiète les marchés

Les cours des matières premières continuent leur chute depuis ce lundi 24 août, plombés par les inquiétudes sur l’économie chinoise, grande consommatrice de ces matériaux industriels. S’ajoute, la diminution des marchés d’actions, qui fait souffler un vent de panique chez les investisseurs.

La seconde économie mondiale et première consommatrice de métaux industriels, a vu la Bourse de Shanghai plonger de 8,49%, ce lundi 24 août. Pour Daniel Ang, analyste chez Phillip Futures à Singapour, cette dégringolade « s’explique par le pessimisme envers la Chine, dont les marchés d’actions sont en déroute ».  Ce mardi, la déroute a continué, les places de Shanghaï (– 7, 63 %) et de Tokyo (– 4 %) étaient toujours en pleine tempête.

Revue de presse consacrée à la dégringolade de la Bourse de Shanghai

Des chiffres moroses

Ces chiffres laissent présager par les investisseurs une diminution de la demande de matières premières, en parallèle d’un ralentissement de l’activité industrielle chinoise. D’autant que le prix du pétrole est passé sous la barre des 40 dollars le baril de « light sweet crude » (WTI), vendredi 22 août à New-York. Il s’agit là de son plus bas niveau depuis six ans et demi.

Les autres matières premières indispensables à l’activité industrielle, comme le cuivre ou l’aluminium, ont également atteint leurs niveaux les plus bas. Le cuivre est passé sous les 5.000 dollars la tonne vendredi 22 août, pour la première fois depuis la crise financière de 2009. Et l’aluminium est lui tombé ce lundi 24 août à son niveau le plus bas en six ans.

Globalement, l’indice Bloomberg Commodity Index, qui répertorie 22 matières brutes, a atteint lundi 24 août, son plus bas niveau depuis août 1999. A l’inverse, l’or, valeur refuge en temps de crise, s’est élevé, atteignant son plus haut niveau depuis début juillet. Dans un tel contexte, les analystes n’envisagent pas une fin de la rechute débutée au début du mois de juillet.

« L’été n’a pas été bon! », a reconnu Bart Melek, de TD Securities, à l’AFP. D’après ce dernier, le marché pétrolier « est frappé de deux côtés. Sur le front de la demande, les Bourses s’effondrent en Asie, et on s’inquiète de voir l’économie chinoise réaliser de biens pires performances que ce que beaucoup de gens attendaient. »

De fait, le plongeon de la Bourse de Shanghai a accentué l’affolement du marché, mais surtout il pèse lourdement sur l’économie chinoises, en dépit des efforts faits par les autorités pour rassurer les investisseurs. Pour Alastair McCaig, analyste chez IG, « il est de moins en moins probable que la Chine atteigne sa cible de 7% de croissance. »

Une Chine robuste malgré les spéculations

Les investisseurs commencent à craindre que la faiblesse de l’économie chinoise puisse entraîner toute l’économie mondiale. En effet, entre mi-juin et fin juillet, la Bourse de Shanghai avait déjà perdu près de 30% de sa valeur. Cette situation avait poussé Beijing a réagir vite, en dévaluant à trois reprises le yuan pour relancer la dynamique.

Mais ces mesures ont été interprétées par les investisseurs comme un signe de fébrilité. « La Banque centrale chinoise a spectaculairement échoué à stimuler son économie, toute la reprise européenne est basée sur un euro faible (une politique) qui a été sapée par la dévaluation du yuan et les États-Unis vivent actuellement la reprise la plus lente de leur histoire, malgré d’énormes aides », a expliqué Jasper Lawler, analyste chez CMC Markets, à l’AFP.

Suite à ces mesures, un vent de panique a soufflé ce lundi 24 sur toutes les places européennes : Paris perdait 2,90% à la mi-journée, Francfort 2,72%, Londres 2,54%, Madrid 2,52% et Milan 2,72%.

A contrario de l’inquiétude ambiante, des analystes ont estimé que le cours des matières premières allaient se reprendre, car les fondamentaux économiques sont plutôt positifs. « Les investisseurs doutent de la solidité de la croissance chinoise, mais les fondamentaux américains et européens restent sains », a expliqué Philippe Waechter, chef économiste chez Natixis AM.

