jeudi, avril 11

Le Livre blanc de la Chine sur le cadre juridique et les mesures contre le terrorisme. Bilan et perspectives

Par Nkolo Foé – Le Bureau d’information du Conseil d’État de la République populaire de Chine a publié un Livre blanc sur le cadre juridique et les mesures antiterroristes de la Chine. Ce document de référence qui comprend cinq parties essentielles est une présentation des efforts chinois pour améliorer le cadre juridique dans la lutte antiterroriste, à la lumière des 13 conventions internationales formulées par l’ONU depuis les années 1960.

Quelques rappels historiques nécessaires

Dès les années 1970, la Chine avait adhéré et ratifié certaines de ces conventions, en particulier, celle relative aux infractions et à des actes commis à bord des aéronefs, celle portant sur la répression de la saisie illégale d’aéronefs et celle concernant l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international. Partie intégrante de la communauté internationale, la Chine a su tirer parti de la riche expérience des autres nations pour accélérer ses propres efforts de construction d’un cadre juridique adapté à ses réalités nationales.

Les innovations intervenues en 1997 avaient déjà permis une inscription dans le code pénal des crimes de formation, de direction ou de participation à une organisation terroriste, en même temps qu’elles renforçaient les sanctions visant à réprimer les crimes terroristes. Le tournant de World Trade Center en 2021 avait favorisé d’autres innovations majeures. Celles-ci concernent notamment le délit de financement du terrorisme et de blanchiment d’argent à des fins terroristes, en application de la résolution 1373 du Conseil de sécurité de l’ONU.

Au cours des dix dernières années, le code pénal chinois a connu d’autres modifications fondamentales portant notamment sur la répression des crimes de préparation à des activités, d’apologie du terrorisme et de l’extrémisme, d’incitation au terrorisme et du recours à l’extrémisme comme moyen d’affaiblir les lois nationales. Entre 2012 et 2018, la loi sur la procédure pénale a été améliorée, permettant l’introduction des dispositions sur les procédures d’enquête, de poursuite et de procès relatifs aux crimes terroristes.

Parallèlement, la Cour populaire suprême et le Parquet populaire suprême de la République populaire de Chine ont énoncé un train de mesures visant à standardiser davantage l’application de la loi et les procédures de poursuite, afin de mieux conduire la lutte contre les crimes terroristes.

Toutes ces mesures étaient nécessaires, en particulier, pour répondre aux défis lancés par la vague d’attentats terroristes qui avaient frappé tant le Xinjiang que le Yunnan et Pékin entre 2011 et 2014. C’est ainsi qu’une loi antiterroriste globale a été adoptée le 27 décembre 2015, définissant les principes fondamentaux et la position de la Chine en matière de lutte antiterroriste. Cette loi est importante dans la mesure où elle spécifie des dispositions sur « l’identification des organisations et des individus impliqués dans les activités terroristes, la protection de la sécurité, les renseignements, les enquêtes, la réponse et le traitement, la coopération internationale, les mesures de sauvegarde et la responsabilité juridique. » La Chine a pu ainsi se doter d’un arsenal efficace, offrant une solide garantie juridique pour prévenir et réprimer les activités terroristes.

La volonté de la Chine pour contribuer à la lutte antiterroriste est inébranlable, comme le montrent notamment les lois sur le blanchiment d’argent (2006), la sécurité nationale (2015), la cyber-sécurité (2016), la défense nationale, la police armée populaire, la sauvegarde de la sécurité nationale dans la région administrative spéciale de Hong Kong (2020). A ces lois, il convient d’ajouter les mesures administratives concernant les services d’information sur Internet et interdisant la production, la reproduction, la publication et la distribution de contenus susceptibles de semer la terreur (2000) ; le Règlement sur les affaires religieuses qui stipule qu’aucune organisation ni aucun individu ne peut utiliser la religion pour mener des activités terroristes (2017) ; le règlement sur la protection des mineurs dans le cyberespace, lequel règlement interdit la production, la reproduction, la publication et la distribution en ligne d’informations contenant des contenus terroristes et extrémistes susceptibles de nuire à la santé physique et mentale des mineurs (2023), les mesures administratives pour le gel des avoirs liés aux activités terroristes prises par la Banque populaire de Chine, le ministère de la Sécurité publique et le ministère de la Sécurité d’État. Pour compléter ce dispositif, des réglementations locales ont été adoptées concernant notamment le Qinghai (sécurité ferroviaire) (2021), le Zhejiang, le Hunan, Shanghai, le Sichuan, le Fujian, Pékin, le Xinjiang. Secouée par le terrorisme islamiste, cette dernière province s’est particulièrement distinguée par l’adoption des mesures concernant la dé-radicalisation, souvent mal comprises dans les pays capitalistes.

