mardi, avril 23

L’Union européenne cherche à recalibrer sa stratégie vis-à-vis de la Chine

La mise à jour de la stratégie de l’Union européenne (UE)E vis-à-vis de la Chine était nécessaire, notamment en raison de la montée du «nationalisme et de l’idéologie» sous le dirigeant chinois Xi Jinping, de la rivalité accrue entre les États-Unis et la Chine, et de l’intensification du rôle de Pékin dans les «questions régionales et mondiales», précise le document, lu par Euractiv.

Pour réduire les risques lorsqu’elle traite avec la Chine, l’UE doit se montrer plus «lucide» et se concentrer sur les valeurs et la sécurité économique et stratégique, selon le document interne préparé par le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrel.

Ce document officieux, préparé par le Haut responsable de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité Josep Borrell et le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), a été envoyé aux États membres avant une réunion des ministres des Affaires étrangères qui s’est tenu le 12 mai à Stockholm. Cette réunion des ministres s’est concentrée sur l’approche à adopter vis-à-vis de la Chine.

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Le document, intitulé «Remodeler nos relations avec la Chine, s’engager avec la Chine, rivaliser avec la Chine», a exprimé un soutien clair à la nouvelle stratégie d’«atténuation des risques» de l’UE, préconisée par de hauts fonctionnaires du bloc au cours des derniers mois, au lieu d’un «découplage» des relations.

Aller vers un changement de stratégie : une politique plus dure

Les États membres de l’UE sont aussi invités à réduire le risque d’une influence croissante de la Chine dans les domaines de l’économie et de la sécurité. D’autant que la Chine devrait être l’un des principaux sujets abordés lors du Sommet européen qui se tiendra à Bruxelles à la fin du mois de juin.

Les États-Unis ont adopté une approche plus ferme à l’égard de la Chine, les dirigeants européens veulent en faire de même, mais ils leur faut pour cela une approche unifiée. Raison pour laquelle, l’UE a décidé de consacrer les prochaines semaines à la question de la Chine.

L’UE doit adopter une approche «lucide» mais «non conflictuelle» face à une Chine qui cherche à «construire un nouvel ordre mondial», a indiqué le document de l’UE, envoyé aux capitales des Vingt-Sept, le 11 mai.

Ces derniers mois, certains États membres ont appelé à une refonte de la stratégie de l’UE de 2019 à l’égard de la Chine, tandis que d’autres restent prudents et mettent en garde contre une révision complète de cette stratégie.

Cette volonté de changement stratégique fait suite à une première discussion qui s’est tenue à la fin de l’année 2022 et au cours de laquelle le service diplomatique de l’UE, mené par Joseph Borell, a préconisé pour la première fois une position plus dure à l’égard de la Chine.

Le document du chef de la diplomatie européenne a réaffirmé la stratégie de l’UE : traiter la Chine à la fois comme un partenaire, un concurrent et un rival systémique, mais il souligne que l’équilibre de ces approches dépendra de la manière dont la Chine réagira aux actions de l’UE.

Dans une lettre en annexe envoyée aux ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne, Joseph Borrell a fixé trois nouveaux axes qui définiront les futures relations entre l’UE et la Chine : les valeurs, la sécurité économique et la sécurité stratégique, en mettant l’accent sur l’Ukraine et Taïwan.

Les États membres sont invités à s’en tenir à cette désignation, «même si la pondération entre ces différents éléments peut varier en fonction du comportement de la Chine». «Il est évident que ces dernières années, l’aspect de la rivalité est devenu plus important», a noté le Haut représentant, dans son document.

L’UE dénonce une montée du « nationalisme et de l’idéologie » de Xi Jinping

La mise à jour de la stratégie de l’UE vis-à-vis de la Chine était nécessaire, notamment en raison de la montée du «nationalisme et de l’idéologie» sous le dirigeant chinois Xi Jinping, de la rivalité accrue entre les États-Unis et la Chine, et de l’intensification du rôle de Pékin dans les «questions régionales et mondiales», précise le document.

