samedi, mai 24

Les implications mondiales du plan de relance de la Chine

De Project Syndicate, par Shang-Jin Wei – Le lancement du nouveau plan de relance chinois n’est pas une coïncidence. Publié juste avant le 75e anniversaire de la République populaire, l’annonce a été bien accueillie par les investisseurs en actions, entraînant une hausse de plus de 15% des principaux indices boursiers du pays.

Ce nouveau plan rappelle le plan de relance de 4 000 milliards de yens (568 milliards de dollars) mis en place par la Chine fin 2008 pour protéger son économie de la crise financière mondiale de 2008-2010. Ce plan précédent avait permis à la Chine de devenir l’une des seules grandes économies à ne pas avoir subi de grave récession et avait même porté la croissance réelle du PIB chinois à 10% en 2010. Il avait également stimulé la demande mondiale des autres pays, ce qui était indispensable.

Cette fois, l’impact mondial du plan de relance chinois dépendra de plusieurs facteurs clés, notamment sa taille et sa portée, son succès dans l’amélioration de la croissance intérieure et la force des liens économiques du pays avec d’autres pays.

Le plan de relance actuel comporte trois volets principaux : 

  • Premièrement, il accroît la liquidité en réduisant les taux d’intérêt de base de 20 points de base, les taux hypothécaires de 50 points de base et le taux de réserves obligatoires des banques commerciales de 50 points de base.
  • Deuxièmement, il vise à relancer le secteur immobilier en abaissant l’apport minimum pour l’achat d’un logement neuf. Ce plan est complété par des mesures supplémentaires des collectivités locales visant à stimuler la demande de logements.
  • Troisièmement, de nouvelles mesures budgétaires, qui seront bientôt mises en œuvre, comprendront probablement des transferts monétaires aux ménages à faibles revenus et aux familles avec de jeunes enfants.

La récente flambée des cours des actions chinoises pourrait refléter les anticipations d’une hausse de l’inflation, qui augmenterait les bénéfices nominaux, et l’anticipation d’un renforcement des fondamentaux des entreprises et de l’économie dans son ensemble. Ces deux composantes ont des implications différentes pour l’économie chinoise et le reste du monde.

À ce stade, l’économie chinoise pourrait bénéficier d’une légère inflation. En septembre 2023, j’affirmais que la Chine aurait dû mettre en œuvre un plan de relance à grande échelle pour éviter de sombrer dans une spirale dette-déflation. Autrement dit, le plan de relance actuel aurait dû intervenir un an plus tôt. Mais mieux vaut tard que jamais.

À en juger par les réactions des marchés financiers, le plan de relance semble avoir apaisé les inquiétudes quant à la volonté et à la capacité du gouvernement à prendre des mesures audacieuses pour stimuler la croissance économique. Les investisseurs boursiers semblent désormais plus confiants quant à la capacité de la Chine à redresser son économie et à enregistrer une croissance plus forte au dernier trimestre de cette année et jusqu’en 2025.

La Chine et le reste du monde devront attendre de voir si cet optimisme se traduira par une confiance accrue des consommateurs, des investissements réels des entreprises privées et publiques, et une reprise des investissements directs étrangers dans les mois et les années à venir. Les retombées positives sur l’économie mondiale seraient également plus importantes si elles étaient portées par des fondamentaux économiques chinois plus solides que par une simple hausse des prix nominaux.

Parmi les économies développées, l’Australie et la Corée du Sud sont celles qui bénéficieraient le plus d’un rebond économique en Chine, surtout si celui-ci s’accompagne d’une reprise, même partielle, du secteur immobilier, ce qui stimulerait la demande de minerai de fer et d’autres matières premières australiens. La Corée du Sud, qui abrite des fournisseurs clés des chaînes de valeur régionales et mondiales de la Chine, connaîtrait probablement une demande accrue pour ses exportations industrielles.

Si les ménages chinois se montrent plus enclins à dépenser, les pays producteurs de produits de luxe ou attirant les touristes chinois, comme la France et l’Italie, pourraient en bénéficier considérablement dans les mois à venir, notamment à l’approche du Nouvel An chinois, fin janvier. En revanche, les États-Unis devraient connaître des gains plus limités cette fois-ci, en raison des nombreuses restrictions commerciales et interdictions d’exportation de technologies imposées à la Chine ces dernières années.

Le Japon a été l’un des principaux bénéficiaires du plan de relance chinois de 2008. De nombreuses entreprises japonaises, à l’instar de leurs homologues sud-coréennes, ont été des fournisseurs clés des entreprises chinoises. Le Japon est également une destination prisée des touristes chinois. Si l’annonce du plan de relance chinois n’a suscité que peu d’enthousiasme à la Bourse de Tokyo, les médias suggèrent que les inquiétudes concernant la politique économique du nouveau Premier ministre japonais, Ishiba Shigeru, pourraient avoir éclipsé les gains escomptés.

Dans le monde en développement, les pays d’Asie du Sud-Est comme la Thaïlande et la Malaisie, ainsi que les principaux producteurs de matières premières comme le Chili et l’Argentine, pourraient bénéficier d’une augmentation de la demande chinoise en matières premières et en intrants industriels.

Le plan de relance constitue une première étape importante pour relancer la croissance chinoise. Pour que la Chine puisse exploiter pleinement son potentiel de croissance à long terme, elle doit également mettre en œuvre davantage de réformes structurelles. Cela impliquera notamment de nouvelles améliorations du climat des affaires pour toutes les entreprises, en particulier les entreprises non publiques et étrangères. De telles réformes encourageraient les entrepreneurs à investir et à innover davantage, et inciteraient les ménages à dépenser davantage. Une croissance chinoise plus forte améliorerait non seulement le bien-être de ses citoyens, mais générerait également des retombées positives plus importantes pour le reste du monde.

Shang-Jin Wei, ancien économiste en chef de la Banque asiatique de développement, est professeur de finance et d’économie à la Columbia Business School et à la School of International and Public Affairs de l’Université Columbia.

Droits d’auteur : Project Syndicate, 2024.
www.project-syndicate.org

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