
Le musée Guimet a rejeté les accusations d’invisibilisation du terme « Tibet », assurant que le Tibet est « très présent et mis en valeur à travers l’affichage des cartels ».
Depuis le 2 juillet, le musée est visé par un recours en justice, engagé par des associations qui l’accusent d’avoir remplacé l’appellation « Tibet » par « Monde himalayen » ou « Art tibétain » sur ses collections. Elles pointent également du doigt la proximité du musée avec la Chine.
« Depuis le mois de février 2024, l’appellation Tibet (…) a été remplacée par l’appellation Monde himalayen ou Art tibétain », a indiqué le recours administratif déposé par quatre associations, qui soupçonnent le musée Guimet de « vouloir semer la confusion sur le particularisme culturel du Tibet dans l’objectif – politique – d’effacer l’existence du Tibet ».
Haut lieu de l’art asiatique, le musée national Guimet rejette ces accusations et réfute notamment, dans une déclaration à l’Agence France Presse, chercher à « invisibiliser une culture, encore moins à nier l’identité tibétaine ».
Les Tibétains en exil accusent Pékin de vouloir faire disparaître la culture de cette ancienne théocratie bouddhiste, devenue en 1965 une des « régions autonomes » de la Chine après des mouvements de révolte.
Depuis quelques années, dans ses communications officielles en langue non-chinoise, Pékin délaisse l’expression « région autonome du Tibet » pour privilégier celle de « région autonome du Xizang ».
En France, la polémique avait surgi en 2024 lorsqu’une tribune d’une trentaine de chercheurs accusait le musée Guimet et le musée du Quai Branly, dédié aux Arts premiers, de « courber l’échine » devant la Chine en supprimant le mot Tibet et de se plier à ses « desiderata (…) en matière de réécriture de l’histoire ».
Défendues par Mes Lily Ravon et William Bourdon, les quatre associations françaises de défense des Tibétains ont pris le relais. Elles ont mit en demeure le musée Guimet pour qu’il modifie sa position avant de saisir le 2 juillet la justice administrative.
« Excès de pouvoir »
Dans le détail, leur recours dénonce un « excès de pouvoir » caractérisé par un courrier du 5 mai 2025 dans lequel le musée oppose une fin de non-recevoir à leur demande de supprimer les expressions « Monde himalayen » et « art tibétain« , sur ses cartels ou son site internet.
Selon les associations, ces termes ne répondent « à aucune logique scientifique ni historique » et « viole » la mission assignée, dans ses statuts, à ce musée de « favoriser la connaissance de (ses) collections » et de concourir « à l’éducation, la formation et la recherche« .
« Alors que 4 des 5 membres du conseil d’administration du musée sont notoirement proches du pouvoir chinois, il est difficile de ne pas voir un sous-jacent politique et un choix délibéré du musée Guimet de se conformer aux exigences du lobbying chinois relayé complaisamment en France », ont indiqué Mes Ravon et Bourdon dans une déclaration à l’AFP.
Les requérants demandent à la justice administrative d’obliger le musée de rétablir dans ses collections le mot « Tibet » pour présenter les salles d’expositions, sur les cartels accompagnant les objets d’art ou dans les brochures.
Réponse du musée
En réponse, le musée assure que le « Tibet est très présent et mis en valeur [en son sein, NDLR] à travers l’affichage des cartels, sur lesquels figurent bien les termes Tibet et tibétain ».
De plus, le terme Tibet figure « 23 fois » dans le nouveau guide des collections d’avril 2025, a indiqué le musée auprès de l’AFP. L’institution comprend que ces changements de terminologie « puissent susciter des réactions », mais la justifie par la volonté de « mieux refléter la réalité historique et culturelle » de ses collections et d’une région qui « dépasse largement les frontières politiques actuelles ou passées ». « Il ne s’agit en aucun cas d’une réponse à des pressions extérieures », a souligné le musée. De son côté, Pékin a déjà été accusé dans le passé de pressions sur des établissements culturels.
Fin 2020, le musée d’histoire de Nantes (ouest) avait reporté une exposition consacrée à l’histoire de Gengis Khan et de l’empire mongol en raison d’un « durcissement » de la Chine à l’encontre de la minorité mongole. Ce musée avait affirmé avoir subi « une injonction des autorités centrales chinoises à faire disparaître de l’exposition des éléments de vocabulaire [les mots Gengis Khan, empire et mongol] ». L’exposition s’était finalement tenue fin 2023.