Les enjeux d’une clarification conceptuelle de la notion de terrorisme

Pour une application équitable de la loi, et afin d’éviter les abus de toutes sortes, le législateur chinois a éprouvé le besoin de procéder à des clarifications conceptuelles nécessaires concernant la notion de terrorisme. Selon le Livre blanc, « la loi antiterroriste chinoise fournit des définitions concrètes et précises du terrorisme, des activités terroristes et des concepts connexes, conformes aux principes défendus par les conventions internationales auxquelles le pays a adhéré et conclu, et en accord avec les pratiques d’autres pays. » Dans la loi chinoise, le terrorisme englobe ainsi « les moyens, les fins et les formes. » Sa définition vise les « actes qui, au moyen de violence, de sabotage ou d’intimidation, créent une panique sociale, compromettent la sécurité publique, violent les droits personnels et de propriété ou contraignent les agences d’État et les organisations internationales, pour réaliser des objectifs politiques, idéologiques ou autres. » La nature des activités terroristes et les formes spécifiques de ces dernières sont clairement définies. Il s’agit notamment de l’organisation, de la planification, de la préparation ou encore de la conduite d’actes susceptibles de causer de graves dommages sociaux.

Ces précisions sont utiles dans la mesure où le droit pénal chinois refuse d’attribuer une responsabilité pénale aux activités qui ne relèvent pas de la définition stricte du terrorisme donnée par le législateur. Pour plus d’équité, le droit chinois fait une claire distinction entre les infractions administratives et les infractions pénales qui constituent une activité terroriste. Il prévoit par conséquent différentes procédures pour leur traitement différencié.

Sanctions administratives et sanctions légales

C’est ainsi que des procédures de sanctions administratives s’appliquent en cas d’activités terroristes illégales, contrairement aux activités criminelles qui relèvent quant à elles des procédures pénales. Dans le souci du respect des droits légitimes des accusés, les organismes judiciaires et ceux chargés de l’application de la loi sont invités à prendre en compte non seulement les motivations du contrevenant, mais aussi le rôle particulier de ce dernier dans les activités terroristes ainsi que le préjudice causé à la société.

De la même manière, une distinction stricte est faite entre les actes qui relèvent des crimes et ceux qui n’en relèvent pas. Il en est de même de la distinction entre les différents crimes et entre la punition pour un seul crime et pour plusieurs crimes. La législation chinoise stipule aussi qu’au nom du principe de légalité, « nul ne devrait être reconnu coupable d’un crime terroriste pour quelque raison que ce soit s’il n’existe pas de dispositions explicites dans la loi. ».

Par ailleurs, les services chargés de la répression sont invités à appliquer le principe de proportionnalité, l’objectif étant de garantir que non seulement la sanction soit parfaitement adaptée aux faits, à la nature et aux circonstances de l’infraction, mais aussi au degré du préjudice causé à la société. Le principe de la non-double peine est clairement énoncé, afin de garantir par exemple qu’aucun individu ne soit soumis à plus d’une amende administrative pour la même infraction. Ainsi, en cas de violation de plusieurs dispositions légales passibles de plusieurs amendes, seule la plus élevée des amendes s’applique.

L’interdiction de la torture

D’autres dispositions pertinentes du droit chinois méritent d’être rappelées. Celles concernant la constitution des preuves est intéressante en ce que la loi stipule par exemple que : « Lors de la collecte et de l’obtention de preuves, les agences de sécurité publique doivent rassembler des preuves à la fois en faveur et contre le suspect. » Le droit chinois précise : « la torture et autres moyens illégaux sont interdits lors de la collecte de preuves, et les preuves obtenues par des moyens illégaux doivent être exclues conformément à la loi. » Il est prévu qu’un verdict de non-culpabilité soit prononcé en cas de preuves insuffisantes ou si l’acte commis ne constitue pas un crime.

Innovations technologiques : un facteur de transparence

Ces exemples illustrent les efforts de la Chine pour moderniser son droit et l’adapter aux normes internationales. Les innovations technologiques ont permis à la Chine de moderniser son droit et de rendre la justice plus équitable. Par exemple, nous savons désormais qu’au nom de la transparence, les parquets populaires publient des informations sur leurs activités et affaires judiciaires et recourent aux technologies de l’information pour mettre sur pied des plates-formes utiles comme des écrans électroniques, des sites Web et des pages Web.

La Chine est même allée plus loin en accentuant le contrôle des citoyens et de la société sur les processus et les résultats de l’application de la loi, grâce précisément à ces plateformes. Selon le Livre blanc, les agences administratives judiciaires assurent la transparence des affaires pénitentiaires, publient des informations sur les conditions, les procédures et les résultats de l’application de la loi dans les prisons, réglementent les actes d’application de la loi par les agents pénitentiaires et rendent la gestion des prisons plus standardisée et institutionnalisée dans le cadre de l’État de droit.

