lundi, mars 25

Les objectifs d’éradication de la pauvreté contestés

Des experts et l’opinion publique ont remit en question les affirmations du Premier ministre, Li Keqiang, assurant que le gouvernement a «essentiellement gagné» la guerre contre la pauvreté. En effet, des experts ont indiqué que les chiffres présentés par Li Keqiang en mai montrent qu’il reste encore beaucoup à faire pour assurer une vie décente à de nombreux chinois.

« Compte tenu du niveau actuel des prix, le Premier ministre suggère que 600 millions de Chinois ont du mal à maintenir un niveau de vie de base », a déclaré un conseiller politique basé à Beijing, qui a refusé d’être nommé. Pour ce dernier, « la campagne de lutte contre la pauvreté doit se poursuivre ».

Experts, universitaires et opinion publique ont remit en cause les objectifs et l’enthousiasme du Premier ministre, soulevant un certain nombres de questions, même si le président Xi Jinping a déclaré en mars que la Chine avait fait « des progrès décisifs dans l’élimination de la pauvreté ».

En effet, Li Keqiang a indiqué qu’environ 600 millions de personne ne gagnent qu’environ 1000 yuans (141 dollars) par habitant par mois, ce qui peut à peine être utilisé pour louer un logement dans une ville moyenne.

Il a déploré que l’épidémie de COVID-19 ait rendu la vie des habitants des communautés à faible revenu encore plus difficile, lors d’une conférence de presse après la clôture de la session annuelle de l’Assemblée populaire nationale (APN), tenue à Beijing à la fin du mois de mai 2020.

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La Chine est en train de constater au fur et à mesure des semaines les conséquences de la pandémie : chômage, baisse de la production et entre autre, annulation des commandes à l’étranger. «Les 600 millions de personnes à faible revenu ont longtemps été cachées derrière les chiffres moyens», a indiqué Yan Jirong, directeur de l’Institut de gouvernance publique de l’Université de Pékin.

Interrogé par le China Internet Information Center, ce dernier a expliqué que leur revenu était certes supérieur au seuil de pauvreté officiel, mais « leur vie reste difficile et ils ne peuvent que maintenir un niveau de vie basique, pas une vie décente ».

Cette situation concerne en grande partie les travailleurs migrants, qui sont 75,6% des personnes à gagner moins de 1090 yuans par mois, d’après une analyse des données sur les revenus publics effectuée par l’Institut pour la distribution des revenus de l’Université normale de Beijing.

Ainsi, parmi les 600 millions d’habitants à faible revenu, 36,2% se trouvent dans les provinces centrales et 34,8% dans les régions de l’ouest du pays. Cette étude a aussi mit en exergue que les familles rurales pauvres sont généralement nombreuses, avec plusieurs personnes âgées et enfants à charge.

Outre les travailleurs ruraux, l’épidémie de nouveau coronavirus (COVID-19) a entraîné une contraction du secteur des services, rendant les emplois encore plus rares. Les citadins pauvres, bien qu’ils aient droit aux prestations de l’État, sont également concernés par la perte d’emploi et des bas salaires pour des tâches difficiles.

Ces dernier n’ont d’ailleurs pas accès aux programmes de réduction de la pauvreté offerts dans les zones touchées par la pauvreté, qui aident les agriculteurs à développer leurs compétences, leurs entreprises à domicile et d’autres sources de revenus durables.

«Pour augmenter les revenus des citadins pauvres, la création d’emplois est la clé», a assuré Yan Jirong, directeur de l’Institut de gouvernance publique de l’Université de Pékin. D’ailleurs, les politiques économiques misent en place ont accentué l’écart entre les riches et les pauvres.

Ainsi, un rapport de la Banque populaire de Chine met en évidence que parmi les quelque 30000 familles urbaines interrogées, les 20% les plus riches possédaient 63% du total des actifs, contre seulement 2,6% pour les 20% les plus pauvres.

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Même si les familles rurales n’ont pas été interrogées, le rapport assure que la fracture urbaine-rurale est considérable. La valeur moyenne des actifs d’une famille urbaine était de 3,17 millions de yuans (42 M€) en 2019, selon le rapport.

Mais les chiffres du gouvernement central montrent qu’à la fin de 2019, plus de 5 millions d’agriculteurs n’avaient pas encore échappé à la pauvreté extrême, définie comme gagnant environ 3218 yuans par an (418,34 €), soit seulement 268 yuans par mois (34,86€).

Plusieurs universitaires ont salué la stratégie de revitalisation rurale du pays comme un moyen de combler cet écart. Mais « pour revitaliser les campagnes, des efforts continus sont nécessaires afin de donner davantage de moyens aux populations rurales pauvres grâce à une meilleure éducation et des soins de santé abordables », a expliqué Wang Sangui, directeur de l’Institut national de recherche sur la réduction de la pauvreté à l’Université Renmin de Chine.

Pour ce dernier, « un meilleur système de sécurité sociale est également essentiel pour les personnes âgées, les handicapés et les autres résidents ruraux qui ne peuvent pas travailler. Parallèlement, lors de l’élaboration de politiques macroéconomiques, l’État devrait pencher en faveur de la population à faible revenu ».

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