mercredi, mai 21

La surcapacité de la Chine peut aider le monde

De Project Syndicate, par Huang Yiping – Lors d’un symposium international sur le thème « 80 ans après Bretton Woods » à Hangzhou en mai dernier, j’ai proposé un « Plan de développement vert pour le Sud mondial », que certains médias ont plus tard surnommé le « Plan Marshall vert chinois ». Cette proposition comprend trois objectifs : soutenir le développement vert des pays en développement, accroître la demande globale de la Chine et renforcer son leadership mondial. À l’instar du Plan Marshall initial, ce plan prévoit d’importants volumes de crédits et d’investissements commerciaux, des prêts à l’investissement et des aides publiques.

J’ai été inspiré par les récentes discussions sur la surcapacité chinoise dans des secteurs clés de l’écologie : les véhicules électriques (VE), les batteries au lithium et les panneaux solaires. Lors d’une discussion avec des professeurs de l’Université de Pékin en avril, la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a soulevé cette question et exprimé deux inquiétudes : la surcapacité chinoise semblait être le résultat de subventions publiques et elle avait atteint une ampleur qui perturbait les marchés internationaux. Un mois plus tard, les États-Unis annonçaient des droits de douane de 100% sur les VE en provenance de Chine.

La définition de la « surcapacité » peut prêter à controverse. Comme l’ont souligné certains experts chinois, si les entreprises chinoises peuvent vendre leurs produits, que ce soit sur le marché intérieur ou à l’étranger, il n’y a pas de « surcapacité ». Par conséquent, si l’on considère la surcapacité comme un cas où l’offre excède la demande, il peut être utile de distinguer le contexte national du contexte mondial.

Trois séries de facteurs entrent en jeu ici : les déséquilibres macroéconomiques, les subventions explicites et implicites, et la taille du secteur concerné. La surcapacité « intérieure » a caractérisé toute la période de réformes de la Chine après les années 1970, car le pays a produit plus qu’il n’a consommé, comme en témoigne un important excédent courant. La première étape pour remédier à la surcapacité consiste donc à équilibrer la balance courante. De fait, les autorités chinoises s’efforcent d’atteindre cet objectif depuis la crise financière mondiale de 2008, en stimulant la consommation intérieure.

Les Américains et les Européens sont davantage préoccupés par les subventions publiques explicites et implicites, qui, selon eux, confèrent aux constructeurs chinois un avantage injuste sur les marchés internationaux. Or, les subventions explicites chinoises aux véhicules électriques – y compris les subventions directes, les réductions d’impôts et les licences exclusives – se situent dans la moyenne des douze pays étudiés dans un document de travail de 2022, et sont inférieures à celles accordées par les gouvernements norvégien, américain, français et allemand.

Les subventions implicites – la réduction des coûts des facteurs – sont moins transparentes. Dans un discours prononcé en juillet sur « La surcapacité chinoise et l’économie mondiale », le sous-secrétaire américain au Trésor pour les affaires internationales, Jay Shambaugh, a cité une analyse du Centre d’études stratégiques et internationales estimant que les subventions implicites de la Chine représentaient environ 5% du PIB, soit dix fois le niveau des États-Unis, du Japon et de certains autres pays.

Bien que ces chiffres soient similaires à ceux que j’ai constatés lors de mes propres recherches il y a une quinzaine d’années, l’interprétation de Shambaugh et des chercheurs du CSIS est erronée. La distorsion des coûts des facteurs en Chine a été conçue non pas dans le cadre d’une stratégie industrielle, mais comme une politique de transition, et la majeure partie du soutien a été accordée aux entreprises publiques. En fait, les entreprises chinoises privées de technologies vertes, compétitives à l’international, ont été considérablement désavantagées par cette politique.

Cela dit, divers « programmes de promotion des investissements » mis en place par les collectivités locales ont accordé des subventions implicites – par exemple, des réductions de taxes foncières – aux entreprises privées de technologies vertes. Ainsi, une récente enquête de l’Union européenne suggère que ces subventions permettent de vendre les véhicules électriques chinois à un prix inférieur de 20% à celui des modèles produits dans l’UE. Mais le soutien des collectivités locales diminue rapidement, en partie parce que nombre d’entre elles sont confrontées à des difficultés budgétaires, et en partie parce que le gouvernement central a commencé à interdire ces subventions irrégulières et illégales.

Un autre problème est que l’impact perçu de la surcapacité chinoise est exagéré par la taille même de l’économie chinoise. La Chine est un pays immense, et ses politiques économiques tendent à concentrer les investissements dans certains secteurs et industries. Cela peut créer des difficultés pour ses partenaires commerciaux. Le problème, cependant, est que la taille des secteurs chinois des technologies vertes est probablement plus problématique que les subventions.

La Chine doit réduire l’influence des décisions de l’État sur l’allocation des ressources et collaborer avec d’autres pays pour assurer une prospérité mutuelle par la coopération. C’est la raison d’être de ma proposition d’un plan de développement vert pour les pays du Sud. La Chine a déjà développé d’importantes capacités de production dans les secteurs des technologies vertes, mais elle se heurte à des obstacles croissants sur les marchés développés.

Parallèlement, les pays en développement peinent à faire progresser leurs propres programmes de développement vert. Selon les Nations Unies , « les pays en développement ont besoin d’investissements dans les énergies renouvelables d’environ 1 700 milliards de dollars par an, mais n’ont attiré que 544 milliards de dollars d’investissements directs étrangers dans les énergies propres en 2022. » Heureusement, la Chine dispose de la technologie, des capacités de production et des capitaux (financement commercial, financement des politiques publiques et aide publique) nécessaires pour combler ce déficit. Elle peut simultanément stimuler le développement vert mondial, dynamiser son économie et renforcer son leadership international.

Il est intéressant de noter que fin août, Brian Deese, directeur du Conseil économique national de la Maison-Blanche de 2021 à 2023, a plaidé en faveur d’un plan Marshall pour les énergies propres, faisant allusion au fait que la Chine envisageait la même idée. Idéalement, les deux pays collaboreraient sur cette initiative. Mais même s’ils mettaient en œuvre chacun leur propre plan Marshall vert, ils accéléreraient considérablement la transition écologique mondiale.

Huang Yiping, doyen de l’École nationale de développement et professeur distingué à l’Université de Pékin, est membre du Comité de politique monétaire de la Banque populaire de Chine.

Droits d’auteur : Project Syndicate, 2024.
www.project-syndicate.org

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