vendredi, mars 29

Suspension des travaux sur les bébés génétiquement modifiés

Le chercheur Jiankui a affirmé avoir fait naître les premiers bébés génétiquement modifiés au monde, lors du 2nd Sommet international sur l’édition du génome, le 28 novembre 2018 à Hong Kong.

He Jiankui s’est dit « fier » d’avoir permis la naissance de jumelles dont l’ADN a été modifié pour les rendre résistantes au virus du sida dont est infecté leur père. Sa présentation publique détaillée de ses travaux, qui n’ont toujours pas été vérifiés de façon indépendante, a été le sujet de vives critiques d’experts.

Ce dernier a par la suite annoncé qu‘ »une pause est observée dans les essais cliniques compte tenu de la situation actuelle », ajoutant cependant qu' »en ce qui concerne ce cas spécifique, je suis fier. » He Jiankui a expliqué que les deux jumelles surnommées « Lulu » et « Nana » étaient nées il y a quelques semaines.

Les jumeaux sont nés d’un couple dont le père est séropositif et la mère séronégative. En effet, les travaux ont été réalisé auprès de 8 couples du même type qui se sont portés volontaires pour l’essai. Cette annonce, si elle s’avère confirmée, serait une première mondiale.

Mais d’ici les vérifications, la présentation de He Jiankui n’a laissé personne indifférent, beaucoup d’experts ont dénoncé l’absence de vérification indépendante ou le fait d’avoir exposé des embryons sains à des modifications génétiques.

« Les volontaires étaient informés des risques d’effets secondaires potentiels et ont décidé de l’implantation », a affirmé He Jiankui, en ajoutant que l’Université de sciences et technologie du Sud de Shenzhen, à laquelle il est rattaché, n’était « pas au courant de l’étude ».

Avant cette annonce, l’Université avait auparavant pris ses distances avec son chercheur, en affirmant qu’il était depuis février en congé sans solde. De leurs côtés, les organisateurs ont assuré ne pas avoir été informé de cette révélation.

Le modérateur de la table ronde, Robin Lovell-Badge, a considéré que cet essai était « un pas en arrière » d’un point de vue de la pratique scientifique. « C’est un exemple d’approche qui n’a pas été suffisamment prudente et proportionnée », a-t-il dit. « Il est cependant clair que c’est historique. Ces deux bébés seraient les deux premiers  bébés génétiquement modifiés. »

Pour sa part, le président du sommet, le biologiste David Baltimore, lauréat du prix Nobel, a dénoncé de son côté « une carence dans l’autorégulation de la communauté scientifique en raison d’un manque de transparence ».

He Jiankui, formé à Stanford aux Etats-Unis, a dit avoir utilisé l’outil CRISPR-Cas9, dit des « ciseaux génétiques », qui permet d’enlever et de remplacer des parties indésirables du génome, comme on corrige une faute de frappe sur ordinateur.

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Les jumelles sont selon lui nées après une fécondation in vitro, à partir d’embryons modifiés avant leur implantation dans l’utérus de la mère. Cette technique pourrait apporter des changement dans le traitement des maladies héréditaires, mais elle est controversée, car les modifications réalisées seraient transmises aux générations futures, affectant l’ensemble du patrimoine génétique.

Le chercheur américain d’origine chinoise Feng Zhang, qui revendique la paternité de l’outil CRISPR-Cas9, a de son côté jugé dangereux et non nécessaire l’essai de He Jiankui : « cette expérience n’aurait pas dû avoir lieu », considérant que « ce qu’il a fait n’est pas scientifique. »

Le vice-ministre des Sciences et de la Technologie, Xu Nanping, a indiqué que si les jumelles étaient vraiment nées, « c’était illégal ». Or Qiu Renzong, pionnier des questions bioéthiques en Chine, a expliqué que les chercheurs chinois échappent souvent aux sanctions car ils n’ont de comptes à rendre qu’à leur institution.

La Commission nationale chinoise de la santé a annoncé l’ouverture d’une enquête, tandis que l’hôpital de Shenzhen censé avoir approuvé ces recherches a démenti toute implication.

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