jeudi, avril 25

Le Canada réfléchit à l’expulsion de diplomates chinois, la Chine hausse le ton

Le gouvernement canadien analyse à quel point les représailles de la Chine seraient difficiles pour le Canada si Ottawa décidait d’expulser des diplomates chinois, dont celui qui est accusé d’avoir ciblé le député conservateur Michael Chong et ses proches à Hong Kong.

La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a déclaré le 4 mai qu’elle avait demandé à son sous-ministre de convoquer l’ambassadeur de Chine au Canada, Cong Peiwu, concernant cette affaire, tout en précisant que l’expulsion pure et simple était une option.

Michael Chong, quant à lui, a déclaré le 4 mai que l’agence d’espionnage du Canada avait informé en 2021 le conseiller à la sécurité nationale du Premier ministre des menaces présumées contre le député et sa famille à Hong Kong. En effet, ce dernier est extrêmement critique sur le bilan de la Chine en matière des droits de la personne.

Cette affirmation semble contredire la version du premier ministre Justin Trudeau, qui soutenait que le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) avait choisi de ne pas partager cette information avec qui que ce soit.

Lors d’une audition, le 4 mai, au Comité des affaires étrangères des Communes, la ministre Mélanie Joly a confirmé les reportages selon lesquels le SCRS pense qu’un diplomate travaillant au consulat chinois à Toronto s’est intéressé aux proches du député Michael Chong à l’étranger.

Ce dernier est visé car il venait de parrainer en 2021 une motion aux Communes condamnant la conduite de Pékin au Xinjiang, qualifiée de « génocide ». Michael Chong soutient que l’agence ne l’a jamais informé des menaces qui pesaient sur lui et ses proches.

Expulser ou pas des diplomates chinois ?

Cependant lors d’un échange tendu avec Michael Chong, la ministre a déclaré que le gouvernement n’était pas certain de vouloir expulser le diplomate en question, comme le réclame l’opposition conservatrice.

« Nous évaluons les conséquences auxquelles nous serions confrontés en cas d’expulsion diplomatique, car il y aurait des conséquences », a-t-elle précisé. « Les intérêts économiques, les intérêts consulaires, mais aussi les intérêts diplomatiques seraient touchés. »

La ministre a rappelé la détention en 2018 par la Chine de Michael Kovrig et Michael Spavor, des arrestations largement considérées comme des mesures de représailles contre l’interpellation à Vancouver de la dirigeante de Huawei Meng Wanzhou, à la demande des États-Unis. La Chine avait alors limité également certaines importations canadiennes, telles que le canola et la viande de porc.

« Nous subissons des pressions pour procéder rapidement », a expliqué Mélanie Joly. « Nous devons également nous assurer que nous protégeons notre démocratie, et c’est pourquoi nous prendrons des mesures à la lumière des faits qui sont présentés concernant votre cas. »

La ministre a déclaré lors d’un point presse qu’elle déciderait « très bientôt » si un ou plusieurs diplomates chinois seraient renvoyés chez eux. Elle a chargé le 4 mai son sous-ministre de préciser à l’ambassadeur chinois, Cong Peiwu, que le Canada ne tolérerait aucune forme d’ingérence étrangère.

Dans un communiqué réagissant à cette convocation, l’ambassade de Chine à Ottawa a affirmé que l’ambassadeur Cong Peiwu « a vivement protesté contre la menace du Canada d’expulser des diplomates chinois sur la base de rumeurs médiatiques ».

L’ambassade accuse par ailleurs certains politiciens canadiens de vouloir « marquer des points politiques » en s’en prenant à la Chine. « La Chine exhorte le Canada à cesser immédiatement cette farce politique », a indiqué l’ambassade de Chine dans le communiqué. « Si les provocations du Canada se poursuivent, la Chine y répondra à chaque étape, jusqu’à la fin. »

Passe d’arme entre Michael Chong et Mélanie Joly

Lors de la période des questions en Chambre, Michael Chong a déclaré que Jody Thomas, l’actuelle conseillère à la sécurité nationale du Premier ministre, lui avait dit que le SCRS avait fourni à son prédécesseur une évaluation des renseignements de juillet 2021 indiquant que sa famille était ciblée par un diplomate chinois.

