jeudi, mars 28

Rendre homme aux travailleurs chinois de la Première Guerre Mondiale

Une commémoration a eu lieu à la veille de l’Armistice de la Grande Guerre, le 11 novembre, en présence d’une soixantaine d’anciens légionnaires chinois, d’officiels et de représentants des communautés chinoises, françaises et anglaises, ainsi que plusieurs représentants d’associations chinoises, dont l’association des jeunes Chinois de France.

Cette dernière a participé à un événement de commémoration, co-organisé par l’Amicale des Anciens Légionnaires d’Origine Chinois en France et le Conseil départemental de la Somme. Pendant cette journée, les participants ont pu parcourir plusieurs mémoriaux de la Grande guerre, durant laquelle des millions de combattants et civils se sont sacrifiés.

Travailleurs chinois en 1918.

Parmi eux se trouvaient 140 000 travailleurs chinois, recrutés par la France et la Grande-Bretagne pour soutenir l’effort de guerre. 3000 d’entre eux sont ensuite restés en France, formant la première communauté chinoise de ce pays.

En effet, les personnes présentes se sont arrêtées au cimetière d’Ayette, où abrite l’Indian and Chinese Cemetery, regroupant 80 tombes de travailleurs venus d’Inde et de Chine pour soutenir l’effort de guerre allié.

L’AJCF « s’attache à révéler ce pan méconnu de l’histoire dans la société française en général, mais aussi au sein des Français d’origine chinoise, car le souvenir du passé permet de construire l’avenir ».

De son côté, le Président de l’Amicale des Anciens Légionnaires d’Origine Chinoise de France, Yu Sanming, a mentionné dans son discours les 140 000 travailleurs chinois recrutés par l’armée britannique et les six Chinois qui avaient rejoint la Légion étrangère, dont l’un d’eux est mort pour la France.

D’ailleurs, en août 1916, la France recrute depuis les villes côtières de Qingdao et Pokou. Les Chinois acceptent d’être enrôlés sous contrat civil à durée déterminée et se rendent en Europe par voie maritime.

Les entreprises françaises recrutent 36 941 hommes (manœuvres, menuisiers, traducteurs, etc.). La filière britannique se met en place en janvier 1917 à partir du port de Weihai. Des missionnaires baptistes tentent de convaincre les chinois de d’enroler.

Si le salaire minimum est modeste (1 franc par jour) et le rythme de travail dur (dix heures de travail par jour, tous les jours de la semaine), des primes sont versées aux familles, ce qui conduit environ 100 000 Chinois à signer, intégrant le corps de travailleurs chinois (Chinese Labour Corps, CLC).

La plupart des recrues viennent de la province du Shandong. On compte quelques ouvriers mais l’essentiel sont des paysans des zones rurales du pays. Sans qualification, ils sont sélectionnés pour leur âge situé entre 20 et 40 ans, et d’une taille d’1,80 mètre.

Ils sont à l’époque qualifiés de «coolies» ou de «Jaunes». D’ailleurs, dans un article du Times, le journaliste écrit : «le chinetoque […] doit être maintenu sous tutelle lorsqu’il ne travaille pas. Il crée peu de problèmes s’il est bien géré, s’adonne aux jeux d’argent mais ne se saoule pas ou ne commet pas de violence, et est docile et obéissant».

Tombes au cimetière d’Ascq.

873 travailleurs chinois morts sont enterrés au cimetière chinois de Nolette (Somme), créé en hommage aux chinois par les Britanniques. Les murs suivent un tracé respectant les règles du feng shui et l’architecture du portail est de style asiatique.

D’autres cimetières moins importants se trouvent à Saint-Étienne-au-Mont, Sangatte ou encore Longuenesse. Les estimations du nombre de morts chinois en France varient entre 2 000 et 10 000, la plupart étant décédés de maladies.

L’histoire de ces travailleurs était dans un relatif l’oubli, jusqu’à ce que l’universitaire franco-chinoise Li Ma, maître de conférence à l’université du Littoral-Côte-d’Opale, travaille sur le sujet. Elle a part la suite organisé un colloque sur ce thème en 2010 et dirigé la publication d’un livre en 2012.

En Chine, «à une époque, le fait d’avoir été ainsi au service des impérialistes était considéré comme honteux. Depuis six ou sept ans, l’approche a évolué, la période intéresse davantage», a expliqué Li Mai, qui a organisé un colloque à Weihai et une exposition à Shanghai.

En 1988, une plaque en la mémoire des travailleurs chinois est posée rue Chrétien-de-Troyes dans le quartier de la gare de Lyon (Paris) et, en 1998, un monument est érigé dans le jardin Baudricourt du 13e arrondissement, où il est gravé qu’ils sont «morts pour la France».

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