vendredi, mars 29

Course sino-américaine pour diriger l’agence onusienne des brevets

La Chine et les Etats-Unis tentent de prendre la tête de l’agence spécialisée des Nations Unies sur les brevets. Pour Washington, la mise en place d’un candidat chinois à ce poste serait une «terrible erreur».

«Nous voulons un candidat qui vienne d’un pays ayant une tradition de protection de la propriété intellectuelle», a annoncé l’ambassadeur américain auprès de l’ONU, Andrew Bremberg, lors d’un entretien accordé à l’Agence France Presse.

«La Chine n’a pas cette tradition», a-t-il déclaré. Ce dernier s’est alarmé à l’idée qu’un chinois dirige l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (Ompi). Selon lui, un pays où le vol et la contrefaçon de la propriété intellectuelle sont monnaie courante ne peut être à la tête d’une telle organisation.

De son côté, la Chine a accusé les Etats-Unis de transformer l’élection du directeur général de l’Ompi, qui doit se dérouler les 5 et 6 mars à Genève, en un véritable «jeu politique».

«Les États-Unis n’ont pas de candidat, mais ils essaient par tous les moyens de bloquer» la candidate chinoise Binying Wang, a déclaré l’ambassadeur chinois auprès de l’ONU, Chen Xu.

Ce dernier a assuré lors d’une conférence de presse que «nous avons l’impression que les Américains essaient de faire tout ce qu’ils peuvent et exercent des pressions» sur les autres pays pour orienter leur vote.

Binying Wang est l’une des six candidatures reçues pour succéder à l’Australien Francis Gury, dont le mandat expire le 30 septembre et qui est resté à la tête de l’Ompi pendant 12 ans. Les cinq autres candidats sont originaires de Colombie, du Ghana, du Kazakhstan, du Pérou et de Singapour.

Aucun de ces candidats n’a reçu le soutien officiel des Etats-Unis, seul le singapourien, Daren Tang, qui dirige l’Office de la propriété intellectuelle de son pays, aurait eu les faveurs de Washington, selon des sources diplomatiques.

Dans une tribune publiée dans le Financial Times, le 23 février, Peter Navarro, principal conseiller en politique commerciale de la Maison Blanche, a écrit que «donner le contrôle de l’Ompi à un représentant de la Chine serait une terrible erreur».

L’ambassadeur américain auprès de l’ONU, Andrew Bremberg a expliqué qu’une étude récente du ministère américain de la Sécurité intérieure a montré que 85% des marchandises contrefaites saisies à la frontière américaine proviennent de Chine. «C’est un problème», a-t-il déclaré.

En réaction, l’ambassadeur chinois, Chen Xu, a qualifié l’«attaque» américaine d’«injuste», soulignant que ce n’était pas une «approche constructive». Il a assuré que son pays défend l’idée selon laquelle «la protection de la propriété intellectuelle protège l’innovation». Il a également ajouté que la Chine était l’un des principaux demandeurs de brevets au monde.

Selon le dernier classement annuel de l’Ompi sur les demandes internationales de brevet, les inventeurs américains ont conservé en 2018 leur première place. Mais leurs demandes ont stagné, tandis que la Chine a connu une forte croissance, et s’inscrit désormais à la deuxième place.

D’ailleurs, le géant chinois des télécommunications, Huawei, est celui qui a déposé en 2018 le plus grand nombre de demandes de brevets internationaux, selon ce classement.

Washington veut freiner l’influence de la Chine, et surtout empêcher Beijing de contrôler plus d’agence onusiennes. En effet, la Chine est à la tête de cinq d’entre elles sur les quinze grandes agences onusiennes : l’Union internationale des télécommunications, l’Organisation de l’aviation civile internationale, l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.

« Si l’Ompi est ajoutée à la liste chinoise, la Chine aurait alors des ressortissants à la tête d’un tiers des agences de l’ONU, alors qu’aucun autre pays n’en dirige plus d’une », selon Peter Navarro, qui appelle à «agir vite (…) pour contrecarrer les efforts plus larges de la Chine pour contrôler d’autres organisations internationales».

«Il n’y a aucun prétendu contrôle de la Chine ni intention de la Chine de dominer au moins en nombre les organisations internationales», lui répondu l’ambassadeur chinois à Genève.

Les Américains «tournent le dos à la coopération multilatérale et se retirent d’un certain nombre d’organisations internationales et ils sont les plus gros détenteurs réels du budget de l’ONU. Les Etats-Unis peuvent-ils donc pointer du doigt les autres?» a-t-il assuré.

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