dimanche, avril 7

Chine vs États-Unis : pourquoi de nombreux Chinois soutiennent Trump ?

De notre stagiaire Julia Peillon – Le 5 avril, le président américain Donald Trump a annoncé avoir ordonné à son ministère du Commerce d’examiner la possibilité d’imposer 100 milliards de dollars de nouveaux droits de douane. Si ces mesures étaient appliquées, 150 milliards de produits chinois seraient visés par une taxe d’au moins 25%.

Alors que la guerre commerciale entre les deux pays s’intensifie, les médias officiels du Parti communiste chinois ont lancé une campagne de dénigrement de l’économie américaine. Leur nouvelle devise : « Se battre jusqu’au bout ! ». Cependant, un grand nombre de voix discordantes s’élèvent sur Internet.

Le 7 avril, sur kdnet.net, un média et forum en ligne populaire en Chine continentale, un article signé You Bin, intitulé « Pourquoi tant de Chinois soutiennent Trump dans la guerre commerciale ? », a été publié. Ce texte révèle les raisons pour lesquelles la Chine impose des restrictions sur l’importation des produits pharmaceutiques et les conséquences tragiques d’une telle restriction sur la population chinoise.

Voici ce qu’il dit :

 « Le 3 avril dernier, les États-Unis ont publié une liste des produits chinois importés soumis à de nouveaux droits de douane. Ainsi, 25 % de taxes pourraient être appliqués sur approximativement 50 milliards de dollars d’importations chinoises.

En retour, la Chine a annoncé qu’elle appliquerait, elle aussi, une taxe de 25 % sur les produits importés américains tels que le soja (et d’autres produits agricoles), l’automobile, les produits chimiques et l’aéronautique, qui représentent, eux-aussi, près de 50 milliards de dollars d’importation.

Sur Internet, tous sont unanimes : Trump mène une guerre commerciale contre la Chine. Pourtant, lorsque j’ai débuté mes recherches sur les conséquences possibles d’une telle guerre, je me suis aperçu qu’un nombre considérable de Chinois ne soutenaient pas le gouvernement chinois. Ils ne sont en rien des traîtres, leur raison est louable et douloureuse.

Certains patients atteints d’un cancer critiquent la taxation de la Chine des produits médicamenteux contre le cancer, les hépatites ou la leucémie. Chaque année, la Chine recense 4,29 millions de nouveaux cas de cancer (soit 20 % des cas dans le monde) et 2,81 millions de décès des suites de la maladie. Une grande partie des médicaments efficaces, du fait qu’ils soient importés, sont beaucoup plus chers en Chine continentale que dans d’autres pays. Pour endiguer ce problème, les malades et leurs familles, livrés à eux-mêmes, n’ont d’autre choix que de courir à gauche à droite pour trouver le traitement, de se fournir en dehors du pays quitte à enfreindre la loi, ou encore de confier l’achat de médicaments à des amis qui vivent à l’étranger…  La Chine a progressivement supprimé les taxes douanières appliquées aux traitements anticancéreux, mais les autres restrictions sur les médicaments importés expliquent, en Chine continentale, les prix si élevés. Ils sont, à l’inverse, bien plus bas à Hong Kong.

Les traitements contre cancer, la leucémie et les hépatites sont à la base déjà coûteux. En raison, en Chine, de divers facteurs tels que les droits de douane, le prix peut vite être décuplé. Si la boîte d’IRESSA 250 mg (médicament indiqué dans le traitement du cancer du poumon) coûte 10,3 dollars aux États-Unis, il faudra débourser jusqu’à 500 yuans (79 dollars) en Chine pour s’en procurer. Les patients gravement malades sont nombreux à devoir dépenser chaque mois plusieurs milliers de yuans pour avoir accès à ces traitements, ce qui suffit à plonger une famille aisée dans la misère.

Les taxes douanières ne sont pas le seul problème. En Chine, l’importation des médicaments étrangers les plus récents n’est possible qu’à condition que les autorités de régulation chinoises accordent, après un contrôle strict, une autorisation de mise sur le marché. Alors que ce processus ne dure qu’un an environ dans les autres pays, il peut prendre entre trois et cinq ans en Chine. Il a par exemple fallu dix années à la Chine pour autoriser le vaccin contre le cancer de l’utérus, quand bien même il donnait d’excellents résultats dans les autres pays. Pourtant, il constitue le deuxième cancer le plus fréquent chez les femmes entre 15 et 44 ans, après le cancer du sein. 130 000 nouveaux cas sont recensés chaque année dans le pays ; si le vaccin avait été autorisé plus tôt, la vie de 100 000 femmes aurait pu être épargnée.

L’augmentation des droits de douane et le contrôle strict des médicaments importés sont dans une large mesure dus à la volonté de l’État de protéger l’industrie pharmaceutique chinoise, mais cela a eu des conséquences tragiques. Seuls les individus les plus riches et les plus puissants ont accès à ces traitements. Il existe donc une inégalité criante entre les Chinois dans le droit à la vie.

Le cas des préparations pour nourrissons est similaire à celui des médicaments. De nombreux magasins à l’étranger ont vu déferler une clientèle chinoise désireuse de se procurer du lait en poudre. Pour éviter la pénurie, certains supermarchés ont mis en place des restrictions destinées à cette clientèle. D’autres sont même allés jusqu’à griffonner au feutre sur les boîtes de lait en poudre pour dissuader l’achat. On ne compte plus de fois où les Chinois, voulant simplement acheter du lait pour bébé, ont été humiliés. Alors qu’autrefois le client était roi, il ne reçoit aujourd’hui que mépris.

Les taxes imposées aux médicaments et aux laits en poudre importés sont un moyen pour la Chine de protéger les industries nationales de la concurrence, mais elles peuvent aussi avoir l’effet inverse de celui escompté : ces industries vivent aux crochets de l’État. Je me souviens avoir vu à la télévision un responsable de la Dairy Association of China (association laitière chinoise) qui se réjouissait de la part de marché occupée par le lait en poudre chinois, sans préciser que ce dernier ne survivait que grâce à l’aide de l’État. Il en est de même pour les médicaments. Les mesures prises par l’État pour protéger son industrie pharmaceutique n’ont fait que favoriser la prolifération de médicaments de mauvaise qualité.

Cette problématique s’étend à d’autres secteurs. Le prix des voitures est deux, voire trois fois plus élevé en Chine qu’ailleurs, sans parler du marché du luxe. Les divers restrictions, au lieu de favoriser le développement des industries nationales, ont entraîné la multiplication des entreprises vivant aux crochets de l’État. Elles ont en revanche eu de lourdes conséquences sur la vie des Chinois.

J’estime que la libéralisation du pays permettrait à elle seule de réduire le déficit commercial et de sauver des vies. Il est inutile de forcer les industries nationales à se développer, alors même que ce développement a été rendu impossible par des tarifs trop élevés. Réduire le déficit commercial, favoriser l’accès aux soins de la population, stimuler l’innovation scientifique et technologiques au sein des industries : les avantages seraient considérables. »

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