mardi, avril 23

Droits humains: Michelle Bachelet défend sa visite controversée en Chine

La Haute-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU a condamné le 28 mai en Chine les mesures « arbitraires » visant les musulmans du Xinjiang.

Lors d’une conférence de presse en ligne organisée à la fin de son séjour dans le pays, Michelle Bachelet a rappelé que sa visite ne constituait « pas une enquête ».

« Je devrais dire dès le départ que cette visite n’était pas une enquête », a dit Mme Bachelet lors d’un point de presse à Guangzhou, au nord de Hong Kong. « Cette visite a été l’occasion d’avoir des discussions directes – avec les plus hauts dirigeants chinois – sur les droits de l’homme, de s’écouter, de soulever des préoccupations, d’explorer et d’ouvrir la voie à des interactions plus régulières et significatives à l’avenir, en vue de soutenir la Chine dans l’accomplissement de ses obligations en vertu du droit international des droits de l’homme ».

UNE RÉGION TROUBLÉE

Pour cette dernière, ce séjour de six jours lui a cependant permis de parler avec « franchise » aux dirigeants communistes de la politique sécuritaire menée au Xinjiang (nord-ouest) dans le cadre de sa lutte contre le terrorisme.

Cette région autonome de Chine a longtemps été frappé par des attentats sanglants visant des civils et commis par des séparatistes et islamistes ouïghours, principal groupe ethnique de la région.

Le Xinjiang fait ainsi l’objet depuis quelques années d’une surveillance draconienne. Des études occidentales accusent Pékin d’avoir interné plus d’un million de Ouïghours et de membres d’autres groupes ethniques musulmans dans des « camps de rééducation« , voire d’imposer du « travail forcé » ou des « stérilisations forcées ».

La Chine dénonce des rapports biaisés et parle de « centres de formation professionnelle » destinés à développer l’emploi et à éradiquer l’extrémisme. Elle dément toute « stérilisation forcée » et « travail forcé » dans la région.

Michelle Bachelet a indiqué avoir « soulevé des questions et des préoccupations concernant l’application des mesures de lutte contre le terrorisme et de déradicalisation et leur large application – en particulier leur impact sur les droits des Ouïghours et d’autres minorités à prédominance musulmane ».

LES ASSOCIATIONS VEULENT PLUS DE FERMETÉ

Les autorités chinoises attestent que les Ouïghours, basés dans ces centres/camps, y sont pour des raisons mineures telles que qu’une barbe trop longue, un voyage suspect à l’étranger ou des croyances religieuses jugées trop poussées.

Michelle Bachelet a indiqué que « bien que je ne sois pas en mesure d’évaluer l’ampleur réelle des Centres d’enseignement et de formation professionnels (VETC), j’ai noté auprès du gouvernement l’absence de contrôle judiciaire indépendant concernant le fonctionnement du programme, le recours par les responsables de l’application des lois à 15 indicateurs pour déterminer les tendances à l’extrémisme violent, les allégations de recours à la force et de mauvais traitements dans les institutions, et les informations faisant état de restrictions excessivement sévères des pratiques religieuses légitimes ».

Elle a appelé la Chine à éviter les mesures « arbitraires et sans discernement » au Xinjiang, tout en dénonçant les « actes violents d’extrémisme ».

Des paroles jugés trop conciliantes par le Congrès mondial ouïghour, organisation d’exilés basée en Allemagne et considérée comme séparatiste par Pékin. « Si une Haute-Commissaire aux droits de l’homme garde le silence, c’est qu’elle manque à ses devoirs », a-t-il fustigé dans un communiqué. « Démissionner est la seule chose significative qu’elle puisse faire ».

De son côté, l’organisation de défense des droits humains Amnesty International a déploré le fait que Michelle Bachelet soit tombée dans une « très prévisible manoeuvre de propagande du gouvernement chinois ».

Les médias chinois ont rapporté lors de son séjour qu’elle avait loué les progrès de la Chine en matière de droits humains, des propos que les services onusiens n’ont ni démentis, ni confirmés.

Lire aussi : La Chine accepte la visite de Michelle Bachelet au Xinjiang

Globalement, les médias ont peu couvert ses déplacements, ne rapportant que les comptes-rendus de ses rencontres avec le président Xi Jinping et le ministre des Affaires étrangères Wang Yi.