Or, selon Michael Chong, Jody Thomas lui a dit que le SCRS avait envoyé ces informations au conseiller à la sécurité nationale de l’époque, au Bureau du Conseil privé ainsi qu’à d’autres ministères concernés. Or Justin Trudeau a déclaré le 3 mai que le SCRS avait déterminé que les informations sur les menaces contre Michael Chong et ses proches n’avaient pas besoin d’être partagées « parce que ce n’était pas une préoccupation suffisamment importante ».

Le premier ministre a soutenu qu’il n’avait entendu parler de cette affaire que dans un article du Globe and Mail, lundi, qui citait des documents ultrasecrets. Justin Trudeau a déclaré qu’il avait ordonné aux agences de renseignement d’informer immédiatement les députés de toute menace à leur encontre, que ces menaces soient ou non considérées comme crédibles.

Interrogé sur les allégations de Michael Chong, Justin Trudeau a répondu : « Pas de commentaire« . Or le député ontarien a demandé le 4 mai au Premier ministre et au gouvernement fédéral de « rectifier les faits » et de préciser si ce rapport et ces informations ont effectivement été transmis aux ministères et au Bureau du Conseil privé.

Mais le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a soutenu que son gouvernement n’avait appris l’information que lundi. S’adressant au comité des Communes, Mélanie Joly a exprimé sa sympathie pour Michal Chong : « Je ne peux pas imaginer le choc et l’inquiétude d’apprendre que vos proches ont été ciblés de cette manière ».

« Alors pourquoi ce diplomate est-il toujours là?« , a-t-il demandé. Le chef conservateur, Pierre Poilievre, a lui présenté une motion à la Chambre des communes demandant aux députés d’exiger du gouvernement qu’il adopte des mesures contre les menaces d’ingérence étrangère, en expulsant notamment des diplomates chinois.

De son côté, le ministère chinois des Affaires étrangères a minimisé les allégations selon lesquelles la Chine tenterait d’intimider Michael Chong et ses proches. «La Chine s’oppose à toute ingérence dans les affaires intérieures d’un pays. Nous ne nous ingérons jamais dans les affaires intérieures du Canada et n’avons aucun intérêt à le faire. Dans le même temps, nous sommes déterminés à préserver notre souveraineté, notre sécurité et nos intérêts en matière de développement et à nous opposer aux actions qui interfèrent dans les affaires intérieures de la Chine et nuisent à ses intérêts», a indiqué Mao Ning, porte-parole de la diplomatie chinoise.

Rapport de 2022 du SCRS charge la Chine

Pendant ce temps, le SCRS a déposé au Parlement le 4 mai un rapport public de 2022 sur les manières dont il considère que la Chine tente de se mêler des affaires canadiennes. L’agence de renseignement a indiqué que des affiliés infranationaux du ministère chinois de la Sécurité publique avaient mis en place trois « postes de police » au Canada sans l’autorisation d’Ottawa.

Lire aussi : La Gendarmerie royale enquête sur de possibles «postes de police» chinois au Canada

De plus, selon le rapport du SCRS, « des représentants de divers organismes d’enquête chinois sont venus au Canada, souvent sans en informer les forces de l’ordre locales, et ont employé menaces et intimidation pour tenter d’obliger des citoyens et des résidents permanents du Canada d’origine chinoise soi-disant en fuite à retourner en République populaire de Chine (RPC) ».

Le SCRS a réitéré ses alertes selon lesquelles la Chine a adopté des politiques et des plans stratégiques qui « visent à profiter de la nature ouverte, transparente et collaborative du secteur de la recherche et de l’innovation du Canada pour servir les intérêts militaires, économiques et liés au renseignement de la RPC » (République populaire de Chine).

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