jeudi, avril 18

Percevoir l’Empire du milieu d’une autre manière

En janvier 2010, Etienne Gernelle, directeur adjoint de la rédaction de Le Point, avait accordé une interview à l’agence de presse Xinhua, dans laquelle il expliquait que « critiquer la Chine parce qu’elle a réussi me semble une bêtise, la Chine a le droit de réussir ».

Son hebdomadaire a consacré 80 pages au pays,  par « des correspondants (qui, ndlr) ont raconté de façon équilibrée une Chine dont le développement est tout à fait stupéfiant », note le Quotidien du peuple, qui a publié l’interview dans son intégralité.

Un tournant majeur pour la Chine

StandardL’hebdomadaire fait souvent la Une sur la Chine depuis une dizaine d’année parce que « la Chine est très loin et tout près » de la France et « parce que la moitié des choses dans mon bureau sont peut-être fabriquées en Chine, mon portable iPhone par exemple, j’ai vu il y a deux ans une usine à Shenzhen qui fabrique iPhone … C’est tout près et ça nous concerne tous les jours », a expliqué Etienne Gernelle.

Ce dernier a indiqué que « pour nous, l’émergence de la Chine est un événement depuis 20 ans. Cette année, ça a pris une dimension nettement plus grande. En ce sens, on savait que la Chine est devenue une puissance industrielle, une puissance commerciale majeure et est en train de devenir une puissance mondiale politique ».

Évoquant la crise économique et financière, débutée en 2009 aux États-Unis, Etienne Gernelle a expliqué que « l’Occident a subi une récession assez violente, même si elle a été atténuée par le plan de relance, et que la Chine en 2009 a terminé avec une croissance supérieure à 9% », « la Chine a déjà dépassé l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne en terme de PIB, le Japon probablement l’année prochaine ».

Un tournant majeur pour l’homme des médias, qui a souligné que « les États-Unis sont encore très loin, mais disons qu’à partir de maintenant, il est possible que la Chine devienne la première puissance mondiale. Donc c’est pour ça qu’on a voulu faire cet essai pour dire que voilà il y a quelque chose qui s’est passée cette année, et ça devient une hypothèse envisageable ».

Dans le même ordre d’idée, le président-directeur de la publication de Le Point, Franz-Olivier Giesbert, a considéré la Chine comme « l’un des acteurs majeurs de la planète ». Ce dernier a évoqué dans son éditorial consacré à la Chine qu’« on le savait depuis le G20, on en a encore eu la confirmation avec le sommet de Copenhague: rien ne peut se faire sans elle ». Ajoutant que « tout en codirigeant le monde avec les États-Unis, elle fabrique de l’avenir, peut-être même notre avenir. »

F.-O.G. s’est d’ailleurs demandé « quel est le secret de cette créativité, de cet incroyable bouillonnement? C’est ce que nous avons tenté de savoir en laissant de côté nos préjugés ou nos partis pris et en allant voir sur le terrain le décor et son envers ».

« Depuis dix ans, j’ai pu voir l’évolution de la Chine, c’est tout à fait stupéfiant. Il y a dix ans, si on m’avait dit que la Chine deviendrait un jour la première puissance mondiale, j’aurais peut-être ri. C’est vrai qu’il y a encore beaucoup de chemins (à parcourir pour la Chine), mais ça paraît plus de l’ordre du possible« , a indiqué Etienne Gernelle.

Ce « n’est que justice » pour la Chine

Face aux inquiétudes grandissantes des occidentaux vis-à-vis de la Chine, tant au niveau économique, diplomatique avec les pays africains et asiatiques, que militaire, pour Etienne Gernelle, « on ne doit pas, nous, les Européens, les Français, regarder ça (le développement de la Chine) avec crainte, parce que tout cela n’est que justice ».

Une Le Point 2010Ce dernier a estimé que les pays hostiles à la Chine avaient « tort », car « critiquer la Chine parce qu’elle a réussi me semble une bêtise, la Chine a le droit de réussir, elle a le droit de s’en tirer, elle a le droit de vouloir sortir de l’état où elle était il y a 30 ans, elle a le droit de vouloir s’enrichir, de vouloir améliorer son niveau de vie, de vouloir améliorer sa position dans le monde… c’est le droit le plus absolu du monde ».

Ce dernier a estimé que « l’intention de certains occidentaux de vouloir l’empêcher » de se développer est « terrifiant », ajoutant qu’« on n’est pas propriétaire de la domination mondiale pour l’éternité. C’est absurde, en plus ça me semble méprisant ».

Après avoir visité des usines en Chine, « on voit bien des gens qui travaillent, qui ont du mal, qui sont intelligents, qui produisent des efforts inouïs depuis 30 ans pour transformer un pays arriéré. Ces héros anonymes de la renaissance chinoise ont fait quelque chose assez stupéfiante en 30 ans, et ça mérite d’être souligné qu’un pays à moitié miséreux, même à la fin des années 70, peut prétendre à devenir un jour la première puissance mondiale, même si le chemin est encore extrême long », a-t-il indiqué.

Pour Etienne Gernelle, les préjugés sur la Chine s’expliquent par la méconnaissance des Français de la Chine, cependant « je pense qu’il y a une grande curiosité sur la Chine. Visiblement, on voit que le numéro se vend bien, et il y a deux ans, quand on a fait un autre numéro, ça c’est aussi très bien vendu. Il y a une certaine forme de fascination, à la fois culturelle et historique, et puis il y a toujours une fascination pour ceux qui réussissent. C’est assez impressionnant ».

De son côté, Cyrille J.-D Javary, sinologue interviewé par Le Point, « reconnaître une vérité chinoise à part entière, en évitant les écueils de l’exotisme, générateur de fantasmes, ou d’un ethnocentrisme condescendant, a été difficile. Aujourd’hui, dans notre attitude, il y a mélange de crainte et de dépit. La Chine nous dérange parce qu’elle brouille l’idée que nous avons de nous-mêmes ». Raison pour laquelle, ce dernier a appelé « les occidentaux à respecter le mode de pensée des Chinois afin de franchir le fossé entre les deux parties ».

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