«La Chine et l’Europe ne peuvent pas devenir plus étrangères l’une à l’autre […] Sinon, les malentendus risquent de se développer et de s’étendre à d’autres domaines», a écrit Joseph Borell dans son document confidentiel, lu par Euractiv.

Ainsi, «la rivalité systémique peut se manifester dans presque tous les domaines d’engagement. Mais cela ne doit pas empêcher l’UE de maintenir des canaux de communication ouverts et de rechercher une coopération constructive avec la Chine.»

En effet, au lieu de rompre tout lien avec la Chine, le service diplomatique de l’Union européenne invite les États membres à maintenir le dialogue et les relations avec Pékin. «Des messages ouverts et clairs à l’intention des dirigeants chinois, associés à des attentes réalistes, sont nécessaires pour garantir la crédibilité et l’influence», peut-on lire dans le document.

«Si nous voulons construire une nouvelle stabilité dans nos relations complexes, l’UE et ses États membres doivent rester fermes, sans [entrer en] confrontation», a ajouté le document. A l’instar de l’administration Biden attestant qu’il est possible de travailler avec la Chine sur certains sujets, dont le climat, l’UE veut également une coopération recherchée dans la mesure du possible, ce qui peut «briser l’isolement croissant que s’infligent les dirigeants chinois, mais surtout faire avancer les intérêts fondamentaux de l’UE».

La Chine s’inquiète des déclarations de l’UE sur la « réduction des risques »
Lorsque l’on parle de « réduction des risques, il est d’abord nécessaire d’identifier ces risques et de comprendre d’où ils viennent », a affirmé Qin Gang, conseiller d’Etat et ministre des Affaires étrangères de la Chine.

« La Chine n’exporte pas son système politique, s’en tient à une voie de développement pacifique, poursuit une stratégie d’ouverture offrant des résultats gagnant-gagnant et mutuellement profitables, respecte et maintient l’ordre mondial fondé sur les lois internationales, et s’oppose aux politiques d’hégémonie, de domination et d’intimidation« , a souligné le diplomate chinois.

« La Chine est prête à s’associer à d’autres pays pour relever ensemble les défis et construire une communauté de destin pour l’humanité », a déclaré Qin Gang. D’autant que « la Chine exporte des opportunités plutôt que des crises, de la coopération plutôt que de la confrontation, de la stabilité plutôt que des troubles, de la sécurité plutôt que des risques », a-t-il ajouté.

« La Chine et l’UE sont deux grands marchés qui grandissent ensemble. Ce sont des partenaires pour une coopération gagnant-gagnant », a déclaré le ministre chinois. « Nous apprécions le fait que l’Allemagne et l’UE aient annoncé qu’elles ne chercheraient pas à se dissocier de la Chine, mais nous sommes toujours préoccupés par les déclarations de l’UE concernant la réduction des risques », a indiqué Qin Gang.

Toutefois, « si certains (pays ou parties) persistent dans la désinisation au nom de la réduction des risques, ils rompront en fait avec les opportunités, la coopération, la stabilité et le développement », a-t-il avertit.

Le ministre chinois a mis en garde contre le fait que certains pays sont en train de lancer une « nouvelle guerre froide ». « Ils ont enfreint les règles internationales, attisé la confrontation idéologique et la confrontation de blocs, tenté de se dissocier des autres et de rompre les chaînes d’approvisionnement, abusant du pouvoir monopolistique de leur monnaie pour imposer une « juridiction au bras long » et des sanctions unilatérales à d’autres pays. En outre, ils ont exporté leur propre inflation, leur propre crise financière et créé de graves retombées », a indiqué le diplomate chinois.

« Ce sont des risques réels auxquels il faut prêter attention », a déclaré Qin Gang, avertissant que si la « nouvelle guerre froide » était déclenchée, elle serait non seulement néfaste pour les intérêts de la Chine, mais aussi pour ceux de l’UE.

« Nous devons nous opposer fermement au ‘découplage avec les autres et à la rupture des chaînes d’approvisionnement‘, rester vigilants face à la ‘nouvelle guerre froide’ et nous unir pour garantir des chaînes industrielles et d’approvisionnement internationales stables et fonctionnant correctement », a-t-il conclu.

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