samedi, avril 20

Panama se détourne de Taïwan

Beijing a réussi un nouveau coup diplomatique en établissant des relations avec le Panama, ancien allié de Taïwan. Après la rupture des relations diplomatiques avec Sao Tomé et Principe, Taïwan ne compte plus désormais que 20 partenaires, parmi lesquels le Vatican et des petits pays situés pour la plupart dans le Pacifique ou en Amérique latine.

Beijing est ravie

Le ministre chinois des affaires étrangères Wang Yi et son homologue panaméen Isabel Saint Malo de Alvarado ont signé un  communiqué formalisant l’établissement des relations et précisant que le « Panama rompt aujourd’hui même ses relations diplomatiques » avec Taïwan « et s’engage à cesser toute relation ou tout contact officiel avec Taïwan« .

Selon le document, la Chine et la République du Panama, « conformément aux intérêts et aux souhaits des deux peuples, ont décidé de se reconnaître mutuellement et d’établir des relations diplomatiques au niveau des ambassadeurs à compter de la date de la signature de ce communiqué », le 13 mai 2017.

Les deux gouvernements conviennent de développer les relations amicales entre les deux pays sur la base des principes du respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, de la non agression mutuelle, de la non ingérence dans les affaires internes de l’autre, de l’égalité, du bénéfice mutuel ainsi que de la coexistence pacifique, précise le communiqué, cité par les médias.

Le gouvernement chinois a apprécié la nouvelle position du Panama, ajoutant par la voix de son ministre, Wang Yi, que « nous avons tous deux convenu que l’établissement des liens bilatéraux nous apporterait de larges perspectives permettant d’élargir la coopération globale centrée sur les bénéfices mutuels ».

Taïwan a vivement réagit

« Les autorités de Pékin doivent immédiatement cesser ces actions qui heurtent les sentiments du peuple taïwanais et placent les relations entre les deux rives du détroit de Taïwan sur les mauvais rails », a déclaré la Présidence de la République.

« Il n’y a qu’une seule Chine dans le monde. Adhérer au principe d’une seule Chine est un consensus universel de la communauté internationale », a indiqué Ma Xiaoguang, porte-parole du Bureau des Affaires de Taïwan du Conseil des Affaires d’Etat.

Dans un communiqué, la présidence a indiqué que « les autorités de Pékin utilisent le soi-disant ‘principe d’une seule Chine’ pour restreindre l’espace international de Taiwan. Cette approche ne fait pas seulement peser une menace claire sur la survie du peuple taiwanais, mais constitue aussi une provocation flagrante allant à l’encontre de la paix et de la stabilité entre les deux rives du détroit de Taiwan et dans la région ».

« Ce genre de pratiques de la part des autorités de Pékin a des conséquences sur le statu quo », ajoute la Présidence de la République qui indique que le gouvernement va réévaluer la situation à travers le Détroit. Pour Ma Xiaoguang, le Consensus de 1992 « incarne le principe d’une seule Chine », il est «  la base du développement pacifique des relations à travers le détroit de Taïwan.

C’est seulement en reconnaissant le Consensus de 1992 et son principe fondamental selon lequel la partie continentale et Taiwan appartiennent à une seule Chine, que les relations entre les deux rives pourront reprendre la bonne voie du développement pacifique ».

Les tensions entre Beijing et Taipei au plus niveau

Ce dernier a exhorté l’administration taïwanaise « à comprendre clairement la situation et à faire le bon choix ». Ce positionnement ravive les tensions diplomatiques entre Taïwan et la Chine, qui s’étaient pourtant atténuées durant le précédent gouvernement de Ma Jing-yeou.

Le ministre taïwanais des affaires étrangères, David Lee, a fait part de la « profonde colère » de Taïwan face à cette décision, et a annoncé la fin de tous les projets de coopération et de toute aide financière, ainsi que la fermeture de l’ambassade de la République de Chine (Taiwan) à Panama et le rapatriement de l’ensemble du personnel diplomatique.

D’autant plus que Tsai Ing-wen a particulièrement agacé Beijing en décembre 2016 parce qu’elle s’était entretenue avec Donald Trump, alors qu’aucun président américain n’avait plus adressé la parole à un président taïwanais depuis l’établissement des relations diplomatiques sino-américaines en 1979.

Ce coup de téléphone « a renforcé la détermination de Pékin à donner une leçon à Taïwan« , a indiqué à l’Agence France Presse, le politologue Willy Lam, de l’Université chinoise de Hong Kong.

« Taïwan a été un grand ami du Panama et nous lui sommes très reconnaissants pour son amitié et sa coopération pour le développement de notre pays pendant que nous avions des relations diplomatiques », a déclaré le président panaméen Juan Carlos Varela dans une allocution.

Pour David Lee, ce revirement diplomatique est « particulièrement inamical ». Il a également accusé le Panama d’avoir dissimulé ses intentions – même si, a-t-il indiqué, « des signes avant-coureurs de cette décision avaient pu être détectés ».

Le Panama priorise le commerce

Lors d’un point presse, la vice-présidente et ministre des affaires étrangères du Panama,  Isabel de Saint Malo a indiqué que la décision de son pays était « conforme aux intérêts fondamentaux des deux pays et de leurs peuples ». Son pays espère collaborer davantage avec la Chine dans les domaines tels que le commerce, les investissements, le tourisme et la connectivité, ajoutant que le Panama espérait devenir un portail pour la coopération entre la Chine et l’Amérique latine.

Second utilisateur du canal de Panama, après les Etats-Unis. L’an passé, la Chine a fait transiter par ce passage interocéanique près de 38 millions de tonnes de marchandises, soit 18,9% du trafic. Cette annonce n’est pas si étonnante, car Beijing a engagé la construction d’un port de conteneurs, avec des installations de gaz naturel, dans la province de Colon, dans le nord du Panama.

Le 26 juin 2016, un navire chinois a traversé en premier le nouveau canal de Panama élargi. La Chine est par ailleurs le premier fournisseur de marchandises de la zone franche de Colon, l’une des plus grandes d’Amérique latine.

Des multinationales et des entreprises chinoises actives dans de nombreux domaines, banque, énergie, logistique, télécommunications et technologies se sont établies ces dernières années au Panama. « La République populaire de Chine a toujours joué un rôle important dans l’économie du Panama », a relevé le président Varela.

D’autres projets d’accords avec la Chine sont actuellement à l’étude notamment dans le tourisme, le commerce, l’agriculture, les migrations, la culture et l’éducation.

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