vendredi, septembre 26

Donald Trump est-il un agent secret des BRICS ?

De Project Syndicate, par Jim O’Neill – La vie sous la deuxième administration du président américain Donald Trump est souvent déroutante et étrange, notamment son traitement des BRICS+ (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, plus cinq nouveaux entrants) et le risque que ce groupe représente pour la puissance et l’influence américaines. À en juger par ses propos, Trump semble vouloir empêcher le bloc des grandes économies émergentes de remettre en cause le système de gouvernance mondiale dirigé par les États-Unis. Mais à en juger par ses actes, on pourrait croire qu’il souhaite l’aider à poursuivre ses ambitions mondiales.

Prenons l’exemple du traitement bilatéral de Trump envers les différents pays des BRICS. Comparé à beaucoup d’autres ciblés par sa guerre commerciale mondiale, il s’est montré plutôt clément envers la Chine et la Russie – deux régimes non démocratiques dont il admire sincèrement les dirigeants « hommes forts ». Certes, sa modération reflète peut-être une réticence à provoquer des réactions économiquement désastreuses de la part des marchés ou d’autres gouvernements. Après les droits de douane du « Jour de la Libération », auxquels la Chine a réagi en suspendant également ses exportations de terres rares, les marchés américains et le dollar se sont effondrés, et les rendements de la dette publique américaine ont flambé.

Mais Trump s’est montré beaucoup moins avare envers les autres, ce qui a produit des résultats plutôt étranges. Pourquoi se montre-t-il si agressif envers des pays traditionnellement amis comme la Suisse ? Les petites économies n’ont guère d’impact sur la balance commerciale américaine globale, dont il prétend se soucier, et les abus arbitraires dont elles sont victimes encourageront les autres à réduire leur dépendance au marché américain à long terme.

Il y a ensuite la Russie. Si Trump menace et réprimande occasionnellement le président Vladimir Poutine, il semble plus souvent désireux d’assouplir les sanctions occidentales, de normaliser les relations américano-russes et de conclure des accords commerciaux avec le Kremlin. En revanche, il s’en est pris violemment au Brésil en réponse aux poursuites engagées contre l’ancien président Jair Bolsonaro. Mais si le plus grand pays d’Amérique latine est désormais soumis à des droits de douane de 50% sur ses exportations vers les États-Unis, il est globalement moins exposé aux échanges commerciaux. De plus, ses échanges commerciaux les plus importants se font principalement avec la Chine, membre des BRICS.

L’Inde a également subi un traitement particulièrement sévère, avec notamment des droits de douane de 50% sur ses exportations vers les États-Unis. Peu après l’investiture de Trump, nombreux étaient ceux qui suggéraient que l’Inde serait en tête de liste pour un nouvel accord commercial, compte tenu de l’amitié passée du Premier ministre indien Narendra Modi avec Trump. Mais l’Inde a toujours fait preuve d’une certaine indépendance diplomatique, et ses achats de pétrole brut russe ont apparemment contrarié Trump, compte tenu de ses efforts pour orchestrer une fin rapide de la guerre en Ukraine.

S’aliéner le pays le plus peuplé du monde est toutefois risqué. Si les États-Unis souhaitent contenir la Chine, il serait utile de maintenir un partenariat étroit avec l’Inde. Suite à la visite amicale de Trump auprès d’un haut responsable militaire pakistanais, l’Inde pourrait être davantage tentée de répondre positivement aux ouvertures chinoises. Ce mois-ci, Modi effectue sa première visite en Chine depuis sept ans.

Comme je l’ai déjà avancé, si seulement la Chine et l’Inde parvenaient à dépasser leurs divergences et à développer des liens plus étroits, cela changerait la donne pour les BRICS+, sans parler du commerce asiatique et même mondial. L’influence des États-Unis s’amenuiserait et davantage de pays deviendraient dépendants des deux géants asiatiques.

Il convient de rappeler le récent sommet du G7 au Canada, où Trump avait estimé que le retrait de la Russie du groupe après son invasion initiale de l’Ukraine en 2014 avait été une erreur, et que de tels rassemblements devraient probablement inclure la Chine. Comme je l’avais noté à l’époque, ses propos étaient tout à fait pertinents. J’avais avancé un point similaire dans mon document initial de 2001 sur les BRIC, où je suggérais que le G8, qui incluait alors la Russie, devrait inclure la Chine, le Brésil et l’Inde, et que sa branche européenne devrait être consolidée au sein de l’Union européenne (plutôt que d’avoir des membres distincts pour la France, l’Allemagne et l’Italie).

Je serais encore favorable à de tels changements aujourd’hui. Malheureusement, Trump fait le contraire : il se montre indulgent envers la Chine et la Russie tout en écartant le Brésil, l’Inde, l’Afrique du Sud et les autres membres du G7, qui sont aussi les États-Unis. Ce faisant, il donne aux BRICS+ et à d’autres une raison encore plus forte de développer des alternatives à l’ordre international dirigé par l’Occident.

Ce dont le monde a besoin aujourd’hui, c’est d’un G20 amélioré, avec des sièges à la table pour les économies les plus importantes et les puissances émergentes. Or, les États-Unis doivent accueillir le G20 en 2026. C’est l’occasion idéale pour Trump de faire preuve de leadership mondial. Quant à savoir s’il en sera capable, c’est une autre histoire.

Jim O’Neill est un ancien ministre du Trésor britannique et un ancien président de Goldman Sachs Asset Management.

Droits d’auteur : Projet Syndicate, 2025.
www.project-syndicate.org