mercredi, avril 17

La Chine et l’Afghanistan resserrent les liens

La Chine cherche des alternatives pour le cuivre, le lithium, les terres rares ou encore le pétrole en Afghanistan. D’ailleurs, la Chine est le seul pays à avoir nommé un ambassadeur en Afghanistan depuis le retour des talibans.

Entre les rencontres ministérielles, les discussions sur le développement du commerce bilatéral et sur un investissement de la Chine dans le cuivre, l’ouverture d’une route entre les deux pays, la Chine entretient des relations soutenues avec un pays largement considéré comme paria dans le monde.

« Les Etats-Unis se sont totalement détournés de l’Afghanistan, l’Union européenne reste inflexible sur les atteintes aux droits des femmes afghanes, alors les Chinois se disent ‘c’est notre tour' », a expliqué un ancien diplomate familier de ce pays à l’Agence France Presse.

« Fondamentalement, la Chine se moque des droits des femmes, si son intérêt est de se rapprocher du régime taliban, elle ne va pas y mettre des conditions », a estimé de son côté Valérie Niquet, de la Fondation pour la recherche stratégique, à Paris.

Sur le plan diplomatique, la Chine a été le seul des 15 membres du Conseil de sécurité de l’ONU avec la Russie à s’abstenir lors du vote d’une résolution sur la nomination d’un envoyé spécial, rejeté par les talibans.

Le ministère chinois des Affaires étrangères avait tenté en décembre 2023 de minimiser la portée de la nomination de l’ambassadeur Zhao Xing à Kaboul, espérant que « l’Afghanistan répondra(it) davantage aux attentes de la communauté internationale ».

Des ressources afghanes indispensables à la Chine

Cependant la position de la Chine par rapport aux talibans lui permet d’avoir des relations diplomatiques privilégiées avec un pays isolé, dont les avoirs sont gelés en Occident et les dirigeants sont sous sanctions internationales. L’Emirat islamique d’Afghanistan « est un terrain difficile, mais la caractéristique des Chinois c’est d’aller là où personne ne va, en essayant d’obtenir des avantages », selon Valérie Niquet.

« Les Chinois tendent la main aux Afghans, qui ont besoin de toutes les aides possibles ». D’ailleurs, « les vastes ressources naturelles de l’Afghanistan, comme le cuivre, le lithium ou les terres rares ont un grand potentiel économique pour la Chine », a indiqué Jalal Bazwan, professeur en sciences politiques à l’Université Kardan, à Kaboul.

Après l’installation de l’ambassadeur de l’Afghanistan à Pékin, Bilal Karimi, ce dernier a mené des discussions avec la compagnie publique chinoise MCC sur Mes Aynak, le deuxième plus grand gisement de cuivre du monde, à 40 km de Kaboul. MCC en avait obtenu en 2008, sous le gouvernement d’Hamid Karzai, les droits d’exploitation pour 3,5 milliards de dollars. Le projet a été paralysé par la guerre et l’insécurité ainsi que la découverte d’un inestimable site archéologique bouddhique.

« On est en train de négocier avec les Chinois », a déclaré à l’AFP Hamayoon Afghan, porte-parole du ministère des Mines. « Ces biens historiques sont un trésor culturel pour l’Afghanistan, son identité », a indiqué ce dernier. Or, il y a 23 ans, les talibans avaient stupéfié la planète en dynamitant les bouddhas de Bamiyan.

Une commission interministérielle afghane étudie une proposition de MCC de creuser à 800 mètres de profondeur, pour atteindre les filons de cuivre sans endommager le site historique en surface.

Des accords passés remit au goût du jour

En janvier 2023, un ancien contrat dans le bassin de l’Amu (nord-ouest) avait été renégocié pour 25 années. Depuis « l’extraction sino-afghane a commencé dans 18 puits », a indiqué Hamayoon Afghan. Dans le secteur de l’énergie, des entreprises chinoises souhaitent investir un demi-milliard de dollars dans le solaire en Afghanistan.

Une route de 300 km devrait relier le Badakshan (nord-est) à la frontière de la Chine, celle-ci est en construction, selon le porte-parole du ministère des Travaux publics, Ashraf Haqshanas, interrogé par l’Agence France Presse. Cette prouesse est possible car la Chine et l’Afghanistan partagent une frontière de seulement 76 km et cet axe va permettre l’essor du commerce, qui reste modeste, avec 1,5 milliard de dollars par an.

Cependant la sécurité de ses investissements est cruciale pour la Chine. L’assaut meurtrier du groupe Etat Islamique, en décembre 2022, contre un hôtel de Kaboul hébergeant des Chinois, avait choqué Pékin.

Lire aussi : La Chine a envoyé un ambassadeur en Afghanistan

« Les talibans ont assuré à la Chine qu’ils empêcheraient que le sol afghan soit utilisé pour des attentats terroristes contre ses voisins », souligné Jalal Bazwan, professeur en sciences politiques à l’Université Kardan, à Kaboul, évoquant la rébellion larvée des Ouïghours musulmans du Xinjiang.

Enfin, dans le cadre de ce rapprochement, la Chine fournit à l’Afghanistan de l’aide humanitaire, notamment après le séisme d’octobre à Herat (ouest).

« La position stratégique de l’Afghanistan le long de l’initiative ‘Belt and road’ en fait un partenaire attrayant », a estimé Jalal Bazwan, au moment où la Chine « cherche à étendre son influence et à s’ouvrir de nouveaux marchés en Asie centrale et du Sud ».

L’Afghanistan pourrait s’intégrer aussi au Corridor économique Chine-Pakistan devant aboutir au port de Gwadar (sud), dans le Baloutchistan, une avancée stratégique pour la Chine sur la mer d’Arabie.

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