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La Chine comparée à l’Allemagne nazie

Pour la seconde fois en deux ans, le président philippin, Benigno Aquino, a comparé la Chine à l’Allemagne nazie, ce mercredi 3 juin à Tokyo. Des propos vivement critiqués par les chinois, face à ces allusions et vindictes vis-à-vis des intentions territoriales de Beijing en Asie orientale.

En visite à Tokyo du 2 au 5 juin, afin d’inciter les entrepreneurs japonais à investir dans le pays, Benigno Aquino attend également le soutien du gouvernement nippon face aux revendications maritimes de la Chine.

Le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, et le Président des Philippines, Benigno Aquino, s'unissent contre la Chine
Le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, et le Président des Philippines, Benigno Aquino, s’unissent contre la Chine

Le président philippin Benigno Aquino a ainsi déclaré : « Je ne suis pas un historien professionnel, mais un étudiant amateur. On m’a rappelé comment l’Allemagne avait tâté le terrain pour comprendre la réaction future des puissances européennes à ses velléités d’occupation. Malheureusement, personne ne lui a demandé d’arrêter avant l’annexion de la Tchécoslovaquie », en référence à la montée en puissance militaire de la Chine en mer de Chine méridionale.

Cette comparaison est le seconde faite par Benigno Aquino, qui en février 2014, avait fait le parallèle entre la politique d’apaisement vis-à-vis de Hitler en Europe avant 1939 et l’impuissance à ses yeux de la communauté internationale à freiner les visées territoriales de Pékin en mer de Chine, dans une interview au New York Times.

Conflits territoriaux entre les deux pays

Dans son discours devant la Diète (Parlement japonais), le chef d’État philippin a réitéré ses craintes face aux travaux de construction par Beijing d’îles semi-artificielles en mer de Chine méridionale. Récemment, la Chine a débuté la construction d’une île artificielle sur le récif Mischief dans les Îles Spratleys.

Selon certains observateurs, il s’agit pour la Chine d’affirmer sa souveraineté dans une zone disputée par trois autres pays : les Philippines, le Vietnam et Taïwan. Des images satellites, diffusées en avril, ont été prises par la société Digital Globe et analysées par le think-tank Center for Strategic International Studies montrant le début des travaux en janvier 2015.

Pour Benigno Aquino, « la prospérité maritime et côtière de l’Asie de l’Est et du Sud-Est risque d’être perturbée par les tentatives de redessiner les limites et les droits géographiques en dehors du champ clairement conféré par la loi des nations ». Ce dernier a salué « le pacifisme incontestable du Japon après-guerre à l’opposé d’un pays avec lequel nous (Philippins et Japonais) avons eu des difficultés », une allusion claire contre la Chine.

Conflits territoriaux persistants

Beijing revendique 90% de la mer de Chine méridionale, mais le Vietnam, les Philippines, la Malaisie, le sultanat de Brunei et Taïwan ont aussi des prétentions sur ces eaux potentiellement riches en hydrocarbures. La zone est également un carrefour de routes maritimes importantes pour le commerce mondial.

Face aux travaux lancés par la Chine, le Japon et les Philippines ont répondu en effectuant  des manœuvres conjointes historiques dans la zone. Ces exercices navals scellent l’alliance entre ces deux nations ennemies de la Guerre du Pacifique. Ils ont eu lieu à moins de 300 kilomètres d’un récif contrôlé par les Chinois, et revendiqué par Manille.

En visite au Japon, le président philippin Benigno Aquino a annoncé l’ouverture de négociations avec le Japon, autorisant l’armée japonaise à utiliser des bases militaires philippines à des fins logistiques. Cet accord permettrait aux avions et aux bâtiments de l’armée nippone d’étendre leur rayon d’action en mer de Chine méridionale.

Le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, et Benigno Aquino ont tous deux évoqués ces discussions, et ont convenu d’ouvrir des négociations. En avril, des sources interrogées par l’agence Reuters révélaient que Tokyo envisageait de participer aux patrouilles aériennes menées par les États-Unis dans la zone, les Philippines deviendraient alors un point de ravitaillement.

Réactions vives de la Chine

Suite aux remarques du président philippin, le ministère chinois des Affaires étrangères a réagit rapidement, se disant profondément « choqué » et « mécontent des remarques sans fondement du dirigeant philippin », selon l’Agence France Presse. Hua Chunying, porte-parole du ministère a accusé les Philippines de « comploter sans cesse avec des pays extérieurs à la région pour semer le trouble et traîner la Chine dans la boue ».

De son côté, l’ambassadeur de Chine aux Philippines, Zhao Jianhua, a déclaré vendredi 5 juin que les récentes remarques de Benigno Aquino étaient « totalement inacceptables » et elles ont « gravement blessé les sentiments du peuple chinois ».

Ce dernier a invité le président philippin « à comprendre correctement l’histoire et à réfléchir correctement afin de déterminer ceux qui ont apporté des souffrances aux Philippins », a relevé Radio Chine Internationale. « C’est un acte irresponsable de comparer la Chine, un allié des Philippines au cours de la Seconde Guerre mondiale, à l’Allemagne nazie », a estimé Zhao Jianhua.

L’agence de presse Xinhua a évoqué certains médias dénonçant les déclarations du président philippin. Citant le site d’information World Socialist Web Sit, basé en Allemagne, qui a estimé que « Manille et Tokyo jouaient tous les deux un rôle crucial dans le plan de Washington visant à renforcer la pression militaire sur Beijing au sujet de la mer de Chine méridionale ».

Ajoutant que « les Philippines sous le gouvernement de M. Aquino ont été particulièrement provocatrices », le site a également assuré que « la Chine n’est pas une puissance impérialiste et elle ne menace d’envahir personne. »  

Des propos « excessifs » et « contre-productifs »

Pour le quotidien philippin The Manila Times  les déclarations du président Benigno Aquino sont « excessifs » et « contre-productifs ». Le quotidien critique vigoureusement les propos du président, se demandant : « Quel est le but recherché par Aquino ? Espère-t-il qu’une guerre chaude aura lieu dans la région entre les Etats-Unis et la Chine ? ».

« Les disputes territoriales ne devraient pas définir nos relations avec la Chine. Nous avons peut-être plus intérêt à avoir des relations amicales avec la Chine plutôt qu’à contribuer à l’escalade du conflit entre la Chine et les États-Unis« , note The Manila Times.

Le quotidien reproche également à Benigno Aquino d’avoir fait cette déclaration durant un voyage au Japon, pouvant « mettre mal à l’aise de potentiels investisseurs japonais ». 

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