lundi, mars 25

La Chine renforce son influence en Asie centrale et comble le vide russe

Les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale occupent une place cruciale dans l’initiative « La Ceinture et la Route« . Des analystes estiment que la guerre en Ukraine a encore accéléré la tendance en faveur de la Chine, alors que certains pays s’interrogeant sur leurs liens traditionnels avec la Russie.

La Chine a relancé avec le sommet Chine-Asie centrale ses grands projets d’infrastructures dans la zone, comblant un vide laissé par la Russie, puissance régionale traditionnelle affaiblie par les sanctions liées à la guerre en Ukraine.

Les ex-républiques soviétiques d’Asie centrale occupent une place cruciale dans l’initiative chinoise des nouvelles routes de la soie, également connue sous le nom « La Ceinture et la Route« .

Initié en 2013 par le président chinois Xi Jinping, ce programme entend développer, grâce à des fonds chinois, des routes, ports, chemins de fer et infrastructures à l’étranger.

En Asie centrale, la Chine a affirmé que son commerce avec le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, le Turkménistan et l’Ouzbékistan a atteint l’an passé les 70 milliards de dollars (64 milliards d’euros) et grimpé sur un an de 22% lors du premier trimestre 2023.

Des analystes estiment que la guerre en Ukraine a encore accéléré la tendance en faveur de Pékin, certains pays s’interrogeant sur leurs liens traditionnels avec Moscou et cherchant ailleurs des garanties économiques et diplomatiques.

« Après l’agression russe en Ukraine, les républiques d’Asie centrale ont commencé à craindre pour leur souveraineté« , souligne Ayjaz Wani, chercheur au groupe de réflexion indien Observer Research Foundation.

Le président chinois Xi Jinping a accueillit les 18 et 19 mai les dirigeants des cinq pays de la région dans la ville de Xi’an (centre), ancienne extrémité orientale de la Route de la Soie, pour un sommet que la Chine a qualifié « d’extrêmement important« .

De nombreux projets d’infrastructures vont être lancés

Parmi les projets d’infrastructures figurent la ligne ferroviaire Chine-Kirghizistan-Ouzbékistan, longtemps à l’arrêt et d’un coût de six milliards de dollars, ou encore l’extension de l’oléoduc entre l’Asie centrale et la Chine.

Les pays d’Asie centrale ont des frontières communes et une longue histoire avec la Chine. Pékin tente d’ailleurs de jouer un rôle plus important dans la région. « L’approche de la Chine à l’égard de l’Asie centrale a été très cohérente« , a expliqué Nargis Kassenova, directrice du programme Asie centrale au Centre Davis d’études russes et eurasiennes de Harvard.

Cette dernière a évoqué les liens anciens de la Chine avec ces pays en matière de sécurité, d’infrastructure et de développement. La guerre en Ukraine, a indiqué Nargis Kassenova, n’a fait que « pousser davantage les pays d’Asie centrale dans les bras de la Chine« .

L’influence croissante de la Chine suscite toutefois des réactions diverses. En 2019, des manifestations anti-chinoises avaient éclaté au Kazakhstan, nourries par le sentiment d’une partie de la population que l’emprise chinoise était devenue trop forte.

En 2020, une entreprise chinoise prévoyait d’investir près de 300 millions de dollars dans un centre commercial et logistique au Kirghizstan, mais la société n’a pas été jusqu’au bout.

La question des Ouïghours

Les craintes que la Chine utilise son influence sur la politique intérieure, qui « ont alimenté des phobies croissantes« , a estimé Sébastien Peyrouse, professeur à l’université George Washington aux Etats-Unis.

Selon lui, « le rapide développement chinois est souvent perçu comme un modèle dans la région« . Toutefois, les investissements de la Chine n’ont « pas pour but de développer la production locale mais de créer des conditions favorables à l’exportation de produits chinois et à l’importation de matières premières« , a jugé Sébastien Peyrouse.

Autre problème évoqué, le traitement par Pékin de la minorité musulman Ouïghour dans la région autonome du Xinjiang (nord-ouest), longtemps frappée par des attentats attribués à des séparatistes et islamistes issus de cette minorité musulmane.

Dans le cadre de sa politique antiterroriste, Pékin a imposé des mesures strictes sur la population, qui se sont soldées par des internements massifs, d’après certaines études occidentales. Ces derniers ont souligné que la proximité culturelle et linguistique des Ouïghours avec la plupart des peuples d’Asie centrale a contribué à y alimenter un sentiment anti-chinois.

Les habitants d’Asie centrale ont une opinion plus positive à l’égard de la Chine

Selon des analystes, la Chine est davantage populaire auprès des gouvernements d’Asie centrale qu’auprès de leurs populations, car ils sont demandeurs d’investissements au développement. « Cela s’explique en partie par la grande asymétrie, démographique et économique, entre eux et la Chine« , a indiqué Li-Chen Sim, du groupe de réflexion américain Middle East Institute.

Le ressentiment de certains peuples est aussi alimenté par « le manque d’emplois réservés aux locaux dans les projets financés par la Chine » et « les niveaux élevés d’endettement vis-à-vis » de Pékin, a souligné cette dernière.

Si les analyses évoluent constamment, une récente étude citée par le groupe de réflexion londonien Royal United Services Institute (Rusi) a montré que les habitants d’Asie centrale conservent encore une opinion plus positive à l’égard de la Russie que de la Chine.

« Pour la plupart des habitants de la région, le joug russe est fait de cuir qui s’use progressivement, alors que le joug chinois est fait de fer dont on ne peut se libérer« , a souligné Ayjaz Wani, de l’Observer Research Foundation.

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