jeudi, avril 25

Les noms chinois dans la diaspora

« What’s in a name ? That we call a rose. By any other name would smell as sweet… » (Romeo and Juliet de William Shakespeare) – « Qu’est-ce qu’il y a dans un nom ? Que nous appelons une rose. Par n’importe quel autre nom sentirait aussi doux …  »

A un moment donné de notre histoire, il y avait des noms chinois qui furent l’objet de raillerie et certains Sino-Mauriciens ont dû s’en séparer en ayant recours à une procédure longue et coûteuse de changement de nom.

A l’époque les employés de l’Etat Civil écrivirent les noms des enfants que des parents chinois de la première génération vinrent déclarer dans le délai légal imparti de 45 jours comme ces derniers les entendaient sans respecter la règle étymologique.

Comme je suis historien je constate les faits qui font partie de notre histoire! Rassurez-vous, ce n’était pas une blague de bon aloi! Mon défunt père, Ah Kee, s’il vivait encore aurait eu 103 ans. Il me dit une fois que dans le temps, il y avait à Maurice des noms chinois comme Li Ki So, Li Pet For et Li Ki Pi entre autres.

Et à l’époque, je me suis permis de conjecturer en mon fort intérieur: peut-être que ces officiers d’Etat Civil ont confondu Li keh Sow en Li Ki So, Li Pei Fo en Li Pet For et Li Khee Phee en Li Ki Pi!

Comme quoi la non connaissance du pinyin – le système de prononciation romaine de l’écriture chinoise, une langue pictographique faite des caractères, c’est-à-dire la façon d’épeler et d’écrire le chinois en putonghua (la langue vulgaire), soit le mandarin standardisé – contribue même de nos jours à perpétuer cette aberration et nous oblige parfois à une certaine autocensure pour éviter de blesser la susceptibilité de quiconque dans une société bigote mauricienne plurilingue, pluriculturelle et multi-religieuse!

Roland Tsang Kwai Kew (cliquez pour accéder à son compte facebook)

Je me souviens qu’une fois dans un article littéraire que j’avais consacré à Li Qingzhao, la grande poétesse chinoise, je fis référence à Li Qi (en mandarin) ou Li Ki (la prononciation standardisée adoptée alors par L’Ecole Française d’Extrême Orient (EFEO) Nous savons ce que « liki » veut dire dans notre suave patois créole! Or mon article se référait à trois Li Qi ou Li Ki : Li Qi, l’empereur (314–338), Cheng Han empereur sous la période de Seize Royaumes; Li Qi (690–751), le grand poète de la dynastie des Tang ; et Li Qi (741-807), le gouverneur militaire sous la dynastie des Tang.

Finalement j’ai dû céder à mon ami, Emmanuel Juste (paix à son âme!) le rédacteur de la page « feature » et littéraire de l’express à laquelle je fus pendant plus d’une décennie le journaliste attitré Et c’est ainsi dans un souci de couper la poire en deux J’ai dû écrire Li Zhi qui ne veut rien dire, au lieu de Li Qi.

Pour rappelle depuis 1972, date à laquelle la République populaire de Chine (RPC) fait partie des Nations Unies, on adopte depuis le protocole d’accord renforçant l’utilisation du pinyin dans tous les documents officiels. Depuis cette date le système WADE de prononciation du chinois autrefois utilisé par les pays anglophones et le système EFEO n’ont plus cours dans les documents officiels.

Toutefois pour les non initiés à la langue chinoise, on continue à prononcer le nom du père du miracle économique chinoise comme Teng Xiaoping au lieu de Deng Xiaoping. En pinyin la lettre D se prononce comme la lettre T, alors que la lettre T se prononce comme si c’est écrit avec la lettre r, soit comme dans le mot « très ».

Mon ami, Jacques Catherine a fait état de Mao et de Moa (mwa en patois mauricien signifiant moi), je profite de la balle au bond pour vous donner , chers facebookers, les trois versions pour écrire correctement le nom du fondateur de la RPC : Mao Zedong (pinyin), Mao Tsé Toung (système EFEO) et Mao Tse Tung (Système WADE)

Et je conclurai ce petit texte anecdotique en invitant mes amis mauriciens à commencer à apprendre le chinois pour que cette langue ne soit plus perçue par eux pour de « chinoiserie », et ce, à mesure que la puissance économique chinoise pèse un peu plus chaque jour sur le destin du monde et que la RPC est devenue aujourd’hui l’usine du monde à nous fabriquer des articles et des produits à meilleur marché.

Ici à Toronto où je suis pour encore deux semaines, j’ai l’habitude de faire un saut chez Dollarama. l’enseigne canadienne où énormément de produits trouvent preneurs pour 1 ou 2 dollars canadiens. Chez Dollarama, presque 95% d’articles nous viennent de Chine. Quant à moi, grâce à mes deux ans d’études de l’histoire, de culture et de langue chinoises à l’Institut des Langues Orientales, cours dispensés à l’université de Paris Dauphine, en 1976 et 1977, je me considère aujourd’hui comme un privilégié.

Cet avantage m’aide aujourd’hui à mieux comprendre non seulement mes racines chinoises et apprécier la culture chinoise à sa juste valeur, mais je m’estime à mieux comprendre les grands enjeux de la politique mondiale et pour laquelle la petite île Maurice ne fait pas le poids. Plus que jamais notre pays doit maintenir un politique qui soit à équidistant des deux puissances émergentes qui sont la Chine et l’Inde, deux parmi nos pays de peuplement, et de tirer un capital politique en raison de nos relations privilégiées.

La politique à long terme de l’île Maurice veut que notre pays ne soit pas le vassal de l’un ou de l’autre, c’est-à-dire notre Chhota Bharat! L’ancienne puissance coloniale, la Grande-Bretagne, a détaché l’archipêle de Diégo Garcia pour la louer aux Américains pour en faire un base aéronavale nucléaire.

Il ne faut pas que demain Bharat profite de ses relations privilégiées de grande sœur pour nous piquer les île Rodrigues et Agaléga pour en faire des stations de relais dans cette partie indian-océanique, ce faisant, en attisant les convoitises d’autres puissances, dont la Chine, puissance émergeante avec son projet de Route de la Soie par la mer.

Cheers and greeting from Toronto

Roland Tsang Kwai Kew, Journaliste pigiste aujoud’hui à la retraite

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