
Réunis à Kuala Lumpur avec des représentants de la Chine et du conseil de coopération du Golfe, les dix pays de l’ASEAN s’attellent à compenser, lors de leur 46e sommet, les turbulences du protectionnisme américain.
L’ASEAN – qui comprend la Birmanie, la Thaïlande, le Laos, le Vietnam, le Cambodge, la Malaisie, les Philippines, Singapour, l’Indonésie et Brunei – multiplie les ouvertures vers de nouveaux partenaires économiques. L’objectif est de placer les pays du Golfe et la Chine au cœur de sa stratégie de diversification.
D’ailleurs, face aux droits de douane imposés par le président américain Donald Trump, les dirigeants de l’Asie du Sud-Est comptent redéfinir leurs alliances économiques lors de ce 46e Sommet de l’ASEAN au Centre de congrès de Kuala Lumpur à Kuala Lumpur, les 26 et 27 mai 2025.
La présence les 26 et 27 mai à Kuala Lumpur des représentants du Conseil de coopération du Golfe – Bahreïn, Koweït, Oman, Qatar, Arabie saoudite et Émirats arabes unis – marque un tournant dans la diplomatie économique de l’ASEAN.
Une alliance tripartite consolidée
Les pays d’Asie du Sud-Est, du Golfe et la Chine ont convenu de renforcer l’intégration économique, d’améliorer la connectivité et de se concentrer sur l’innovation et la transformation numérique lors de leur tout premier sommet trilatéral à Kuala Lumpur, selon un communiqué conjoint publié le 28 mai.
La Malaisie a accueilli le 27 mai ce sommet dans sa capitale, réunissant des représentants de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et de la Chine.
Les trois parties se sont engagées à promouvoir le développement durable, le libre-échange et la coopération intersectorielle dans des domaines tels que l’économie numérique et verte, la technologie et la finance.
Elles ont également convenu de renforcer la connectivité par le biais du développement des infrastructures et d’une coopération accrue dans le cadre de l’Initiative chinoise des Nouvelles Routes de la Soie. Concernant l’énergie, le communiqué souligne la nécessité de transitions durables et inclusives, avec un accent mis sur l’innovation dans les technologies d’énergie propre.
Le texte indique également que les trois parties soutiennent la transformation numérique, l’innovation dans l’intelligence artificielle (IA), la fintech et les compétences numériques, ainsi que la coopération dans les domaines de l’alimentation et de l’agriculture.
Lors du sommet, la Chine a par ailleurs annoncé l’exemption de visa pour tous les pays du Golfe afin de faciliter davantage les échanges humains.
Les trois parties ont également condamné « toutes les attaques contre les civils » dans la bande de Gaza assiégée et appelé à un cessez-le-feu durable.
Les pays d’Asie du Sud-Est, du Golfe et la Chine ont exhorté à permettre « l’accès le plus efficace possible à l’aide humanitaire » à Gaza et ont salué l’avis consultatif de la Cour internationale de justice, qui appelle à des « modalités précises et des actions concrètes » pour mettre fin « dans les plus brefs délais » à la présence illégale d’Israël dans les territoires palestiniens occupés.
L’ASEAN se détourne des États-Unis en faveur de la Chine et du Golfe
« Ce n’est pas juste une séance photo », a indiqué auprès de l’Agence France Presse, Khoo Ying Hooi de l’université de Malaya, y voyant une « diplomatie de multi-alignement » qui « démontre comment l’ASEAN tente de s’engager stratégiquement auprès de divers blocs ».
Cette ouverture vers les monarchies du Golfe répond à la prise de position de Donald Trump. Car les « mesures tarifaires unilatérales » américaines « posent des défis complexes et multidimensionnels« , selon un projet de déclaration commune de l’ASEAN consulté par l’AFP.
Les dirigeants d’Asie s’inquiètent de ces nouvelles barrières commerciales. D’autant que l’administration Trump n’a pas répondu aux sollicitations des pays asiatiques. Le Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim a « écrit à Trump pour demander la tenue d’un sommet ASEAN-Etats-Unis cette année », mais « les États-Unis n’ont pas encore répondu », selon son ministre des Affaires étrangères Mohamad Hasan.
Cette absence de dialogue pousse les dirigeants asiatique à se tourner vers la Chine. Le premier ministre Li Qiang, arrivé le 26 mai en Malaisie après une visite en Indonésie, a mis en garde les pays régionaux contre « l’unilatéralisme » et le « protectionnisme » qui menacent « l’ordre économique international ».
« Une transition dans l’ordre géopolitique est en cours et le système commercial mondial est soumis à une pression supplémentaire. Le protectionnisme refait surface alors que nous sommes témoins d’un multilatéralisme qui s’effondre », a constaté Anwar Ibrahim dans son discours d’ouverture.
Alors que l’ASEAN avait déclaré en début d’année qu’elle n’imposerait pas de droits de douane en riposte à ceux imposés par Washington, elle compte désormais sur l’élargissement de ses relations avec d’autres blocs commerciaux, « y compris l’Union européenne« , pour compenser les taxes douanières, selon l’Agence France Presse.