jeudi, mars 28

Une affaire « Panama Papers » bien gênante

 A l’heure de la moralisation de la classe politique, du retour aux valeurs idéologiques maoïstes et des sanctions contre les cadres du Parti Communiste Chinois corrompus ou ayant enfreint les règles du parti, l’affaire « Panama Papers » entache l’image lisse et lissée du président Xi Jinping.

Dès la publication de l’affaire, la censure a veillé à ce qu’aucune information ne passe. De plus, en réponse aux révélations, le gouvernement a assuré qu’il n’avait rien à cacher,  pourtant la chaîne CNN a été interrompu à plusieurs reprises.

Ce black-out de l’information a été tel que la Chine est devenue l’un des seuls pays où les médias n’évoquent pas l’affaire « Panama Papers ». Et pourtant, la législation chinoise n’interdit pas le placement d’argent dans des sociétés offshores, d’ailleurs de nombreux entrepreneurs et politiques ont des comptes à l’étranger et dans des paradis fiscaux.

Cependant, depuis son arrivée au pouvoir, Xi Jinping et ses « empereurs » mettent l’accent est mit sur l’exemplarité, la droiture et le respect des valeurs idéologiques du parti. Cette nouvelle ligne directrice se traduit dans les faits par une campagne anti-corruption sans précédent, qui bat son plein.

Panama Papers a mit le doigt sur l’hypocrisie de la tête du PCC, qui jouit d’un train de vie bien loin de celui du peuple et qui prêche pour le bien-être du peuple, alors que ces derniers et leurs proches sont plus que bien lotis grâce le plus souvent à des actes peu légaux. Raison pour lesquelles, les dirigeants chinois ont un goût prononcé pour les paradis fiscaux qui dissimulent leur fortune trop clinquante et pas très nette.

Les proches du Politburo concernés

Deng Jiagui, beau-frère du président chinois Xi Jinping, est l’un des clients du cabinet, via les trois sociétés qu’ils possèdent. Bien que l’une d’elle a été dissoute en 2007, les deux autres sont inactives après l’arrivée de Xi Jinping à la tête du Parti communiste chinois en novembre 2012.

D’ailleurs, ayant accès sa mandature sur la lutte contre la corruption et la droiture, Xi jinpina fit en sorte de verrouiller tous les pans financiers de sa vie. En juin 2014, le New York Times a révélé que son épouse Deng Jiagui et sa soeur Qi Qiaoqiao avaient vendu en 2012 leurs parts dans un dizaine d’entreprises.

De nombreux noms de proches de responsables du PCC ont été dévoilé par les fichiers du cabinet Mossack-Fonseca, comme le gendre de Zhang Gaoli, actuel membre du comité permanent du PCC et l’un des 7 hommes les plus importants du pays ; Liu Yunshan, également membre du politburo, ses proches sont cités dans les révélations du Panama Papers.

Il est à noter la présence de la fille de Li Peng, premier ministre lors de la répression du mouvement démocratique de 1989, surnommé « le boucher de Tiananmen ». Sa fille, Li Xiaolin est connue comme la « reine de l’électricité », en raison de ses hautes fonctions dans des entreprises publiques de l’énergie. Elle possède avec son mari une société, Cofic Investments, créée en 1994 aux îles Vierges britanniques et gérée par Mossack Fonseca.

D’autres personnalités apparaissent comme Gu Kailai, l’ex-épouse du maire de Chongqing et ancien ministre Bo Xilai, a été condamnée à la prison à vie pour le meurtre d’un ressortissant britannique et pour corruption ; Hu Dehua, fils de Hu Yaobang, l’ex-secrétaire général du PCC, écarté du pouvoir pour son soutien aux revendications des étudiants de Tiananmen ; Lee Shing Put, gendre de Zhang Gaoli, membre du comité permanent du bureau politique du PCC ; Jia Liqing, proche d’un autre membre du comité permanent, Liu Yunshan ; et enfin Zeng Qinghuai, frère de Zeng Qinghong, vice-président de 2002 à 2007.