Les droits de l’homme et l’État de droit : un, but à atteindre

L’objectif de toutes ces mesures est de protéger les droits de l’homme dans le cadre de la lutte antiterroriste. Il s’agit là d’une préoccupation fondamentale du Parti communiste chinois. L’ambition de la Chine est de respecter et de protéger les droits de l’homme « en tant que principe sous-jacent à l’amélioration de son cadre juridique et de ses pratiques dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. »

La Chine refuse de conduire la lutte antiterroriste en marge des normes internationales relatives à la protection des droits de l’homme. Pour les dirigeants chinois, un poids égal doit être accordé à la sauvegarde des droits fondamentaux des citoyens, à la préservation de l’ordre social et à la protection des droits des victimes et des personnes intéressées ainsi que des suspects, des accusés et des condamnés. Protéger la liberté et la dignité de la personne, tel est le but. Sous aucun prétexte, la dignité personnelle ne doit être violée.

Par exemple, la loi prévoit que les suspects et les accusés reçoivent la nourriture et le temps de repos nécessaires. Ils doivent également être à l’abri des vexations de toutes sortes, de violences physiques, de menaces ou d’insultes. Nous l’avons déjà vu plus haut, les interrogatoires recourant à la violence, aux menaces ou à l’intimidation, tout comme les aveux extorqués par la torture, la menace, l’incitation, la tromperie et d’autres moyens illégaux et l’auto-incrimination forcée sont proscrits dans le droit chinois.

Le respect des droits des prévenus et des accusés

Dans la législation chinoise, le droit à la défense est garanti. C’est dans ce cadre que les droits des avocats à l’information judiciaire et à la requête pendant la procédure, ainsi que leurs droits de rencontrer les suspects et les accusés, de consulter les dossiers, de recueillir des preuves et participer à l’enquête, au contre-interrogatoire, au débat et à la défense ont été renforcés. Il en est de même de l’obligation d’informer les suspects et les accusés des faits qui leur sont reprochés, des détails de leur cas et de leurs droits de demander le retrait, de comparaître devant le tribunal, de participer aux enquêtes et aux débats judiciaires et de faire une déclaration finale. De même, les personnes reconnues coupables de crimes terroristes, leurs défenseurs autorisés et leurs proches jouissent du droit de faire appel pour exprimer leur désaccord avec les jugements de première instance rendus. Sous aucun prétexte, ce droit ne peut leur être refusé. Les individus dont les droits et intérêts sont lésés par des sanctions administratives ou pénales injustifiées ou abusives ont le droit de réclamer à l’État une indemnisation conformément à la loi.

La protection des droits et de la dignité de la personne s’étendent aux condamnés. Les dispositions légales prévoient un traitement médical en temps opportun pour les prisonniers. A cet effet, les prisons chinoises sont équipées d’installations médicales adéquates pour fournir un traitement médical approprié. Il est également prévu le transfert des prisonniers hors de leur lieu de détention pour un traitement médical adéquat ou à être libérés pour raisons médicales si nécessaire.

Les langues ethniques au service de la justice

La législation chinoise a étendu les droits des accusés. Pour éviter de léser leurs droits, le droit à des procédures dans les langues ethniques parlées et écrites est garanti, dans la mesure où « la Constitution et les lois chinoises accordent aux citoyens de tous les groupes ethniques le droit d’utiliser leur propre langue lors des procédures judiciaires. » C’est dans la même perspective qu’il est fait obligation aux agences judiciaires de fournir des services d’interprétation et de traduction dans les affaires de terrorisme à tout justiciable des connaissances insuffisantes des langues parlées et écrites couramment utilisées dans la localité.

Cette importante disposition prend un relief particulier dans le cas des régions ethniques autonomes du Tibet et du Xinjiang« les tribunaux populaires et les parquets populaires doivent traiter les affaires dans la langue locale couramment utilisée et être raisonnablement équipés d’un personnel maîtrisant les langues ethniques locales parlées et écrites, tandis que les documents juridiques doivent être rédigés dans la ou les langues locales couramment utilisées. »

La réinsertion sociale des condamnés

La Chine met un accent particulier sur la réhabilitation et la réinsertion sociale des condamnés en combinant les principes de la punition et de la réforme. C’est à ce titre que les prisons chinoises dispensent un enseignement culturel, juridique et technique non seulement dans le but d’accroître les connaissances, les compétences et l’employabilité des délinquants, mais aussi afin d’éradiquer les fondements idéologiques du terrorisme. Parallèlement, des efforts particuliers sont déployés pour empêcher la récidive des auteurs de crimes terroristes.

