dimanche, avril 21

Comment un panda peut attiser le sentiment antiaméricain en Chine

Sur les réseaux sociaux chinois, les fausses accusations de maltraitance envers les pandas prêtés par la Chine aux zoos américains, explosent.

Dans l’enclos herbeux d’un zoo à Washington, la femelle panda Mei Xiang et ses compagnons sont au centre d’une campagne de désinformation attisant le sentiment antiaméricain en Chine.

Un déluge d’affirmations sans preuves sur la maltraitance de pandas dans des zoos américains a déferlé ces derniers mois sur les réseaux sociaux chinois, dans un contexte de relations tendues entre la Chine et les Etats-Unis.

Ces fausses informations, amplifiées par des influenceurs, remettent en question la «diplomatie du panda» de la Chine, qui consiste à offrir ou à prêter ces animaux à d’autres pays en signe d’amitié.

Des images détournées circulent sur le net

Une vidéo virale circulant sur plusieurs plateformes chinoises comme Weibo et Douyin a relayé la thèse selon laquelle Mei Xiang a été maltraitée par le zoo Smithsonian de Washington et a subi des dizaines d’inséminations artificielles douloureuses. Une campagne passionnée s’est ensuivie pour qu’elle soit «sauvée» et ramenée en Chine.

Le zoo américain n’a pas voulu commenter cette campagne. Mais selon les journalistes de fact-checking de l’Agence France Presse, la vidéo montre un panda mâle subissant un bilan de santé et un prélèvement de sperme en 2015 à Singapour.

En avril, le retour par avion du panda Ya Ya a également fait polémique. Amaigri, fatigué, le panda géant souffre d’une maladie génétique, selon les vétérinaires américains. Mais pour les réseaux sociaux chinois, Ya Ya aurait manqué de soins, voire aurait été maltraitée.

Durant plusieurs semaines, les réseaux chinois ont assurés que « les États-Unis en veulent à notre panda ! » Or, depuis la disparition de son compagnon, mort d’une crise cardiaque en janvier 2023, Ya Ya avait perdu du poids. Le panda géant âgé de 23 ans était très bien traité, mais il souffrait d’une maladie génétique, ont expliqué les spécialistes aux États-Unis.

Nationalisme et méfiance

Dans d’autres messages publiés sur les réseaux sociaux, une image prétend montrer le compagnon de Mei Xiang, Tian Tian, sous sédatifs et immobilisé pendant un examen. Mais la photo montre en fait un panda de la province chinoise du Fujian pendant un examen en 2005, selon le laboratoire de recherche numérique de l’Atlantic Council (DFRLab).

«La détérioration des relations entre les États-Unis et la Chine se répercute désormais dans le discours chinois», a indiqué ce laboratoire dans un rapport. Les fausses informations sur les pandas trouvent leur source profonde «dans le nationalisme chinois et la méfiance à l’égard de l’Occident», a expliqué le DFRLab.

Zoo party : «Panda Palooza»

Fin septembre 2023, des journalistes de l’Agence France Presse à Washington ont vu Mei Xiang et Tian Tian dévorant paisiblement des friandises dans leur enclos. Le zoo organisait une grande fête, le «Panda Palooza», pour faire ses adieux aux deux mammifères et à leur petit, Xiao Qi Ji, qui repartiront en Chine en décembre à la fin du contrat de prêt avec Pékin.

Un autre panda, Ya Ya, a été renvoyé en Chine par le zoo de Memphis en avril. Cet animal avait lui aussi été au centre d’une furieuse campagne de désinformation en Chine. Le zoo a ainsi été accusé, sans preuve, d’avoir causé la mort de Le Le, le compagnon de Ya Ya. Des internautes ont affirmé que les gardiens du zoo avaient poignardé le panda et vendu ses yeux.

Le zoo a vigoureusement démenti cette campagne de «désinformation». D’ailleurs, l’Association chinoise des jardins zoologiques a également décidé de s’exprimer en assurant que les pandas de Memphis étaient «traités de façon excellente».

Le quotidien conservateur Global Times a rapproché la controverse sur Ya Ya aux mauvaises relations sino-américaines. «Si cela ne s’était pas produit à un moment où Washington intensifie sa politique d’endiguement et ses mesures hostiles contre la Chine, cette affaire n’aurait pas suscité un tel émoi», a indiqué un éditorial en mars. Aux États-Unis, les observateurs estiment que la Chine tolère, voire encourage, ce sentiment antiaméricain.

Attiser la mésentente entre la Chine et les Etats-Unis

«La désinformation sur le traitement des pandas est un moyen commode d’attiser ces flammes», a indiqué à l’AFP Isaac Stone Fish, directeur général de Strategy Risks, une société d’analyse de données spécialisée sur la Chine.

Ces fausses informations ont provoqué des appels à suspendre les échanges de pandas avec les États-Unis, l’un des rares domaines de coopération qui subsiste entre les deux pays.

Les zoos de San Diego et d’Atlanta ont déjà rendu leurs pandas ou doivent les rendre à la Chine d’ici 2024. Sans extension ou nouveau prêt, les zoos américains risquent de ne plus avoir un seul spécimen pour la première fois depuis 50 ans.

«Cette campagne est particulièrement triste au vu du rôle crucial de la ‘diplomatie du panda’ dans la promotion de relations positives entre la Chine et l’Occident», a déploré auprès de l’AFP Darren Linvill, professeur à l’université de Clemson. Pour l’expert, il s’agit d’«un symptôme malheureux de l’état actuel des relations entre les deux puissances».

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *