samedi, avril 20

Zhou Yu, « évoquer la Chine gaie sous divers aspects et sans stigmatisation »

Originaire de Shanghai, Zhou Yu est arrivé en France, il y a une dizaine d’année. Artiste à part entière, il a publié en 2012, La baguette et la fourchette (Fayard) et Images courantes (recueil de poèmes chez Pacificas). Il présente régulièrement en France son exposition de photos, de poésies et de calligraphies intitulée Peau d’Âme. A une semaine de la seconde Semaine LGBT chinoise à Paris (4 – 11 février), Zhou Yu nous explique les raisons de cette manifestation.

Le 4 février démarre la seconde Semaine LGBT chinoise à Paris, pourquoi avoir créé un tel évènement en France ?

J’ai eu l’occasion d’assister à la « Shanghai Pride » en 2014 dont certaines manifestations étaient contraintes de changer de lieu ou d’être annulées au dernier moment pour diverses raisons. Je me disais si l’on organisait un événement sur ce sujet à Paris, il n’y aurait pas ce genre de soucis. Je pense également que dans la communauté chinoise en France, l’homosexualité reste encore souvent un tabou à cause du poids de la famille, alors que la société française évolue vers plus d’ouverture, de tolérance sur cette question.

En décembre 2014, j’ai crée l’association Happy Togayther et co-fondé avec Jean-Jacques Augier, président de Têtu, La Semaine LGBT chinoise à Paris. Cet événement a réuni des personnes de différentes origines et sensibilités, et a offert l’occasion d’évoquer la Chine gaie sous divers aspects et sans stigmatisation. Nous avons eu les soutiens des mairies du 3e et du 4e de Paris, du centre LGBT de Paris, de l’Espace des Femmes et des associations comme Queer Week et Chin’alco.

Nous nous renouvellerons donc cette année, avec plus de programmes pour les femmes, comme la conférence de Monique Selim et Guo Wenjing, deux anthropologues, et On est là ! un film documentaire sur les mouvements lesbiens en Chine. Il y aura aussi une exposition de photo de l’artiste chinois Banjin et des dédicaces des auteurs à la libraire Les Mots à la bouche. Et enfin la soirée Happy Togayther par AZN.

Notre association édite aussi Zhi Tong, le premier e-magazine LGBT franco-chinois. Vous trouverez les quatre numéros sur notre site www.happy-togayther.com

Quel est l’impact de cet évènement en France et en Chine ?

La population homosexuelle chinoise est estimée entre 40 à 60 millions de personnes, l’équivalent de la population française. La France accueillit 50 000 étudiants chinois actuellement dont beaucoup sont des personnes LGBT. Car partir étudier à l’étranger est l’une des meilleures solutions pour s’échapper à la pression familiale et sociale. L’ignorance, l’indifférence et la discrimination ainsi que la négation de soi-même sur cette question conduisent souvent à des drames personnels et familiaux. Le fait de parler de cette question en public, que soit en Chine ou ailleurs, ne pourra avoir, à mon avis, que des effets plutôt positifs. Nous voulons qu’elle ne soit pas un débat uniquement franco-français, mais franco-chinois. Car le monde a changé, la Chine nous influence, mais peut être également influencée.

Zhou Yu, artiste, co-organisateur de la Semaine LGBT à Paris

Cette manifestation est aussi l’occasion pour les Français de réfléchir à nouveau sur cette question, car la Chine, avec sa civilisation millénaire sans interruption, nous fournit une autre expérience (heureuse ou malheureuse) de l’humanité, d’autant plus que les événements récents en France nous mettent en garde contre les tentatives de la remise en cause des droits des personnes LGBT.

Et dernièrement, nous travaillons également sur le projet de La Semaine LGBT française en Chine, la jumelle de notre événement à Paris.

Comment vivent aujourd’hui les lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels en Chine ?

On constate depuis quelques années une amélioration de leurs conditions de vie grâce à la libération de la parole sur Internet et à l’ouverture de lieux de consommation qui leur sont destinés dans des grandes villes. Ces avancées satisfaisantes et notables demeurent bien sûr très partielles et encore bien fragiles, faute de programmes scolaires et de lois anti-discriminatoires.

Il y a récemment eu des évolutions (plainte contre le Ministère de l’éducation nationale pour redéfinir le mot homosexuel des manuels, plainte pour le droit au mariage, …), qu’en pensez vous et que reste-t-il à faire ?

Les initiatives militantes et revendicatrices se multiplient. C’est très encourageant. Mais je n’ai pas de conseils à donner car chacun a une histoire et une situation différentes.

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