La ruine des fondements idéologiques du fléau terroriste

La ruine des fondements idéologiques du terrorisme est une tâche de grande ampleur qui a conduit les autorités chinoises à informer l’opinion publique sur les enjeux de la lutte antiterroriste. C’est ainsi que des campagnes d’éducation publique sur les campus, les lieux de travail et dans les communautés résidentielles sont menées, notamment par la distribution des brochures antiterroristes. Sont aussi visées, les associations de femmes, les groupes religieux, les écoles et les familles, etc.

Dans ses efforts d’éradication des fondements idéologiques du terrorisme, les autorités chinoises s’intéressent particulièrement l’extrémisme religieux dont le caractère nocif s’est manifesté au cours des dernières décennies dans la région ouïghour. Le Livre blanc de la Chine a raison de rappeler que l’extrémisme religieux n’a rien à voir avec la religion. Au contraire, il a la particularité de déformer les doctrines religieuses afin de propager des idées violentes et radicales, contribuant ainsi à perturber les activités religieuses normales et à ruiner la cohésion sociale et nationale. Le Livre blanc affirme : « Conformément aux principes de protection du licite, d’interdiction de l’illicite, de lutte contre l’extrémisme, de résistance à l’infiltration et de lutte contre les crimes, la Chine protège la liberté de croyance religieuse des citoyens, garantit la pratique normale des activités religieuses et déploie des efforts cohérents de dé-radicalisation fondés sur la loi. » C’est ainsi que le pays a réussi à endiguer l’influence et la propagation de l’extrémisme religieux.

Une contribution appréciable

La contribution de la Chine à la sécurité et à la stabilité mondiales et régionales est fort appréciable. Comme le précise le Livre blanc, en luttant contre les activités terroristes intérieures, en renforçant le contrôle aux frontières et aux points d’entrée et en entravant la circulation transfrontalière des groupes terroristes, la Chine a réussi à freiner la propagation du fléau terroriste. Et, conformément à ses lois nationales et aux conventions internationales auxquelles elle a souscrit, la Chine s’est engagée à coopérer activement à la lutte antiterroriste internationale sur la base de l’égalité et du bénéfice mutuel. Elle s’est également engagée en faveur de la vision d’une communauté mondiale de destin partagé. C’est à ce titre que la Chine soutient le leadership de l’ONU dans la coordination des efforts dans la lutte contre le terrorisme. Le Livre blanc souligne que les approches antiterroristes adoptées par des pays individuels qui défendent les valeurs communes de l’humanité, se conforment tant aux normes et principes des Nations Unies qu’à leurs propres conditions et institutions juridiques nationales, sont à considérer comme faisant partie de l’effort mondial visant à lutter contre le terrorisme dans le cadre de l’État de droit. La Chine invite la communauté internationale à soutenir diverses actions fondées sur le droit et à rejeter les deux poids, deux mesures. De même, les États du monde sont appelés à s’opposer à la politisation des questions relatives au terrorisme.

La Chine étant régulièrement critiquée par les démocraties capitalistes notamment sur le cas du Xinjiang, il importe de rappeler les succès remportés par le pays dans sa lutte contre l’extrémisme religieux et le terrorisme. Comme l’affirme le Livre blanc, les efforts de lutte antiterroriste constituent le fondement même de la sécurité et de la stabilité. Ces dernières favorisent le développement qui, à son tour, consolide davantage la sécurité et la stabilité. Telles sont les leçons que nous pouvons par exemple tirer des actions entreprises dans la région ouïghour où « le revenu disponible par habitant des résidents urbains est passé de 19 019 RMB en 2012 à 38 410 RMB en 2022, tandis que le revenu disponible par habitant des résidents ruraux est passé de 6 876 RMB à 16 RMB. 550. »

Selon les données disponibles, à la fin de 2020, les 3,06 millions de personnes vivant dans les zones rurales en dessous du seuil de pauvreté sont sorties de la pauvreté, cette dernière ayant été éradiquée dans les 3666 villages et 35 comtés qui étaient jadis pauvres. C’est la sécurité, la stabilité et la prospérité qui en découle qui a permis qu’en 2023, le Xinjiang accueille 265,44 millions de touristes, soit une augmentation d’une année sur l’autre de 117%. On évalue à 296,7 milliards de RMB le revenu total du tourisme du Xinjiang en 2023, soit une croissance de 227% par rapport à 2022. Il est incontestable que cette région autonome de la Chine est devenue une destination touristique privilégiée, le tourisme agissant désormais comme un pilier industriel qui stimule les opportunités d’emploi tout en améliorant les conditions de vie des populations locales.

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