« Certains pays occidentaux, animés d’arrière-pensées, s’étaient donné beaucoup de mal pour perturber et saper la visite de la Haute-Commissaire. Leur manigance a échoué », a indiqué Ma Zhaoxu, un vice-ministre chinois des Affaires étrangères.

RAPPORT TRÈS ATTENDU

Amnesty International a appelé Michelle Bachelet à publier rapidement son rapport sur le Xinjiang, dont la publication a été maintes fois reportée, faute de quoi cela « reviendrait à trahir les victimes et leurs familles ».

Selon le communiqué des Nations Unies, elle a indiqué qu’avant de venir en Chine elle avait appris que des certaines familles ouïghoures vivant maintenant à l’étranger avaient perdu le contact avec leurs proches. « Dans mes discussions avec les autorités, je les ai exhortées à prendre des mesures pour informer en priorité les familles », a-t-elle dit.

« Je partage également les inquiétudes des mécanismes onusiens des droits de l’homme concernant les activités légitimes d’avocats, de défenseurs des droits de l’homme et d’autres personnes sanctionnées dans le cadre de la sécurité nationale. Les organes des droits de l’homme des Nations Unies ont conclu que le système de surveillance résidentielle constitue une détention arbitraire et ont demandé son abrogation », a ajouté la cheffe des droits de l’homme de l’ONU.

« Cette question et d’autres ont été soulevées avec les autorités », a donc assuré Michelle Bachelet, ajoutant qu’elle avait « soulevé beaucoup de cas ». La Haute-Commissaire a aussi fermement défendu son séjour, assurant avoir rencontré les personnes qu’elle désirait au Xinjiang et avoir eu un accès « non supervisé » par les autorités.

Michelle Bachelet dit avoir rencontré, entre autres, des membres de la société civile et le chef du Parti communiste chinois dans la région. Cette visite en Chine était la première d’un Haut-Commissaire aux droits de l’homme en 17 ans. Elle fait suite à d’âpres négociations entre l’ONU et Pékin.

Elle a pu se rendre au Xinjiang, dans la capitale régionale, Urumqi, et dit avoir visité dans la ville de Kashgar une prison, où elle a notamment vu des prisonniers, décrivant son accès comme « assez ouvert, assez transparent ».

Le gouvernement du Xinjiang lui a, selon elle, assuré que le réseau de « centres de formation professionnelle » avait été « démantelé ». Michelle Bachelet a déclaré avoir visité l’un de ces anciens centres, mais les détails de sa visite n’ont pas été rendus publics.

« Lors de ma visite, le gouvernement m’a assuré que le système VETC a été démantelé. J’ai encouragé le gouvernement à entreprendre un examen de toutes les politiques de lutte contre le terrorisme et de déradicalisation pour s’assurer qu’elles sont pleinement conformes aux normes internationales relatives aux droits de l’homme, et en particulier qu’elles ne sont pas appliquées de manière arbitraire et discriminatoire », a déclaré cette dernière.

WASHINGTON CRITIQUE

Les Etats-Unis ont exprimé leur «préoccupation» quant aux limites éventuelles apportées par Pékin à la visite au Xinjiang de la Haute commissaire de l’ONU chargée des droits de l’Homme, Michelle Bachelet, a déclaré le Secrétaire d’Etat américain Antony Blinken.

«Les Etats-Unis restent préoccupés par la visite de la Haute commissaire de l’ONU chargée des droits de l’Homme, Michelle Bachelet, et de son équipe en République populaire de Chine et des efforts de cette dernière pour restreindre et manipuler ce déplacement», a déclaré Antony Blinken dans un communiqué.

Lire aussi : Washington critique la visite de Michelle Bachelet en Chine

Ce dernier a indiqué que les conditions de cette visite «n’ont pas permis une évaluation complète et indépendante de la situation des droits de l’Homme, y compris au Xinjiang», dans l’est du pays.

Il s’est dit «troublé par des informations selon lesquelles les habitants du Xinjiang ont été avertis de ne pas se plaindre ou de parler ouvertement des conditions dans la région».

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