Le rôle de Hong Kong

Dans ce système, la Bourse de Hong Kong joue un rôle primordial dans la fuite des capitaux, en effet, cette région semi-autonome est un voie d’accès privilégiée vers la Chine continentale, pour y entrer et y sortir. Ainsi, l’affaire Panama Papers a révélé comment plus de 16’300 sociétés offshore ont été enregistrées par le cabinet panaméen incriminé Mossack Fonseca. Les clients viennent des 8 bureaux existants en Chine continentale et à Hong Kong, ils représentent un tiers des entreprises dont le cabinet s’occupe.

Conseil législatif de Hong Kong, appelé Legco
Conseil législatif de Hong Kong, appelé Legco

Jason Sharman, un expert de la compétence fiscale offshore et professeur à l’Australie Griffith Université a expliqué au Wall Street Journal, que ces sociétés n’ont pas confiance « dans les lois et les tribunaux » de Chine continentale, raison pour laquelle elles se tournent vers Hong Kong et des sociétés offshore.

 Ainsi, les entrepreneurs préfèrent créer des sociétés offshore à l’étranger, car les règles de la propriété étrangères en Chine sont restreignantes dans de nombreux secteurs. Ainsi, le géant chinois de la technologie Alibaba Group Holding Ltd., qui est devenue publique à New York en 2014, est enregistré dans les îles Caïmans, par exemple.

Au-delà des restrictions continentales, « les chinois placent leur argent offshore car l’économie ralentit » a indiqué à l’Agence France Presse, Andrew Collier, analyste chez Orient Capital Research, cabinet installé dans l’ancienne colonie britannique. « Le marché immobilier s’effondre dans de nombreuses régions chinoises (…) tandis qu’il y a des inquiétudes sur la campagne anti-corruption et l’impact qu’elle pourrait avoir sur la sécurité des capitaux en Chine » a-t-il souligné.

Hong Kong possède une législation différente de celle du continent. Ainsi, les falsifications de facture, en sous-évaluant les biens exportés et surévaluant les biens importés via Hong Kong, permet de faire sortir l’argent de Chine. L’argent est alors placé et généré dans des comptes offshore.

« Beaucoup de gens disent qu’il y a un énorme système de fausses factures concernant les biens échangés entre la Chine et Hong Kong, et Hong Kong est utilisée comme étape pour sortir du capital », a ajouté Andrew Collier.

Les entreprises et les particuliers ont fait sortir presque près de 1’000 milliards de dollars (900 milliards d’euros) de Chine depuis un an et demi. Un montant jamais vu, qui a poussé le gouvernement chinois a annoncé une limitation des retraits de 50’000 dollars par an et par personne. De leurs côtés, les touristes chinois ne peuvent sortir du pays que 20’000 yuans (2’719 euros) en espèces et l’équivalent de 5’000 dollars (4400 euros) en devises étrangères.

Pour David Webb, ancien banquier devenu militant de la transparence financière, la Bourse de Hong Kong a adopté « une politique du ‘ne demande rien, ne dit rien’, sachant qu’il y a une énorme corruption en Chine ». Les boursiers hongkongais « s’inquiètent » des contrôles supplémentaires qui pourraient porter atteinte « au volume des affaires et à l’attrait d’être coté à Hong Kong ».

Face à l’éventualité de restrictions de la part continentale, plusieurs méthodes se mettent en place pour faire sortir de l’argent. De l’usage de « mules » tentant de franchir les frontières à des changeurs hongkongais en passant par le remboursement en liquide et contre une commission, par certains commerçants de produits de luxe achetés par carte de crédit, les techniques se perfectionnent d’année en année. Car « plus un gouvernement impose de restrictions aux mouvements de capitaux, plus le secteur financier illégal sera important », a expliqué David Webb.

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