vendredi, avril 19

Que pourrait faire Beijing à Hong Kong ?

Le quotidien 20 Minutes a interrogé Sébastien Veg, directeur du Centre d’études français sur la Chine contemporaine à Hong Kong et directeur d’études à l’EHESS et la juriste Isabelle Feng sur la stratégie de la Chine continentale à Hong Kong.

Depuis début juin, des centaines de milliers de Hongkongais manifestent pour rejeter un projet de loi autorisant les extraditions vers la Chine. Par la suite, la mobilisation a prit un tournant avec la revendication de mesure telles que le suffrage universel, la fin de l’ingérence de Beijing à Hong Kong, …. Face à la tension montante, le gouvernement chinois a récemment durci le ton.

«Au début du mouvement, Pékin s’est distancié du projet de loi, indiquant qu’il avait été proposé à l’initiative de la chef de l’exécutif de Hong Kong, Carrie Lam», a expliqué Sébastien Veg, ajoutant qu’«il est même possible que Pékin lui ait laissé une certaine marge de manœuvre à ce moment. Mais celle-ci n’a fait que suspendre l’examen du projet de loi, sans le retirer définitivement».

Mais la contestation a prit un tout autre virage, «après certains actes de dégradation symbolique d’emblèmes de l’Etat chinois par les manifestants, Pékin a pris un rôle plus actif dans la réponse, estimant désormais qu’il est impossible de satisfaire aucune des cinq revendications des manifestants», a précisé Sébastian Veg.

Concernant les images des troupes chinoises postées à Shenzhen près de Hong Kong, une intervention est permise par la loi fondamentale de Hong Kong, «mais uniquement à la demande du gouverneur de Hong Kong, en l’occurrence Carrie Liam», a précisé Isabelle Feng.

Cependant, «une intervention militaire créerait énormément de problèmes pour Pékin, notamment un possible effondrement de l’économie hongkongaise et du principe ‘un pays deux systèmes‘», a précisé Sébastian Veg.

Ce dernier a souligné que «cela créerait aussi une vraie difficulté à contenir des manifestations très ponctuelles, sans leaders, insaisissables. À cela s’ajoute une perte de prestige international, des rétorsions ciblant le statut douanier spécifique de Hong Kong, et de grandes complications dans la guerre commerciale avec les Etats-Unis et pour la stratégie de Pékin vis-à-vis de Taïwan».

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Sébastian Veg ne croit pas à une intervention militaire malgré les menaces de la Chine, car Beijing possède «beaucoup d’autres moyens pour réprimer les manifestants en s’appuyant sur la police et le système juridique hongkongais. Les images de manœuvres militaires sont donc plutôt à considérer comme une intimidation».

Même son de cloche de la part d’Isabelle Feng, qui a assuré à 20 minutes que «la Chine n’a pas intérêt à affaiblir Hong Kong, vitrine d’une Chine moderne où les plus puissantes familles rouges ont des proches et des intérêts financiers. En réalité, les images de l’armée chinoise sont surtout diffusées à destination du public chinois, qui vit dans le Great Firewall et a donc accès à une information très censurée sur la crise hongkongaise».

Donc la stratégie de la Chine devrait être de «va se servir de tous les leviers de pouvoir dont elle dispose à Hong Kong, notamment économique, en faisant pression sur les entreprises et administrations pour qu’elles disciplinent leurs employés», selon Sébastian Veg.