vendredi, avril 19

S’informer, via différentes sources, pour comprendre la Chine

Dans une interview accordée à Forbes France, Anne CHENG, titulaire de la chaire «Histoire intellectuelle de la Chine» au Collège de France, a expliqué que « le mot Chine en mandarin est ‘Zhongguo’, littéralement Empire du Milieu. Dans les sources historiques chinoises, il n’y a pas de mention, phonétique ou étymologique, du mot Chine pour faire référence au pays dans sa totalité ».

Selon elle, « ce sont le plus probablement les Portugais qui popularisèrent ce nom au XVIème siècle. Cette façon d’appeler la Chine est de fait symptomatique d’une approche imparfaite pour appréhender la Chine : la comprendre par le prisme de concepts occidentaux ».

A la question de Forbes France sur la manière dont ses « travaux en France sur la Chine ancienne permettent de mieux comprendre la Chine moderne », Anne Cheng a expliqué accorder « une grande importance à décloisonner l’étude de la Chine ancienne et de la Chine contemporaine ».

« Les études chinoises sont cloisonnées entre d’une part les études classiques à l’EPHE et d’autre part les études contemporaines à l’EHESS. Plus concrètement, au lieu de comparer, pour mieux les opposer, l’Europe et la Chine, il me paraît plus intéressant d’étudier comment les idées ont circulé entre elles à l’ère moderne. La vision que nous avons des traditions chinoises est, de fait, déjà conditionnée depuis longtemps par la manière dont elles ont été reçues initialement en contexte européen. Autrement dit, mon étude et ma pratique des textes classiques ne prennent leur sens que dans la façon dont je vois et je vis mon rapport au destin actuel de la Chine »

Comment mieux comprendre la Chine d’aujourd’hui ? Pour Anne Cheng, il faut « commencer par se fournir de l’information dans des sources sérieuses. Je pense notamment aux écrits du sinologue Simon Leys — Les essais sur la Chine ou par exemple de l’écrivain Lu Xun — Le journal d’un fou ».

« Je me ferais cependant l’apologiste, sinon de la lenteur, du moins du temps qu’il faut à la compréhension, à la réflexion et à la maturation de la pensée chinoise. L’élite européenne des XVIIème et XVIIIème siècles était paradoxalement plus informée sur la Chine classique que nos dirigeants actuels », a indiqué cette dernière.

Rappelant que « Leibniz, Voltaire ou encore Montesquieu (…) ont écrit sur la Chine. Dans mes cours au Collège de France, j’ai été amenée à élargir la vision de la Chine comme objet d’étude autosuffisant et à ouvrir l’essentialité chinoise à ses deux grands voisins : le Japon et l’Inde. Par une étude sérieuse des textes, un lecteur éclairé comprendra qu’on ne peut réduire la Chine à un grand Autre homogène et anhistorique ».