dimanche, mars 24

Une sortie de crise reste peu probable pour l’heure

Dans une interview accordée à Libération, le sinologue Gunter Schubert, chercheur au Centre européen de recherche sur Taiwan contemporain (ERCCT), partage son analyse de la mobilisation pro-démocratique à Hong Kong, qui dure depuis quatrième mois .

Selon lui, l’évolution de la situation est « très difficile de prédire« . Ce dernier se demande « quelle sera la réaction des Hongkongais si les Chinois décident d’être plus présents et offensifs avec des militaires dans la rue? ».

« Pour l’instant, une partie des militants, une minorité radicale, cherchent à internationaliser cette lutte » : Joshua Wong et d’autres activistes du mouvement des Parapluies (en 2014) ont entrepris une tournée en Europe et aux Etats-Unis.

Suite à ces rencontres, et pour la première fois, une conférence de presse de l’ambassadeur chinois à Berlin, Wu Ken, a eu lieu pour critiquer la rencontre du jeune Hongkongais. « Tout cela montre la nervosité des autorités en Chine.Dans cette situation volatile, les militants prodémocratie semblent plus déterminés… », a expliqué Gunter Schubert.

Cette détermination fait entrer les manifestants « dans un cycle très dangereux. Ils sont à un tournant avec un risque d’escalade ». Ils « cherchent aussi à mobiliser au sein de la majorité de la population. On verra si cette stratégie fonctionne », a précisé le sinologue.

Selon lui, « il est probable aussi que la mobilisation se ritualise avec des manifestations à chaque fin de semaine. Le but est de tenir, de durer. (…) Pour l’instant, le pouvoir est ferme, calme en apparence, malgré la nervosité. Les Chinois se retrouvent dans une impasse et c’est dans dangereux ».

« Les Chinois ne comprennent pas les Hongkongais. Pour eux, l’intégration de Hongkong est un long et lent processus connu et décidé » en 1997 lors de la rétrocession de l’île par le Royaume-Uni à la Chine.

« Quand les Hongkongais évoquent la longue érosion de leurs droits, les Chinois répondent qu’ils doivent s’adapter lentement au système de la République populaire (…) En fait, deux rationalités complètement différentes se font face en ce moment et je ne vois pas l’espace pour un compromis entre les deux camps », a souligné le titulaire de la chaire des études sur la grande Chine.

Gunter Schubert a expliqué à Libération que :

« les manifestants ont des demandes très concrètes (enquête indépendante sur les violences commises par les forces de l’ordre, l’instauration du suffrage universel), mais au-delà, ils entendent créer une mobilisation internationale sur l’érosion de leurs droits, sur la démocratie ». « C’est plus général et aussi plus abstrait pour les Chinois qui savent que les Hongkongais disposent de droits que les Chinois du continent n’ont pas. C’est la formule «un seul pays, mais deux systèmes». Pékin ne veut pas d’une démocratie à l’occidentale, mais à la chinoise ».

Raison pour laquelle, Gunter Schubert a expliqué q’une « stratégie intelligente » de la part des manifestants est de rester sur des demandes très concrètes car « la démocratie, les droits de l’homme c’est dangereux pour les Chinois. Ce serait plus clairvoyant de rester au niveau concret et d’avoir une lutte qui dure tant que le résultat n’est pas atteint. Il s’agit d’une résistance à long terme. La seule réponse avec la Chine, c’est négocier, négocier, négocier, faire des petits pas, des petites bagarres. Mais pas lutter, ni casser ».