Pour les analystes de Commerzbank, « les chiffres de la demande en juillet pour les matériaux de base sont robustes (…), la demande de cuivre raffiné a augmenté de 2% sur un mois et de 6% sur un an« .

Ces derniers ont également indiqué que « les autres chiffres montrent que la demande est plus forte que l’offre. Pour nous, c’est vraiment la spéculation qui est à l’origine de la chute des cours, ainsi que les mesures imposées par le gouvernement chinois » pour réguler le marché. Raison pour lesquelles, ils ne voient « aucune justification dans les fondamentaux (du marché) à cette baisse des prix et en conséquence, nous nous attendons à ce que les prix repartent à la hausse dans le cours de l’année ».  

La croissance chinoise tirée vers le bas

Pour certains économistes, Beijing ne parviendra pas atteindre 7% de croissance, seuil établi par les autorités pour permettre de créer des emplois et éviter toute tension sociale. Pour He Fan, économiste d’un cabinet du groupe Caixin, « l’économie peine à trouver un plancher (à partir duquel rebondir). Il y a toujours des pressions sur le rythme de croissance ».

Croisance Chine 2012 2016 Libération 25082014Vendredi 21 août, les autorités chinoises ont annoncé une contraction marquée de l’activité manufacturière, qui s’avère être la plus forte depuis 2009. L’indice PMI (indicateur composite de l’activité manufacturière) des directeurs d’achat pour la Chine s’est établi à 47,1 en août, contre 47,8 en juillet, selon le groupe de presse Caixin, citant la firme Markit.

Il s’agit là de son niveau le plus bas depuis presque mars 2009, mais le chiffre définitif pour août sera publié le 1er septembre. Avec un indice de 47,1, la Chine voit son activité se contracter quelques semaines après l’annonce d’une baisse des exportations. Ces dernières se sont effondrées de plus de 8% sur un an en juillet, tandis que la production industrielle enregistrait un très fort ralentissement.

Julian Evans-Pritchard, analyste du cabinet Capital Economics a expliqué à Le Monde que ce chiffre d’août pouvait s’expliquer par l’impact des explosions survenues le 12 août dans le port de Tianjin.

La situation sur le site paralyse une partie des activités portuaires de la ville, et les autorités ont mis à l’arrêt de nombreuses usines à Beijing et ses environs, afin de garantir un ciel bleu sans pollution durant les Championnats mondiaux d’athlétisme. C’est sans oublier la vaste parade militaire et ses perturbations programmées début septembre qui peuvent également peser sur le PMI.

Des mesures d’urgence doivent être instaurées

« Les risques à la baisse pour la croissance à court terme sont sans doute exagérés« , a estimé Julian Evans-Pritchard, ajoutant que le gouvernement avait « de larges munitions à sa disposition » pour soutenir l’économie.

Tous s’accordent à dire que le gouvernement doit adopter des mesures d’urgence de relance. Interrogé, le 10 août par Le Figaro, Jean-François Di Meglio, président d’Asia Centre, explique que « si Pékin veut atteindre son objectif, les Chinois vont devoir consommer davantage« .

Même vision pour l’économiste He Fan, qui assure que « si Pékin veut atteindre son objectif d’une croissance de 7% sur l’année, il faudra poursuivre les ajustements monétaires et budgétaires, et accélérer les réformes structurelles« .

La banque centrale chinoise (PBOC) avait abaissant ses taux d’intérêt et réduit les ratios de réserves obligatoires imposés aux banques pour les inciter à prêter davantage. Mais en vain, car le marché immobilier est à la traine, la demande intérieure s’effrite, et le choc bourses se poursuit.

Pour Yang Zhao, expert de la banque Nomura, « la dynamique de croissance s’affaiblit, et l’effet positif de la récente dévaluation du yuan (susceptible de favoriser les exportations chinoises) ne se fera probablement pas sentir avant l’an prochain« .

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