mercredi, mai 21

Une solution fiscalement peu coûteuse aux défis économiques de la Chine

Shang-Jin Wei – La bourse chinoise a récemment progressé, en prévision d’une nouvelle série de mesures de relance gouvernementales. Cela est compréhensible, car les autorités ont déployé de multiples plans de relance monétaire et budgétaire pour éviter la déflation et stimuler la croissance du PIB. Mais la dette publique étant déjà largement supérieure aux normes historiques, la marge de manœuvre pour de nouvelles interventions budgétaires est limitée sans risquer une future crise de la dette.

Compte tenu de cette contrainte, la Chine devrait privilégier des politiques qui stimulent l’entrepreneuriat, l’investissement et la croissance économique sans alourdir le fardeau de la dette publique. Les décideurs politiques pourraient prendre plusieurs mesures pour renforcer la confiance des investisseurs et des consommateurs tout en maintenant la discipline budgétaire.

Premièrement, l’adoption d’un régime de marché des capitaux plus libéral, facilitant la cotation des entreprises privées sur les bourses nationales, pourrait stimuler l’investissement au-delà de celles qui attendent de lancer leur introduction en bourse. Actuellement, les autorités chinoises de régulation des valeurs mobilières suivent un modèle paternaliste, sélectionnant les entreprises qu’elles jugent « adaptées » aux investisseurs. Cette approche exclut souvent les entreprises non encore rentables – une norme qui aurait disqualifié des géants mondiaux comme Alibaba, Tencent, Amazon et Tesla lors de leur introduction en bourse en Chine.

L’adoption d’un système d’introduction en bourse similaire à celui des États-Unis, où la surveillance réglementaire privilégie la publication d’informations précises et complètes plutôt que la sélection des gagnants, pourrait lever ces obstacles et permettre aux entreprises dynamiques d’accéder aux financements nécessaires pour développer leurs effectifs et accroître leurs investissements. En facilitant les introductions en bourse, les décideurs politiques pourraient créer de précieuses opportunités de sortie pour les investisseurs en phase de démarrage, attirant ainsi davantage de capitaux de fonds de capital-investissement et de capital-risque nationaux et internationaux. Cela contribuerait à développer des entreprises susceptibles de devenir de futurs géants.

De plus, autoriser des entreprises privées de premier plan comme Ant Group, JD.com et ByteDance à entrer en bourse – même sur des bourses étrangères – enverrait un signal fort montrant que le gouvernement chinois valorise les entrepreneurs du secteur privé et reconnaît leur contribution essentielle à l’innovation et à la croissance économique. Cela pourrait inspirer une nouvelle génération d’innovateurs et aider la Chine à reconquérir sa place de leader mondial de l’entrepreneuriat.

Deuxièmement, l’introduction d’un délai de prescription pour les délits financiers pourrait considérablement renforcer la confiance des investisseurs avec un impact minimal sur les recettes publiques. Loin d’encourager ou de cautionner la corruption ou l’évasion fiscale, l’établissement d’un délai clair pour poursuivre les délits ou engager des poursuites permettrait d’établir un équilibre nécessaire entre la responsabilité et le maintien de la stabilité économique.

Cet impératif est particulièrement pertinent en Chine, où, il y a quelques décennies, il était quasiment impossible d’obtenir des permis, des terrains ou des financements sans recourir à la corruption. Si le système juridique chinois prévoit déjà des délais de prescription – par exemple, les particuliers disposent généralement de trois ans pour intenter une action en justice en cas de préjudice financier –, les autorités locales poursuivent souvent des infractions commises il y a 20, voire 30 ans, ce qui décourage l’entrepreneuriat et incite les entrepreneurs prospères à envisager l’émigration. L’instauration d’un délai de prescription raisonnable favoriserait un environnement commercial plus juste et plus prévisible et encouragerait les entrepreneurs à rester dans le pays.

Troisièmement, une politique transparente et cohérente est essentielle pour réduire les incertitudes qui dissuadent les investisseurs nationaux et étrangers. L’interdiction du soutien scolaire en Chine est un avertissement. Avant l’annonce de cette interdiction à l’été 2021, le secteur chinois des technologies éducatives s’était imposé comme un leader mondial, exploitant les technologies de l’information pour offrir des possibilités d’apprentissage évolutives aux enfants et aux adultes. De nombreuses entreprises du secteur étaient des licornes cotées en bourse, valorisées à plus d’un milliard de dollars. Mais ce changement de politique inattendu a porté un coup dur au secteur.

Pour être clair, le raisonnement derrière cette interdiction n’était pas dénué de fondement, les autorités ayant soulevé des inquiétudes légitimes quant au temps excessif consacré par les enfants à des programmes d’apprentissage périscolaires, axés sur l’amélioration des notes, au détriment de la créativité, du sport et des loisirs. Pourtant, malgré ces bonnes intentions, la mise en œuvre brutale de cette politique a engendré une incertitude généralisée et une destruction de valeurs, potentiellement dissuasive pour les innovateurs potentiels. De plus, il reste difficile de savoir si l’interdiction du soutien scolaire a atteint son objectif déclaré. Elle n’a notamment pas résolu le problème sous-jacent : la concurrence acharnée pour la réussite scolaire.

Enfin, bien que les lois chinoises protègent ostensiblement la propriété privée et les entreprises privées, les entrepreneurs considèrent souvent que les règles du jeu sont largement en faveur des entreprises majoritairement détenues par l’État, notamment en matière d’accès au financement, de marchés publics, d’octroi de licences et de réglementation. Corriger ces déséquilibres pourrait libérer le potentiel du secteur privé chinois pour stimuler la croissance et l’innovation.

Cela ne signifie pas pour autant que des interventions budgétaires et monétaires de grande ampleur soient inutiles. Cependant, les réformes institutionnelles proposées ici pourraient stimuler l’investissement, la création d’emplois et l’innovation sans alourdir le fardeau des contribuables ni alourdir la dette publique, orientant ainsi l’économie chinoise vers une trajectoire de croissance plus saine et plus durable.

Shang-Jin Wei, ancien économiste en chef de la Banque asiatique de développement, est professeur de finance et d’économie à la Columbia Business School et à la School of International and Public Affairs de l’Université Columbia.

Droits d’auteur : Project Syndicate, 2024.
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